La revanche des villages

3/7/2022


Publié le 25/06/2022 à 14:07  | La Dépêche du Midi |  L'édito deDominique Delpiroux

Vivre au pays


Saint-Savin (Hautes-Pyrénées)

C’est la revanche des petits David des champs contre les Goliath des villes. Et il était grand temps ! Depuis les années 50, nos villages se vidaient de leur substance. L’exode rural semblait inexorable. « Ils quittent un à un le pays pour s’en aller gagner leur vie loin de la terre où ils sont nés » chantait Jean Ferrat dans les années soixante. Le formica et le ciné aspiraient les forces vives de la ruralité.

Cela s’expliquait en partie par la révolution agricole qui a accompagné l’après-guerre. Après des années de disette, il fallait nourrir le pays et appliquer des méthodes modernes pour produire plus. Un bond qualitatif et quantitatif qui a tenu ses promesses. En même temps, la paysannerie avait de moins en moins besoin de bras, tandis que les usines et les bureaux réclamaient ouvriers et cadres. 


Lautrec : Berceau de Toulouse-Lautrec, de l’ail rose et du pastel / DDM

Pendant des décennies, nos villages s’étiolaient, mourraient à petit feu. Les maisons se délabraient, les écoles fermaient, les églises n’avaient de fidèles que les courants d’air. Certaines localités ont même été rayées de la carte, comme Périllos, dans les Pyrénées-Orientales, où le dernier habitant, un berger, est parti en 1970.

Fort heureusement, depuis les années 2000, le mouvement s’est inversé, et la vie est revenue petit à petit dans nos villages. Des habitants lassés des étouffantes métropoles, qui voulaient retrouver un cadre à échelle humaine. Cela dit, cette reconquête n’a pas été facile. Bien sûr, ces clochers et ces ruelles étaient pleins de charme, mais elles avaient perdu depuis belle lurette leur bureau de poste, leur bistrot, la boucherie, le coiffeur ou l’épicerie. Il a fallu rouvrir des commerces, souvent associatifs ou aidés par la municipalité, faire revenir le toubib ou tout faire pour qu’il ne parte pas, rouvrir les écoles, s’accrocher aux services publics.


1 000 cafés : solidarité et lien social au cœur de la ruralité (Gramond, Aveyron) / DDM 

Le bonheur est peut-être dans les prés, mais, à la campagne, il faut aussi se le gagner. C’est effectivement un privilège d’habiter à Bruniquel ou Saint-Bertrand, et même au-delà de ces sites prestigieux, de se nicher dans un douillet paysage du Gers ou dans une bâtisse de pierres défiant les Pyrénées. Mais, comme disent les adolescents : « Est-ce qu’il y a la wifi ? »

Les statistiques le montrent : il y a de l’avenir, dans ces villages, qui aujourd’hui se réveillent, après une longue léthargie. Cette renaissance doit s’accompagner d’une vraie politique d’aménagement du territoire : pas question d’un pays à deux vitesses, l’un branché sur la fibre, l’autre au pas du tracteur.



Castelnau-de-Montmiral : La base de loisirs Vère-Grésigne / DDM, S.M.

Ainsi, aujourd’hui, avec l’explosion du prix du carburant, c’est la mobilité de la ruralité qui risque de poser un gros problème. 
C’est bien de revenir au pays, mais pas question d’y rester bouclé, faute de carburant, d’internet, de médecins ou de commerces. Ce déconfinement-là n’est pas encore achevé.


Publié le 25/06/2022 à 07:14 | La Dépêche du Midi |  Philippe Rioux

En France, les villages n’ont pas dit leur dernier mot


Le marché de Samatan / DDM, SEBASTIEN LAPEYRERE

Désertés par leur jeunesse, boudés par les Français et trop souvent oubliés par la classe politique, les villages sont revenus en force sur le devant de la scène entre la crise des Gilets jaunes et la crise sanitaire du Covid-19. La qualité de vie, de nouvelles infrastructures, une activité culturelle réelle font que les Français voient désormais les villages sous un autre œil.

On les disait dépassés, ringards, étouffants, isolés, passéistes par rapport aux villes et grandes métropoles censées représenter l’avenir, la modernité mondialisée, l’emploi. Et pourtant, les villages de France n’ont pas dit leur dernier mot. Ces dernières années, deux événements majeurs sont venus rappeler leur existence de façon spectaculaire. Le premier est la crise des Gilets jaunes fin 2018. 


Najac (Aveyron) / ML, A.A.

Si elle a mué en un mouvement social aux revendications nombreuses et disparates, son point de départ, sur les ronds points, était bien un cri du cœur et de détresse des habitants des zones rurales qui se sentaient oubliés par les politiques publiques et méprisés par un exécutif très centralisateur et parisien, ignorant les problématiques des « territoires » alors que 31 % de la population habite dans une commune de moins de 3 500 habitants.

L’impact du Covid-19
Le second événement majeur a été la crise sanitaire du Covid-19 et ses confinements qui a ouvert les yeux des Français : oui, une autre vie qu’en ville dans de petits appartements est possible. Des milliers de villages, marqués ces dernières décennies par l’exode rural, sont là et proposent une vie différente, très éloignée des villages d’autrefois. Le dynamisme des villages, porté par une kyrielle d’associations et des élus locaux qui se donnent sans compter, mais aussi par des entrepreneurs qui font le pari de s’y implanter est bien réel.


Ces villages qui renaissent : à Saint-Clar dans le Gers, le miracle du petit commerce ressuscité / DDM, Sébastien Lapeyrière

« L’idée d’abandon des villages n’est plus d’actualité et un rattrapage indispensable de l’écart territorial entre ville et campagne est nécessaire. Ce confinement ne va faire que réactiver l’idée qu’au fond, l’horizon rural, c’est là que l’on vit le mieux, à hauteur d’humanité. Il est un espace d’expérience (humaine), pour citer Paul Ricœur. Je crois qu’à la faveur de ce confinement, on va retrouver l’idée que le village a toujours été l’endroit où l’on a cherché, où l’on peut trouver des lieux humains, où l’on vient au monde. On a vu l’image de l’agriculteur de souche changer très vite au fil de ces dernières années. Encore plus avec le confinement. De pollueur, il est devenu le père nourricier qui va nous sortir de la malbouffe et peut-être même devenir l’expérimentateur social, l’agent de notre sécurité alimentaire », résumait dans La Gazette des communes en mai 2020 l’historien Jean-Pierre Rioux.


Journée "de ferme en ferme" en Pays de Sault (11) / DDM

Et de fait, on a vu émerger ces deux dernières années des néoruraux désireux de s’installer à la campagne, ce qui suscite parfois des frictions avec les habitants quant aux « bruits » de la campagne. Mais au final, on assiste bien à une redécouverte des villages et des villes moyennes qui mérite d’être accompagnée par des politiques publiques plus ambitieuses en termes d’aménagement des territoires, de développement des transports en commun, de connexion à internet à très haut débit ou d’accessibilité à la santé.

Des initiatives tous azimuts
Car les villages ont connu, avant ce retour de flamme, de nombreuses difficultés, coincés dans un cercle vicieux : un départ de population entraîne des commerces qui ferment puis des écoles et donc impossible d’attirer de nouveaux habitants. 53 % des communes de moins de 3 500 habitants ne disposent ainsi d’aucun commerce du quotidien…


L'école, l'âme d'un village (Mayran, Gers) / DDM

Ce cercle vicieux n’est désormais plus automatique et on le doit à l’engagement des habitants, de leurs élus locaux, mais aussi à quelques initiatives remarquables. Comme « SOS Villages » lancé par Jean-Pierre Pernaut sur TF1 il y a 11 ans pour ceux qui souhaitent reprendre une activité ou un commerce vacant dans un village. Citons aussi l’opération « 1 000 cafés » lancée en 2019 par le Groupe SOS pour reprendre ou ouvrir des cafés multiservices dans des communes de moins de 3 500 habitants.

Mais au-delà des problématiques socio-économiques, il y a aussi l’attractivité des villages qui s’est améliorée et qui est saluée, par exemple, par le label des « Villages fleuris », celui du « Plus beau village de France », l’émission de France Télévisions présentée par Stéphane Bern, ou encore par le concours « Mon beau village » organisé par La Dépêche. L’édition 2022 est en cours  et les communes peuvent s’inscrire jusqu’au 30 juin pour remporter un prix dans quatre catégories : innovant et environnement ; patrimoine ; jeunesse et enfin vie locale.


Occitanie : Ces endroits où il fait bon vivre


Saint-Cirq-Lapopie (Lot) / DDM
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