Le repounchou en Aveyron
Publié le 08/05/2022 à 05:12 | La Dépêche du Midi |
L’improbable ascension du repounchou
Une fois une belle botte en main, on pourra s’activer à mitonner la recette de grand-mère exhumée des tréfonds des mémoires. / DDM
C’est le grand retour de la plante reine, le repounchou. Zoom sur nature savoureuse.
Alors que les mois sans "r" signent l’arrivée d’un renouveau printanier, la dix-huitième lettre de l’alphabet claque en faisant résonner le mot : "repounchou". En toute logique occitane, la plante reine des haies, n’en finit pas de rouler sous la langue. Intraduisible dans ce français jacobin, elle saute aux yeux de l’évidence de ces Aveyronnais en quête d’une gourmandise combative, hissant au firmament de la gastronomie son amertume caractéristique.
Un rien craintif et surtout très fragile lorsque les ultimes gelées blanchissent la campagne, le repounchou, aux orthographes multiples, se mue en coqueluche chez les gourmets allant jusqu’à tenter de se damer le pion. Il faut dire que lorsque fin mars l’heure change, cette liane émerge du sol en dressant fièrement sa tête avant de s’agripper aux marches.
Les respounsous, lorsqu'ils sont connus, relèvent de la passion / DDM
De la cueillette aux recettes de grand-mère
Car d’abord, il y a la quête, la cueillette relativiseront certains. On commence par scruter les lianes sèches de la saison passée, faciles à repérer entre les ronces, les buissons noirs et autres branches frêles. Les jeunes pousses se découvrent alors que la végétation pousse ses premiers soupirs de soulagement. Le printemps étant fils de l’hiver, le doute n’est plus permis. Terrains du causse calcaire ou haies survivantes aux remembrements successifs du Ségala sont son repaire.
Tête baissée et regard fixe, on se laisse prendre par ce moment si particulier n’ayant rien à voir avec la traque aux cèpes ou aux morilles. Une fois une belle botte en main, on pourra s’activer à mitonner la recette de grand-mère exhumée des tréfonds des mémoires accommodée de quelques œufs frais, de belles tranches de lard, voire de pommes de terre épongeant l’amertume.
/ DDM
À chacun la sienne, peu importe. L’essentiel étant bien que "repouchounado" rime avec échange, partage et convivialité.
Car on ne déguste pas ce plat en solo, mais bien en tribu. Pour preuve jusqu’au petit bourg du Mauron sur les hauteurs de Villefranche, mais commune de Maleville, qui, chaque dimanche de Pentecôte, dresse l’imposante table d’hôtes de sa repounchounado annuelle. Pour l’instant, le rituel a échappé à la main mise de quelque confrérie.
Sauvage un jour, indomptable toujours et vive le repounchou !
Le repountchou ou tamier commun / DDM
Répountchous, repounchous, respounsous, responchons,...
...Autant de qualificatifs pour cette liane dont la dénomination exacte est le tamier commun ou herbe aux femmes battues.
Elle est toxique à l'exception de ses jeunes pousses comestibles.
Proche de l'asperge sauvage, on la trouve dans les haies sur les talus broussailleux, les ronciers et quelques lisières de bois.
Pour la consommer on coupe l'extrémité de la tige à une quinzaine de centimètres.
Il est important de ne pas trop les cuire afin d'éviter une trop grande amertume. Il faut juste les faire blanchir cinq minutes.
Leur petit goût acidulé convient alors à merveille aux omelettes, aux salades avec des œufs durs, lardons (ou foie de porc salé) et croûtons frits.
Publié le 08/05/2022 à 05:12 | La Dépêche du Midi | J.-P.C.
Quentin Bourdy, le chef qui déclare sa flamme au repounchou
La pascade au repounchou et à l’oseille prête à servir par Quentin. / DDM. JPC.
Les saisons rythment sa cuisine. "Elles marient les saveurs", lâche Quentin Bourdy, depuis son antre de "Jacques à dit" battant pavillon en bastide. Il sait qu’il doit jongler avec l’éphémère de produits ne survivant au temps que quelques courtes semaines. Qu’à cela ne tienne, ce choix fort lui ouvre les perspectives d’un incroyable champ des possibles doublé d’une sacrée signature culinaire.
Autant dire que lorsque le "repounchou" commence à s’agiter, l’excitation prend du poil de la bête. Sa pleine saison coïncide aussi avec celle de l’oseille, la "binette", baptisée comme telle par les anciens, riche d’une autre acidité croisant parfois sa route en accompagnant les confits de canards sous forme de "tripade", autre plat fait bien où œufs et pommes de terre calment son tempérament. Comme la base d’une "repounchounado".
De magnifiques responchons ! / DDM
"Comme autrefois"
À défaut de croiser le fer, le chef mêle l’alchimie de leurs saveurs une amère, l’autre acide, en un agencement improbable coupant les ailes de l’habitude. Pâques n’étant pas très loin, il prend pour point d’ancrage la "pascade", née d’une modeste pâte à crêpe sans lait ni crème, mais confectionnée à l’aide d’un frugal bouillon,- "comme autrefois avec la soupe des anciens".
Lui rajoute un poil de sarrasin apportant un côté terre. Une pointe de miel de châtaignier faisant le reste. Les queues les plus dures du "repounchou" sont roulées dans la pascade, alors que les tendres têtes, finement émincées, saisies à l’huile d’olive dans une poêle déglacée au vinaigre maison, craqueront dans le palais. Le tout posé sur une mousse d’oseille fait saliver.
Le responchon ou tamier, fameuse plante sauvage adorée par Aveyronnais et Tarnais, peut être préparé à toutes les sauces / DDM
Quentin parle d’ "une déclaration d’amour au repounchou, car avec toutes ces saveurs, nous sommes dans une cuisine aveyronnaise qui vient naturellement." Le goût herbacé de l’ensemble suinte. Il offre cette respiration gourmande naturelle. Sans artifice facultatif. Une cuisine allant à l’essentiel comme celle prônée par Billat-Savarin en défendant : "les plantes ont le goût de ce qu’elles sont."
Pas de faux-semblant inutile pour Quentin Bourdy qui n’a pas besoin de chasser le naturel pour le voir revenir au galop. Sa logique est là. Pour le meilleur !
Noémie et Quentin Bourdy / DDM
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