Le laguiole, fromage de l'Aubrac

3/10/2023


Publié le 06/08/2023  | La Dépêche du Midi |  Philippe Henry

Fromage : le laguiole intimement lié à l’histoire du plateau de l’Aubrac


Les fourmes de laguiole / DDM

L’histoire du laguiole se perd dans la nuit des temps. Aujourd’hui, avec près de 650 tonnes produites, la coopérative Jeune montagne assure la promotion de ce fromage qui fait vivre toute une région.

Il y a près de 2 000 ans, Pline l’Ancien dans son "Histoire naturelle" évoque déjà un fromage produit dans une région qui est vraisemblablement l’Aubrac… Et l’auteur assure que c’était l’un des produits parmi les plus estimés à Rome. L’histoire du laguiole s’inscrit dont dans le temps long. Autre exemple : 500 ans plus tard, Grégoire de Tours, évêque et historien de l’église des Francs, raconte que nos ancêtres offraient à leurs dieux "forma casei". Soit des fourmes de fromage en les jetant dans les eaux d’un lac de l’Aubrac.


Transhumance : Arrivée des troupeaux dans le village d'Aubrac./ DDM

Et puis, en 1120, Adalard fondait la Dômerie d’Aubrac. Les moines défrichent et transforment le haut plateau en pâturages. Et, suite logique, des transhumances entre les vallées et ces plateaux se mettent en place. Peu à peu, une fabrication fromagère plus codifiée se met en place de façon à nourrir l’abbaye mais également les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle qui passent par Aubrac. 


Dans les caves de la coopérative Jeune Montagne à Laguiole / DDM, J.A. Torres

Puis, au cours du XIXe siècle la production se développe, toujours dans cet objectif de mieux rentabiliser les estives. La fin du siècle voit la fondation du Syndicat agricole et fromager de Laguiole devenu depuis le syndicat de défense et de promotion du fromage de laguiole. En 1900, 700 tonnes sont produites dans 300 "masucs" par 1 200 buronniers. Peu après, l’histoire du laguiole aurait pu basculer.

Car sa fabrication s’est écroulée à la fin des années 50 avec seulement 50 tonnes produites en 1959. La crise du monde agricole frappe durement l’Aubrac : arrêt de la vente de bœufs de travail, les animaux trouvent difficilement des acheteurs et à des prix bas. Le nombre d’agriculteurs diminue lui aussi rapidement.


Les troupeaux sur les estives / DDM

"Bienvenu"
C’est alors que l’histoire millénaire du laguiole en rejoint une, plus contemporaine. À la Terrisse, en 1960, un groupe restreint de jeunes agriculteurs se réunit chez André Valadier qui a alors 26 ans. "Le système s’écroulait, mais nous avions un atout important, notre jeunesse, raconte-t-il. Nous étions dos au mur, il fallait trouver une solution ou partir. Le lait était la solution."

Ensemble, le 15 mars 1960, ils créaient la coopérative Jeune montagne. "On ne savait faire que du laguiole. Mais si on avait fait une étude de marché, il est certain qu’on ne se serait pas lancés dans l’aventure", complète André Valadier.


Les estives du plateau d'Aubrac / DDM

Le 1er juin 1960 commence la fabrication dans une fromagerie emménagée dans la ferme du grand-père, grâce à l’aide des premiers adhérents. Le premier salarié est embauché : il s’appelle Bienvenu. Pour autant, rien n’est encore gagné. Outre les problèmes financiers, les jeunes responsables de la coopérative se heurtent également à des questions de label mais qui finiront par être réglée. 

En décembre 1961, le premier décret de l’AOC paraît. Il permet autant la fabrication en buron qu’en laiterie, tout en conservant les méthodes traditionnelles et le lait cru et entier.


Et file l'aligot / DDM, J.L. Pradels

La quantité de litres collectés s’accroît au fil des années et le prix payé devient rémunérateur pour les éleveurs. Dès 1967, le nombre de producteurs dépasse les 300, les 2 millions de litres sont atteints en 1968 et les 4 millions en 1975. Aujourd’hui, en 2023, Jeune montagne rassemble 76 fermes de l’Aubrac et de Thérondels et 15 fermes du Carladez. 

L’Union fromagère emploie 160 salariés pour la fabrication du laguiole AOP, de la tome fraîche, de l’aligot et des fromages de l’Aubrac et du Carladez. 650 tonnes de laguiole sont produites. "Le fromage est bon dans sa croûte lorsque le lait est bon dans son pis, et le lait est bon dans son pis lorsque la vache est bien dans son pré", résume André Valadier. 

Un état d’esprit qui résume tout le travail entrepris par celles et ceux qui ont fait du laguiole le fromage emblématique de toute une région.


La nouvelle vie des burons / DDM


 

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