Guerre du magret... ou conflit de canard ?

27/10/2011

Par Jean-Charles Galiacy / Sud-Ouest / 27.10.2011

Gers : Daguin - Labeyrie, conflit de canard autour du magret

Le Landais Robert Labeyrie se revendique aussi comme l'inventeur du magret

Robert Labeyrie, qui a fondé la maison du même nom. photo archives philippe salvat

Impossible de réaliser un test de paternité. Pauvre magret, certes le plat préféré des Français en 2011 mais incapable de savoir qui est finalement son vrai papa. Le Gersois André Daguin restera assurément dans l'Histoire comme le père inventeur de ce morceau de viande et de la façon de le préparer. Mais loin des cuisines de l'Hôtel de France, à Auch, se cache un dissident. Un homme qui revendique également la paternité de la poitrine de canard.

L'un a la voix forte et rocailleuse, l'autre plutôt fluette et douce. Direction les Landes voisines, la commune de Saint-Geours-de-Maremne, où travaille toujours Robert Labeyrie. Le fondateur de la société du même nom n'a apparemment rien contre Daguin. Mais, tout en louant l'œuvre du chef étoilé gersois, il le clame avec assurance : sans lui, le magret serait resté un petit plat confidentiel et sympathique de la capitale gasconne.

« J'ai eu l'idée… »

« À l'origine, les oies et les canards se gavaient seulement deux mois par an, en novembre et en décembre, raconte-t-il. C'est moi qui ai milité, au début des années 60, pour que ce soit toute l'année. Du coup, je me suis retrouvé avec des montagnes de viandes à écouler. Le confit de canard était surtout apprécié dans les Landes, le Gers ou en Dordogne mais très peu à Paris. Et j'ai eu l'idée de lancer le magret afin d'écouler les stocks… »

Et voilà comment la poitrine de canard gras, des années plus tard, se retrouve tiraillée entre deux fortes personnalités du Sud-Ouest, deux papas potentiels. « Si vous dîtes qu'André Daguin est l'inventeur du magret, ça ne me gêne pas, reprend Robert Labeyrie. Il l'a été dans son restaurant. Moi, je l'ai inventé au niveau mondial ! »

Jusqu'au Japon

Car le Landais explique avoir lancé des magasins un peu partout en France, dont deux à Paris et Bordeaux, afin de vendre son foie gras, bien sûr, mais aussi pour promouvoir le fameux et tout nouveau tout beau « maigret ». « J'estime qu'on a inventé quelque chose lorsqu'on l'a vendu à des millions d'exemplaires, livre le Gascon qui s'est lancé en 1946 dans la production de foie gras. André Daguin n'en vendait que cinq ou dix par jour dans son établissement. Moi, je l'ai commercialisé jusqu'au Japon, où les Nippons en étaient très friands. »

Pas de prise de bec pour autant. André Daguin en sourit. « Le tout est de s'entendre sur les mots, explique-t-il. Robert Labeyrie a pris une part importante dans la propagation du magret de canard, mais chacun son métier. C'est un commerçant avisé avec qui j'ai d'ailleurs beaucoup travaillé. Il a été un grand artisan de la diffusion du magret. Mais il n'a rien inventé. »

 

Par Jean-Charles Galiacy / Sud-Ouest / 26.10.2011

Le père est très fier

Le magret passe en tête des plats préférés des Français : André Daguin savoure

André Daguin, papa du magret, inventeur du plat préféré des Français. photo archives philippe bataille

Il tient son heure de gloire. Relégués au second plan, le couscous, la blanquette de veau ou le pavé de saumon grillé doivent désormais s'incliner devant l'adorable poitrine du canard gras. Oui, fiers Gascons, selon une étude TNS Sofres pour le compte du magazine « Vie pratique gourmand », le plat préféré des Français est aujourd'hui gersois. Avec 21 % des suffrages (1), le magret devance d'un court bec les moules frites (20 %) et le couscous (19 %).

S'il en est un qui savoure plus que d'autres cette irrésistible ascension, c'est bien André Daguin, papa de la recette la plus appréciée des tables françaises. « Maigret de canard » se plaît à marteler, depuis le début des années 60, celui qui imagina, en pionnier, cette façon si particulière de préparer les filets du canard avec sa recette au poivre vert.

La promotion américaine

Son grand-père lui répétait bien, pourtant, de bien faire cuire le petit palmé. Mais le chef étoilé a préféré l'insolence d'un morceau servi saignant ou rosé. Bien lui en a pris. Son invention, remarquée par Bod Daley, journaliste américain au « New York Times » et tombé sous le charme de cette « nouvelle viande », va affoler la presse parisienne et la cuisine de tout un pays.

« Durant longtemps, j'indiquais seulement qu'il s'agissait de viande rouge », sourit aujourd'hui André Daguin. Et pendant plus de sept ans, le magret de canard fut sujet à de nombreuses disputes dans son antre, à l'Hôtel de France, à Auch. « Je me suis engueulé avec un paquet de gens qui ne voulaient pas croire à du canard. »

Qu'importe les sceptiques de l'époque, le cuisinier et fort en gueule est déjà entré dans l'Histoire. Et aujourd'hui, les producteurs de palmipèdes lui doivent une fière chandelle. Contre un peu plus de deux millions de canards élevés dans les années 60, la production flirte aujourd'hui avec la trentaine de millions.

L'impact économique

Et le magret a largement détrôné les autres morceaux de l'animal, l'aile ou la cuisse se retrouvant quelque peu délaissées… « Les inventions des cuisiniers peuvent avoir une influence sur l'économie. Voilà pourquoi je me suis impliqué dans les filières de volaille », livre le Gersois qui, ce week-end encore, était à Roanne (42) pour une démonstration autour des canards mulards et de barbarie.

Dans l'étude publiée par le magazine « Vie pratique gourmand », les résultats varient selon les âges, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle ou encore la domiciliation. Le magret de canard devient le plat préféré des femmes (20 %) et écrase la concurrence dans le Sud-Ouest (près de 37 % des sondés). Reste à conquérir de nouveaux territoires, notamment le Nord, féru de steack-frites (33 %), le Centre, amateur de tomates farcies (28 %) ou le Sud-Est, épris du gratin dauphinois (22 %).

En attendant, André Daguin ne touche pas un radis sur son invention. « Ah, si je touchais dix centimes sur chaque magret, je vivrais certainement sur une île déserte. Mais je m'y emmerderais. C'est bien mieux comme ça ! »

 

Publié le 26/10/2011 08:32 | Pierre Mathieu | ladepeche.fr

Le magret est bien votre plat préféré

Dans le sud-ouest, on place le magret en tête, et le confit en 3e position.. / photo DDM Sébastien Lapeyrère.

Dans le Sud-Ouest, on sait que rien ne vaut un bon magret ! Cette opinion est aujourd'hui partagée par tous les Français qui font de ce morceau de canard « inventé » par le chef gersois André Daguin leur plat préféré.

Poêlé, grillé, rôti, tranché, mariné au miel ou farci au foie gras, le magret est devenu en quarante ans un indispensable de la gastronomie française et un classique des bons repas de famille. En accédant au titre de plat préféré des Français, il hisse le Sud-Ouest en tête des régions gourmandes.

Une « invention » des années 60

C'est un sondage TNS-Sofres qui a révélé les préférences des Français. Réalisé cet été auprès de 999 personnes, les résultats viennent d'en être connus : premier, le magret (21 %), deuxièmes les moules-frites (20 %) et troisième le couscous (19 %). On remarque que les régions et les cultures se marient à table, en France, où la banquette de veau était sur la première marche du podium en 2006.

Les sondés du Sud-Ouest classent le magret premier à 37 %, et font monter le confit du même canard sur la troisième marche du podium…

Pratique d'emploi, d'un coût raisonnable pour une viande sans déchet, le magret (ou maigret) est, selon la définition, le muscle pectoral entier, prélevé sur une oie ou un canard qui a produit un foie gras.

Vivre au pays

S'il a toujours existé sur la poitrine du canard, il n'a été mangé comme tel qu'au début des années 60. C'est le chef gascon André Daguin qui, le premier, le présenta à la carte de son restaurant d'Auch, sous le titre assez mystérieux de « Lou magret grillé sur la braise » (lire ci-dessous). À l'époque, il n'osait pas dire que cette viande rouge servie saignante était du canard… « On ne m'aurait pas cru, et d'ailleurs le plus souvent, on ne me croyait pas ! » se souvient-il.

À partir des années 70 et 80, adapté à une époque où l'on a moins de temps à consacrer à la préparation des confits, le magret est devenu la vedette des viandes de palmipèdes gras. Il a aussi permis à toute une génération de petits éleveurs de se fixer en Gascogne et de vivre, avec du maïs, un peu d'eau et des canards. La production de palmipèdes est passée de 2,5 millions de becs à 30 millions entre 1960 et 2010.

« Vous vous rendez compte alors comme le travail d'un cuisinier peut peser sur l'économie de son pays ! ». Nos papilles lui disent merci.

 

Publié le 26/10/2011 08:33 | Recueilli par P.M.

"Ce n'était pas de l'antilope"

André Daguin, ancien chef étoilé de l'hôtel de France à Auch

« À l'école hôtelière, à Paris en 1955, je rongeais mon frein, car de confit de canard ou de graisse d'oie, il n'était jamais question. Enfin je redescends à Auch, et en mangeant du confit avec mon grand-père, je lui dis que la poitrine est trop sèche, qu'on pourrait essayer de la servir saignante… Mais le grand-père de m'expliquer que ce n'est pas possible pour des questions d'élevage. La poitrine du canard touchant le sol et la paille, la viande est infectée et on doit la cuire très fort. Or la méthode d'élevage a changé, elle s'est faite sur du grillage, des claies propres, et j'ai pu expérimenter mon idée. Mais il fallait être un peu malhonnête et surtout ne pas dire qu'il s'agissait de canard. En 1961, c'était le début de la grande mode des grillades, j'ai donc inventé « lou magret grillé sur la braise ». C'était une viande rouge grillée saignante, servie sans la peau, avec des frites et une sauce béarnaise montée à la graisse de canard.

Si les gens me demandaient, je finissais par leur dire que c'était du canard, et bien sûr ils ne me croyaient pas, ce ne pouvait être que de l'antilope !

Pendant plusieurs années, ça n'a pas si bien marché. Puis un jour, Bob Daley, un journaliste du New York Times est venu, et au retour il a titré sur une page entière « J'ai découvert une nouvelle viande à Auch ». La presse française s'en est émue et la carrière du magret était lancée. Cinquante ans après, j'en mange encore, pas plus tard que la semaine dernière, à Roanne chez mon ami Troisgros ! »

Article réalisé à partir des sites ladepeche.fr & sudouest.fr


 

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