Reportage DDM : la charcuterie de Lacaune

15/10/2014

    Reportage DDM : la charcuterie de Lacaune   





Publié le 12/10/2014 à 09:27  | La Dépêche du Midi |   Vincent Vidal

Charcuterie de Lacaune : le savoir-faire ne meurt jamais

On trouve même les symboles de la charcuterie sur les véhicules / Photo DDM V.V.

Dans le cochon, tout est bon. Cette maxime, les Lacaunais en ont fait une spécialité, un métier, une tradition. Les premiers signes de l'existence des Mazeliers (profession de boucher au Moyen-Âge) sont retrouvés dès 1321. Ici, on aime le gras, nécessaire pour supporter la rigueur des froids hivers .

Dans les familles, on se met à «tuer» le cochon, à sécher jambons et saucisses, aidés par la convergence de deux vents. Le Méditerranéen, chaud et humide, et celui du Nord, froid et sec. «Les Monts de Lacaune sont l'endroit idéal pour la charcuterie» confirme Didier Oberti, à la tête de la plus grande entreprise de salaison de la région, avec ses 50 salariés. Au XVIIIe siècle, la production et les échanges progressent.

En été, les Lacaunais partent faire les vendanges sur les chauds terroirs de l'Hérault. En échange de vin et de sel, ils apportent leur charcuterie. «Nous utilisons toujours ce sel pour nos produits» confirme l'entrepreneur. Les ans passent. «Les tueries» se multiplient. Les entrepôts de séchage poussent comme des petits pains. Les Mazeliers sont rois. Ces produits ont une place de choix sur les marchés de la région. «Le savoir-faire était déjà là. Petit à petit, Lacaune est associé à charcuterie» assure Didier Oberti. Quand il parle porc, l'homme sait de quoi il parle. «L'école ne me plaisait pas. Alors à 17 ans, mon père m'a dit «si c'est comme ça, tu viens travailler avec moi comme apprenti boucher». 



La saga familiale est lancée. «Avec notre camion, on faisait les marchés. Mon père, alors, n'était que revendeur. C'est plus tard que l'on s'est lancé dans la production». Aujourd'hui, du haut de ses 61 ans, le succès de son entreprise apporte fierté et prospérité. Mais, il sait trop bien, que rien n'est acquis. «Il y a vingt ans, la charcuterie, c'était 800 emplois. Aujourd'hui, au grand maximum, nous sommes 400». La crise, certes, était passée par là. Mais elle n'explique pas tout. «Certains n'ont pas trouvé de repreneurs. D'autres ont décidé tout simplement de fermer boutique à l'heure de la retraite. Surtout, quand vous regardez les entreprises qui existent encore, ce sont toutes des structures familiales comme la mienne.» 

Le ton est grave. «Nous sommes nés ici. On veut faire vivre notre région, transmettre un patrimoine à nos enfants. Pour les investisseurs extérieurs, Lacaune est trop loin. Pas d'autoroute, de très grandes villes à proximité. Alors, ils achètent notre savoir-faire, puis délocalise. C'est l'un des drames de notre région» confie Didier Oberti. Mais ces charcutiers ont le cuir robuste. L'avenir existe avec le label IGP (indication géographique protégée) que la zone devrait décrocher dans moins d'un an (lire ci-dessous). Ce Graal va permettre aux Lacaunais d'ouvrir plus facilement les portes des grandes enseignes, mais surtout de protéger le nom «charcuterie de Lacaune».

Tous ceux qui n'appliqueront pas les règles imposées par l'INAO (institut national de l'origine et de la qualité) n'auront plus le droit d'utiliser le nom Lacaune sur leur produit. Nous savons tous que les contraintes sont là, mais c'est le seul moyen de progresser face à la concurrence» poursuit l'entrepreneur. 



Ce qui signifie que certains charcutiers lacaunais sont prêts à perdre cette appellation. «Absolument. Ils ont leurs secrets, leurs techniques d'affinage et de séchage. Ils ne veulent pas en changer, par peur de perdre leur clientèle. Mais sur le long terme, ce sont eux les perdants» conclut Didier Oberti. Voilà. Même si tout n'est pas rose dans le petit monde de la charcuterie lacaunaise, l'espoir et la volonté sont bien là, chevillés dans la tête de ces «Mazeliers» , héritiers d'une tradition, d'une histoire, d'un savoir-faire, qui espérons-le, ne mourront jamais.

Didier Oberti : «Notre avenir, c'est de décrocher le label IGP»
Indication géographique protégée. Voilà bien le Graal que le syndicat des salaisons de Lacaune veut à tout prix, décrocher. «C'est un long processus» confie son président Didier Oberti. «Mais cette fois-ci, cela devrait se faire très vite». Il faut avouer que cela fait bien longtemps que la zone espère décrocher un label. «Notre premier dossier, c'était en 1992, pour accéder à l'AOC. Finalement, en 2007, on a essuyé un refus» renchérit le chef d'entreprise.



Les raisons de l'échec ? «Il fallait que tous nos cochons soient élevés sur la zone de Lacaune, que l'on possède une vraie race porcine. C'était impossible, car une majorité de notre production vient de l'Aveyron». Tant pis pour l'AOC, place à l'indication géographique protégée. «Dès début 2008, nous avons relancé la machine, pour déposer notre candidature pour décrocher ce label.» Quels en sont les critères? «Ils sont plus souples sur la matière première. Il n'y a pas d'imposition de race déterminée. l'IGP demande que nos cochons soient élevés dans un espace vital important, avec 95% de céréales.

Il faut aussi que notre savoir-faire soit reconnu et être rigoureux sur les techniques de fabrication et de séchage» confirme Didier Oberti. Depuis quelque temps, l'optimisme est de rigueur. «Nous avons passé le cap avec succès de la commission française. Aujourd'hui nous n'attendons plus que le feu vert de l'Europe. Si les délais sont respectés, fin 2015, les cantons de Lacaune et de Murat-sur-Vèbre pourront s'enorgueillir de posséder ce label» confie satisfait l'entrepreneur.



Objectif : les supermarchés et les moyennes surfaces
Cette volonté de décrocher l'IGP est avant tout, une démarche économique. «Grâce à ce label, nous pourrons plus facilement intégrer les rayonnages des supermarchés et des moyennes surfaces. Certes, il y a des contraintes qui rendent frileux certains de mes confrères sur l'affinage et le séchage. Mais c'est comme cela que l'on s'en sortira, que les générations futures qui prendront, je l'espère notre succession, pourront vivre de leur travail et sauver la charcuterie à Lacaune. C'est pour cela que je reste optimiste dans l'avenir». Rappelons que le label IGP est axé sur le jambon, le saucisson et la saucisse sèche produits dans les deux cantons .



http://www.ladepeche.fr/article/2014/10/12/1970617-charcuterie-de-lacaune-le-savoir-faire-ne-meurt-jamais.html

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