Grand Sud : Ces lieux mystérieux

13/8/2014

     Ces lieux mystérieux   

M. Puntous (de Plaisance du Touch) a passé 5 ans à reproduire Saint-Sernin en briques de 1 mm d'épaisseur / Photo DDM

Les pierres de Naurouze, la basilique Saint-Sernin à Toulouse, la cloche des marins à Rocamadour, la croix de Béliou en vallée de Lesponne, le village abandonné de Périllos, la vierge de Troumouse...

    Ces lieux mystérieux (1/6)   

Publié le 05/08/2014 à 08:28   | La Dépêche du Midi |  Dominique Delpiroux

Quand les pierres de Naurouze se toucheront, ce sera la fin du monde

La légende dit qu'une géante a installé ces pierres il y a bien longtemps. Mais le phénomène est parfaitement naturel…/ Photo DDM, Gladys

La ligne de partage des eaux a toujours fasciné. De Riquet à Aragon en passant par Nostradamus… Balade dans un lieu chargé de légende et de mystère…
D'abord, on ne voit que l'obélisque, pointe de flèche géométrique qui surgit d'un fouillis d'arbres. Il faut s'approcher pour découvrir leur étrange socle : les pierres de Naurouze.

Drôle de monument, parfaitement naturel, celui-là ! Ce sont des morceaux des Pyrénées arrachés à la montagne par l'érosion, et que les vents et la pluie ont sculptés. Sept blocs colossaux, comme de grosses dents posées sur un monticule de terre. Pas étonnant que cet endroit fascine…

«Ces pierres sont vénérées depuis toujours, assure l'auteur et éditeur Francis Loubatières, qui est né juste à côté, au Moulin de Naurouze. Les hommes préhistoriques y ont laissé des cupules. Le Chevalier et poète Raymond de Miraval fait déjà allusion à ces pierres, et Nostradamus, lui aussi en parle : la légende dit que le jour où les pierres de Naurouze se toucheront, ce sera la fin du monde. Et le fait est que beaucoup de gens, par ici, disent qu'elles ont bougé, qu'elles se sont rapprochées…»

L'obélisque du seuil de Naurouze / CPA

Selon la croyance populaire, ces pierres auraient été disposées par une géante, qui elle, prédit que si les pierres se joignaient, «les femmes perdraient toute honte et vergogne et le jour du Jugement arriverait après».

Le seuil de Naurouze est un endroit particulier à bien d'autres égards. Depuis l'Antiquité aussi, on a remarqué que cet endroit marquait le partage des eaux entre l'Océan et la Méditerranée. C'est ce que l'on a soufflé à Riquet, lorsque celui-ci a commencé à réfléchir au projet de Canal du Midi. Il a eu ensuite l'ingéniosité de concevoir un système d'alimentation en eau à partir des ressources de la Montagne Noire. C'est ainsi qu'arrivent depuis Saint-Ferréol les deux rigoles qui nourrissent le canal.

«On avait aussi creusé ici un grand bassin hexagonal, mais l'ouvrage a été abandonné, car il s'ensablait, poursuit Francis Loubatières. Il a même été question de bâtir ici une grande ville nouvelle à la gloire de Louis XIV, sur le modèle d'Arc-et-Senan. Le projet a été abandonné. Il y a eu un autre projet de canal géant dans les années 30, mais là aussi, cela n'a pas abouti…»

Francis Loubatières vous raconterait bien d'autres anecdotes, sur cet endroit. Ainsi, l'ennemi des Cathares, Simon de Montfort a-t-il pu s'emparer du village voisin de Montferrand grâce au frère du comte de Toulouse, Baudoin, qui s'est rendu après négociations.

Le seuil de Naurouze partage des eaux / Photo DDM

Montferrand surplombe le seuil de Naurouze. Et il fait partie de ces points géographiques où l'on avait installé, du temps de l'Aéropostale, les «phares aéronautiques», que l'on appelait dans la région «les lanternes de l'aviation». Au sommet de ce promontoire qu'est Montferrand, on peut toujours apercevoir ce pylône métallique, témoin d'une autre époque. Dans les années 30, le garde-champêtre local recevait des télégrammes de l'aérodrome de Toulouse-Montaudran ou de Perpignan signalant le passage d'un avion. Il devait alors très vite monter allumer la lanterne pour guider l'appareil dans la nuit

Le seuil de Naurouze est aussi un endroit de balade merveilleux, où la nature et ses caprices font bon ménage avec l'ingéniosité humaine. L'obélisque, érigé par les descendants de Riquet au XIXe siècle est un étrange symbole masculin, surmontant ces pierres aux fentes toujours ouvertes… Il paraît que l'été, cela a toujours inspiré les amoureux, qui allaient musarder dans les fourrés, au-delà des paisibles allées de platanes, des écluses rafraîchissantes et des vestiges du bassin ou de la guinguette d'Ernestine. A la saison, on y taquinait le goujon.

L'endroit a inspiré bien des poètes et des poésies, depuis le Moyen-Âge jusqu'à nos jours. Ainsi, il y a quelques années, Serge Pey avait proposé une performance au pied de ce dolmen naturel. «J'ai glissé des roses des sables entre les pierres de Naurouze,» raconte le poète. Quant à Louis Aragon, dans les Yeux d'Elsa, il écrivait :
«Moins douce que tu n'es, ma folle, ma jalouse
Qui ne sais pas te reconnaître dans mes vers
Arrêtons-nous un peu sur le seuil de Naurouze
Où notre double sort hésite entre deux mers»

Tout est écrit. Dans la pierre.



Publié le 09/10/2008 à 10:48  | La Dépêche du Midi |
Rando : Le seuil de Naurouze et le partage des eaux à Castelnaudary
Situation : Seuil de Naurouze, à 12 km à l'Ouest de Castelnaudary par la N 113.
Parking : Pavillon d'accueil. - 1 heure, 2,5 km.
1. Suivre à gauche la rigole qui contourne le bassin asséché de Naurouze. Dépasser l'ancienne minoterie et arriver à l'allée de platanes.
2. Aller à droite entre les platanes, puis retrouver la rigole.
3. Continuer en face, passer devant la maison du garde et l'arboterum pour rejoindre l'écluse de l'Océan. Revenir sur ses pas.
3. Suivre la rigole vers la droite.
4. A l'ouvrage d'alimentation, aller à droite jusqu'au canal du Midi, puis revenir.
4. Franchir le petit pont. Longer la partie du bassin en eau et arriver à la station de pompage. Rejoindre le débouché de la rigole.
5. Partir jusqu'à la prise d'eau de la minoterie puis revenir.
5. Aller à droite, franchir la rigole et longer la minoterie. A l'embranchement, suivre le chemin à droite, passer devant la maison de l'ingénieur et gagner un carrefour.
6. Continuer en face vers l'obélisque dédié à Pierre-Paul-Riquet et faire demi-tour.
6. Tourner à droite et joindre le parc de stationnement.



Castelnaudary : Le port fluvial a obtenu le pavillon bleu depuis 2009. /Photo DDM, L. K.

    Ces lieux mystérieux (2/6)   

Publié le 06/08/2014 à 07:39  | La Dépêche du Midi |   Dominique Delpiroux

Y a-t-il un lac souterrain sous l'église Saint-Sernin ?

La basilique serait-elle un vaisseau de pierre sous lequel repose un lac ?/ Photo Xavier de Fenoyl

Certains Toulousains vous assureront encore qu'il y a un vaste lac sous la basilique Saint-Sernin… Une légende, qui se mêle à celle de l'Or de Toulouse…
Et si l'église Saint-Sernin était comme une sorte de vaisseau de pierre sur un lac fantôme ? C'est en tout cas la belle légende qui s'attache à ces pierres vénérables. Une histoire qui donne le frisson ! Il y brille l'éclat maudit de l'or de Toulouse et les traces du sang que celui-ci à fait couler…

L'affaire commence il y a bien longtemps, au bord de la Garonne. Là, vivent les farouches Volques tectosages, qui n'ont pas encore le rugby pour se passer les nerfs, et qui donc, régulièrement, se lancent dans des expéditions guerrières. C'est ainsi qu'ils iront jusqu'en Grèce, piller le temple d'Apollon à Delphes.

Seulement voilà : quand on pique le trésor d'un dieu, celui-ci se fâche. Et l'or de Toulouse sera donc maudit pour l'éternité ! D'ailleurs, dans la retraite, le chef de l'expédition, un certain Brennus (comme le bouclier !) est obligé de se suicider pour ne pas retarder ses troupes. Et quand les guerriers reviennent, la ville de Toulouse est ravagée par la peste. Les druides furibards accusent les voleurs, confisquent l'or et le jettent dans leur lac sacré !


La basilique Saint-Sernin : un lieu sacré peut-être rempli de secrets. /Photo DDM Xavier de Fenoyl

Un bruit de torrent
Deux siècles plus tard, un certain Cépion sera mandaté par Rome pour mater une rébellion à Toulouse. Cépion veut sa part du gâteau et vole l'or dans le lac sacré. Cela ne lui portera pas bonheur. Sur le chemin du retour, il sera attaqué par des bandits. L'or va s'évaporer. Rome ne croira qu'à moitié Cépion, qui sera condamné à mort et ses filles seront destinées au bon plaisir des soldats. Maudit, on vous dit cet or…
Mais ce fameux lac, où est-il ? Sous l'église Saint-Sernin, pardi ! répond la rumeur…

À la fin du XVIIIe siècle, un historien, le baron de Montégut, raconte qu'un jour, un pavé s'est détaché du sol de la nef. Et qu'on y entendait le bruit… d'un torrent ! Le même assure qu'un courageux explorateur, accompagné d'un chanoine de Saint-Sernin, aurait descendu un escalier. Celui-ci conduisait à une galerie entourant un lac, «dans lequel on jeta des pierres qui firent des ondulations». Du coup, pour vérifier cette drôle d'histoire, le sous-préfet de Toulouse, le baron Etienne-Léon de Lamothe-Langon et le curé de Saint-Sernin explorent la crypte de la basilique que tous les touristes connaissent. Eux trouvent et poussent une porte secrète qui ouvrait sur un escalier en colimaçon.


L'orgue de la basilique Saint-Sernin./ Photo DR.

Lamothe-Langon assure avoir descendu «132 marches jusqu'à une vaste salle soutenue de piliers énormes. Le milieu de cette enceinte était occupé par un grand lac dont les eaux noires, froides et silencieuses paraissaient dans un repos constant. Cependant, on entendait dans le lointain comme le murmure d'un torrent rapide. Une galerie légère et bien conservée allait d'un massif à l'autre… Le terrain était glissant et humide ; les murailles, chargées de reptiles, brillaient du suc visqueux qu'ils y déposaient.» Il ne manque qu'Indiana Jones !

Et il n'y a pas si longtemps, des habitants du quartier juraient avoir vu des voûtes au-dessus de l'eau, par les interstices de caves effondrées… Le lac mystérieux est évoqué dans le roman de Maurice Magre, Le Trésor des Albigeois.

La réalité est moins merveilleuse… En 1942, un historien toulousain, Clément Tournier, inspecte les lieux et ne découvre qu'un puits. Un autre historien, René Vidal, fait appel aux curés au début des années 80, repère le même ouvrage et pas plus de 25 marches au lieu des 132 du sous-préfet ! Ce qui en revanche est possible, c'est que par moments, la nappe phréatique lorsqu'elle est haute, inonde le petit couloir qui mène au puits. Les explorateurs du XIXe siècle avaient-ils abusé du vin de messe, avant leurs expéditions ?

La Basilique Saint-Sernin de Toulouse / DDM OT Toulouse

Le métro passe par là
Depuis, le métro est passé par là-dessous, et n'a pas percé de lac souterrain. La géologie de Toulouse n'a plus de mystère…

D'ailleurs, peut-être faut-il chercher le lac sacré des druides ailleurs que dans la plaine, et plutôt du côté du Pech-David où se situait alors l'oppidum gaulois. Il y a un lieu proche de Vieille-Toulouse, alimenté par une source, qui aurait pu autrefois donner sur une sorte d'étang. Que Cépion aurait pu vidanger facilement.
Mais on a bien du mal à tout savoir de ces époques reculées, où la légende vient titiller la vraie histoire : sur ces affaires de lac, même les plus grands historiens peuvent sécher !


À la basilique Saint-Sernin, dans le bureau des pèlerins / Photo DDM. Xavier de Fenoyl

Saint-Sernin : On visite aussi la crypte
La basilique Saint-Sernin est ouverte au public et se visite de juin à septembre, du lundi au samedi, de 8h30 à 19h et de 8h30 à 19h30 le dimanche.
Pour ce qui concerne les cryptes et déambulatoire, du lundi au samedi : de 10h à 18h et, le dimanche de 11h30 à 18h.


La basilique Saint-Sernin / Photo DDM


    Ces lieux mystérieux (3/6)   

Publié le 07/08/2014 à 08:19  | La Dépêche du Midi | Sophie Vigroux

À Rocamadour, la cloche sonne pour les marins sauvés en mer

Vue de l'intérieur de la chapelle Notre-Dame de Rocamadour où on voit de magnifiques bateaux en bois suspendus à la voûte, Photo DR

Haut lieu de pèlerinage, Notre-Dame de Rocamadour est particulièrement honorée depuis des siècles, notamment des marins. Une cloche sonne seule quand un miracle se produit en mer.
«C'est une cloche très rare, d'abord, elle est très ancienne, elle est antérieure au IXe siècle. C'est l'objet le plus vieux du sanctuaire de Rocamadour, dans le Lot. Forgée dans une feuille de fer d'un centimètre d'épaisseur, elle mesure 24 cm de hauteur et 33 cm de diamètre», annonce la guide Laurence du Peloux.

Cette cloche miraculeuse est suspendue à la voûte de la chapelle Notre-Dame de Rocamadour par une anse. Elle a la particularité de sonner à chaque fois qu'un marin est sauvé en mer après avoir imploré la Vierge Marie. Elle sonne seule, il n'y a pas de sommier ou de cordage.
Jadis, les pèlerins se pressaient de toute l'Europe pour implorer la Vierge Noire et pas moins de 126 miracles avaient été dénombrés par un moine de Tulle et répertoriés sur le livre des miracles écrit en 1172.


Rocamadour est classé au patrimoine mondial de l'Unesco , appartient aux Grands Sites Midi-Pyrénées /photo D. Viet.

Bateaux suspendus au plafond
Des plaques énumèrent les principales dates où la cloche sonna alors que des marins en péril furent sauvés miraculeusement. D'ailleurs, les récits de certains marins rescapés ont été recueillis et consignés, leurs paroles s'accordant en temps et heure avec les battements de la cloche lors de leur fortune de mer. Un des ex-voto, un terre-neuva, a d'ailleurs été offert en remerciement de vies sauvées au début des années 1900.

Ex-voto
Actuellement dans cette chapelle en pierre, on trouve de magnifiques bateaux en bois suspendus à la voûte, ce sont des ex-voto.
«La cloche a sonné pour la dernière fois le 29 septembre 2008 mais pas seule, reprend Laurence du Peloux. Le curé l'a fait tinter. Plus tard, le 1er novembre 2008, deux jeunes athées sont venus à Rocamadour pour nous dire qu'ils étaient pris dans une tempête au large du Maroc et qu'ils avaient été sauvés après une prière à Notre-Dame de Rocamadour.»


La chapelle Saint Jean. / Photo DDM

Plantagenet, Cartier…
Comment expliquer que la Vierge Marie de Rocamadour, située au milieu des terres lotoises, soit si connue des marins ? «Il y aurait trois raisons à cela, poursuit Laurence Du Peloux. Tout d'abord, Marie signifie «Étoile de la mer» en hébreu, donc les marins la connaissent bien. Ensuite, Henri de Plantagenet (1133-1189), second mari d'Aliénor d'Aquitaine, qui deviendra Henri II, roi d'Angleterre, fut touché par la grâce auprès de la vierge de Rocamadour. Il viendra deux fois en pèlerinage à Rocamadour. De retour en Bretagne, il fit élever à Marie un autel à Camaret-sur-Mer, dans la rade de Brest. C'est depuis ce temps qu'elle est la patronne des aventuriers et des marins.

Enfin, il y eut Jacques Cartier, découvreur du Québec. Son équipage fut guéri du scorbut là-bas après une messe célébrée devant l'effigie de Notre Dame de Rocamadour en 1536. La plus grande paroisse de Québec est dédiée à Notre Dame de Rocamadour.»
Depuis, Rocamadour est resté un symbole de foi et d'espérance. D'ailleurs la devise du sanctuaire est : «L'espérance ferme comme le roc» : le même son de cloche depuis des siècles.


Rocamadour. 1 000 ans d'histoire dans un parcours d'images / Photo de Bernard Tauran.

Lieu de pèlerinage > Plus d'un million de visiteurs par an. Rocamadour doit son appellation à l'ermite Saint-Amadour qui aurait creusé lui-même un oratoire dans le roc. Son corps aurait été découvert intact dans la roche en 1166. Depuis le Moyen âge, Rocamadour est un lieu de pèlerinage marial, voué au culte de la Vierge noire. C'est aussi une variante des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. La cité mariale accueille plus d'un million de visiteurs par an. 

Site exceptionnel
«Les maisons sur la rivière, les églises sur les maisons, les rochers sur les églises, et le château sur le rocher». La vue sur Rocamadour est saisissante quand on arrive par la vallée de l'Alzou, à 120 mètres au-dessous du plateau.
Le sanctuaire de Notre Dame n'est pas un site ordinaire. Suspendu à la falaise entre terre et ciel, il est habité et il vit.

Des montgolfières dans le ciel de Rocamadour./ Photo DDM


    Ces lieux mystérieux (4/6)   

Publié le 08/08/2014 à 08:14    | La Dépêche du Midi | Pierre Challier

Millaris et la croix de Béliou


La croix de Béliou / DDM/P.C.

Au dessus de Lesponne, dans les Hautes-Pyrénées, se trouve la croix de Béliou. Une croix singulière en ce lieu où le patriarche Millaris est enterré, selon la légende...
Expliquer le monde… C'est aussi le rôle des mythes et légendes. Prenez la neige, par exemple… Eh bien la neige est née en Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Pas très loin de Bagnères, au-dessus de Lesponne, à la croix de Béliou précisément. Étonnant, non ?

Et vous voulez maintenant découvrir l'endroit où l'homme la vit tomber pour la première fois ? Rien de plus simple : il vous faudra juste une bonne paire de chaussures, le bâton et partir du col de Couret sans avoir oublié de mettre au sac la gourde, le pain, le fromage et deux pommes.
Un bon petit raidillon casse-pattes pour la mise en jambes, une forêt profonde de hêtres qui débouche sur les estives… des sonnailles pour vous signaler quelques vaches et un troupeau de brebis tandis que vautours et milans se partagent le ciel au-dessus de votre tête… et en moins d'une heure vous y serez. À savoir devant ce gros cairn avec son antique croix au milieu.

Au gré de l'Adour, de Campan au Chiroulet ./ Photo V.T

Tête ronde, yeux globuleux
Le moment où l'on peut maintenant casser la graine, donc, admirer le panorama, avec les deux canines du Pic du Midi et du Montaigu, en face… Bien. Mais le moment aussi et surtout où il faut aller regarder de plus près cette étrange croix présentant le christ d'un côté et cette mystérieuse tête ronde aux yeux globuleux, de l'autre (photo dans l'encadré). Car cet amas de pierres n'est pas un cairn comme les autres… puisque c'est le tombeau de Millaris.

Millaris ? Un patriarche de mille ans, le Grand Ancêtre pastoral qui venait ici conduire ses troupeaux, il y a bien longtemps. De fait, des choses, il en avait vu Millaris. Il avait même vécu la révolution, selon ses enfants. La révolution néolithique s'entend. Quand on avait cessé de courir après le gibier pour le domestiquer. Seulement voilà, apparemment, le monde était encore en train de changer.

En effet, un beau jour que le patriarche était assis là, devant vous, au milieu de ses troupeaux, il vit soudain dégringoler une ouate blanche et froide qui se mit à couvrir sa montagne. La neige.
En voyant ce linceul tomber, Millaris comprit alors que son temps à lui était fini. Ainsi donc, il devait se laisser ensevelir ici et y mourir… Certes, il commanda bien à ses fils de rejeter cette blancheur intruse vers les sommets. Mais ils se trompèrent et l'envoyèrent en bas. Depuis ? Il neige en plaine aussi…

La vallée de Lesponne / Photo FB Auberge du Chiroulet

Au final, il faudrait donc s'adapter. Alors il ordonna au clan et à ses troupeaux de suivre deux vaches noires pour trouver leur salut et leur nouvelle destinée. Selon la légende, les deux bêtes s'arrêtèrent aux sources chaudes de Bagnères. Et lui resta là, sous sa tombe. Depuis, les siècles ont passé. Mais Millaris enterré, ses troupeaux sont toujours revenus en été.
Ce faisant ? Pour certains, l'histoire du patriarche raconterait ainsi l'initiation au cycle de la transhumance. Tandis que d'autres voient dans la croix de son tombeau l'émergence d'un tout autre manteau blanc fait d'églises : une métaphore du christianisme succédant au paganisme.

De Béliou à Abellio, l'antique dieu pyrénéen, certains folkloristes n'hésitent d'ailleurs pas à franchir le pas, considérant même qu'Abellio et Apollon sont cousins en divinité solaire. Vénéré en cet endroit, Abellio s'y serait trouvé un jour supplanté par la croix. Les historiens eux, sont beaucoup plus prudents… Mais c'est l'été et rêver neiges originelles ne peut pas faire de mal.

La vallée de Lesponne en hiver / Photo DDM

Mulat Barbe
Il vit soudain dégringoler une ouate blanche et froide qui se mit à couvrir la montagne
Pas très loin de là, on reprend la route de Campan, on monte vers Sainte-Marie, La Mongie, puis on passe le Tourmalet et on redescend en pays Toy. Sur ce versant-là de la montagne et jusqu'à Gavarnie ? C'est la légende de Mulat Barbe qui se raconte, une variante. Laquelle a aussi sans doute des racines néolithiques, sauf que Mulat Barbe n'est pas éleveur mais cultivateur : il est un patriarche faisant pousser le blé. Et lorsque tombera la première neige ses fils descendront donc vers la plaine pour enseigner aux gens «d'en bas» la culture des céréales, vitale pour l'humanité.

Le chiffre : 2 Heures de marche > Pour y aller. Depuis Bagnères-de-Bigorre prendre la D935 sur 5 km en direction de Campan, puis tourner à droite vers la vallée de Lesponne et remonter jusqu'au hameau de La Vialette. Là, tourner à droite au niveau de la croix pour prendre la route forestière jusqu'au col de Couret et son parking, point de départ de la balade. À partir de là, compter deux heures à deux heures et quart de marche aller-retour jusqu'à la croix de Béliou, située à 1550 mètres d'altitude. Le dénivelé n'étant que de 350 mètres cela représente une agréable sortie familiale. Variante pour accéder au col de Couret : depuis Bagnères par la Croix de Manse puis le chemin des Portes de Fer.

L'Auberge du Chiroulet  / Photo FB Auberge du Chiroulet


    Ces lieux mystérieux (5/6)   

Publié le 09/08/2014 à 10:26   | La Dépêche du Midi | Sébastien Dubos

Et un jour, plus personne au village : Périllos, la cité fantôme

Le village abandonné de Périllos. - DR

À la lisière de l'Aude et des Pyrénées-Orientales était le village de Périllos. Qui se vida peu à peu de ses habitants jusqu'à devenir un village fantôme, perdu au bout de la route.

Qui se souvient des hommes ? écrivait Jean Raspail à propos d'un peuple disparu à la pointe de la Patagonie ! Qui se souvient des hommes et des femmes qui ont grandi à Périllos, qui y ont vécu, qui y ont connu leur lot de joies et de peines, les petits boûts d'ordinaires qui font qu'une vie est une vie. Qui se souvient de l'homme qui le dernier mit la clef sous la porte, chargea le peu d'affaires qui lui restait et s'en fut ? Quittant définitivement le village de Périllos, tournant le dos à son passé et à son histoire et à ses ancêtres pour aller s'installer à Opoul, un peu plus bas. Dix kilomètres d'un chemin de croix déchirant, sur une route étroite qui serpente dans la garrigue. Des pierres si sèches et si blanches qu'elles vous feront cligner les yeux pour ne pas que vous puissiez les regarder en face. A-t-il laissé les volets ouverts ? A-t-il pris la peine de fermer le verrou une dernière fois… Depuis 1971, Périllos n'a plus d'existence légale en tant que village. Il fait partie de la commune d'Opoul. Et a rejoint la liste des villages abandonnés.

Périllos ? Dans les Corbières aux confins de l'Aude et des Pyrénées Orientales ./Photo DDM P.C.

Un long déclin
Selon les données historiques, on retrouve trace du village aux alentours de 1 215. Des documents attestent de la présence de l'église et de quelques habitants. Le château n'est pas loin et offre une vue incomparable sur la baie de Perpignan. Mais cette terre est hostile, éloignée des axes commerciaux. Est-elle pour autant maudite ? Les habitants s'accrochent vaille que vaille sur ce versant des Hautes Corbières qui connaîtra guerres, épidémies, famines et grandes sécheresses. La démographie du village ne sera jamais extraordinaire. Ne dépassera jamais d'ailleurs la centaine d'habitants. Des valeureux qui s'accrochent à leurs racines. Qui lutteront. Mais dans ce pays ou il peut geler à pierre fendre l'hiver, ou l'été transforme le paysage en sierra quasi désertique, la terre sera plus forte que les hommes. Et dévorera avec un appétit insatiable chacun de ses petits.
Un long déclin que les deux saignées laissées par les guerres mondiales n'arrangeront pas.


Randonnée en Corbières / DDM

Terrain de jeu
Abandonné dans les années 1970 par le dernier habitant, le village va devenir dans les années 80 un décor de ciné grandeur nature pour les jeunes du pays. Qui viennent et jouent à se faire peur.

Eden se souvient : «on y venait souvent de Perpignan les nuits de pleine lune. On amenait de quoi faire des grillades, de quoi boire et un peu de quoi fumer. C'était incroyable. Les maisons étaient ouvertes. Comme si la vie s'était arrêtée. On y avait nos habitudes. Je me souviens de la grande maison a coté de l'église qui avait sa réserve d'eau sous une voûte. Je me souviens aussi du cimetière à la pleine lune… Et un jour en sortant du Syncro (une boîte à la mode d'Argelès-sur-Mer) je suis venu directement à Opoul pour voir si on pouvait acheter une maison. 10 000 francs à l'époque : je pense que le paysan qui me l'a vendue était ravi de faire une affaire «avec un timbré de la plaine». J'ai trouvé une Peugeot 203 sur cales et quelques affaires. Je l'ai revendue un an après 10 fois son prix».

Depuis quelques années, la courbe du destin s'est inversée sous l'impulsion de quelques courageux. L'été, avec de la chance, vous pourrez vous attabler à la buvette. Quelques tentes dans un jardin, un chantier au pied de l'église redonnent vie à cette terre qui un jour fut oubliée des hommes, de Dieu, de tous…

Le 14 janvier 1963, quatre jours après le drame, l'aérodrome de Toulouse-Francazal rendait les honneurs aux douze victimes du crash du Constellation. / Photo DDM

L'avion s'écrase
Le 11 janvier 1963 un Constellation de l'armée de l'Air, basé à Francazal percute la montagne. Une stèle rappelle cette journée tragique. Un épais brouillard enveloppait le massif. Le Constellation de l'E.A.R.S. (Escadron Aérien de Recherche et Sauvetage) dont la mission était de sauver des vies s'écrase. Il n'y aura aucun survivant. Les causes du crash restent toujours mystérieuses. A cette date, il n'y a plus que sept habitants à Périllos.
En 2009, un peu plus loin deux hommes de la DGSE trouvaient la mort dans au cours d'un entraînement.

Le chiffre : 10 Kilomètres >Plus bas. Se trouve le village d'Opoul qui porte désormais le nom d'Opoul-Périllos. Village viticole lové sur lui-même pour se protéger du vent. Il est surplombé par les ruines du château. Véritable vigie sur la Méditerranée, la forteresse portera le nom de Salvaterra, la terre qui sauve. À 400 mètres d'altitude, elle servait de poste de surveillance d'une frontière longtemps restée floue entre la France et le Royaume d'Aragon (le Roussillon y est rattaché en 1 172). Plus au nord, on trouve les forteresses de Quéribus, Peyrepertuse et Aguilar. Au fil du temps, la citadelle sera abandonnée elle aussi par ses habitants. Sa visite vaut le coup d'œil.

Périllos, aquarelle de P. Wilton


    Ces lieux mystérieux (6/6)   

Publié le 10/08/2014 à 07:52  | La Dépêche du Midi | Pierre Challier

Pyrénées : les balades de la Vierge

La vierge du cirque de Troumouse / Photo DDM

La Vierge Marie n'a pas attendu le 11 février 1858 et Bernadette Soubirous pour s'installer dans les Pyrénées. Lestelle-Bétharram, Héas ou Garaison... Elle est apparue en plus d'une occasion, bien avant Lourdes, pour faire des miracles et donner parfois du fil à retordre à ses fidèles.

Bientôt le 15 août et la fête de l'Assomption… Laquelle célèbre «la mort, la résurrection glorieuse, l'entrée au ciel et le couronnement de la Vierge Marie», dit le dogme. Chaque année, environ 8000 pèlerins viennent ainsi se recueillir à Lourdes, devant la grotte de Massabielle lors du pèlerinage national, point culminant de la saison.

Et ce faisant, il ne reste désormais plus grand monde pour rendre visite aux autres Notre-Dame du voisinage, apparues quelques siècles auparavant. Quatorze centres mariaux recensés en 1870 dans les Pyrénées et leurs environs par un certain Denys Lawlor… Cela fait en effet beau temps que Marie aime la montagne comme son piémont et qu'elle n'hésite pas à s'y balader, rappellent les cultes locaux et le Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge.

Le cirque de Troumouse / Photo DDM

Tenez, pas très loin de Lourdes, en aval sur le gave de Pau, en Béarn… Eh bien ce serait là qu'elle serait apparue pour la première fois, assurent les Béarnais.

Ce jour-là, entre XIIe et XIIIe siècle ? De jeunes bergers gardent leur troupeau au bord de l'eau lorsqu'une vive lumière les attire : un buisson-ardent où resplendit une statue de la Vierge. émerveillée, la foule des croyants construit alors à Marie une niche pour venir se prosterner devant elle… mais sur la rive opposée, contre la volonté de la Vierge, visiblement… puisque celle-ci réapparaît miraculeusement à sa place d'origine. Qu'à cela ne tienne ! «Enfermons-la dans l'église», se disent les Lestellois. Rien à faire. La Madone retourne là où elle est apparue la première fois… On lui construira donc sa chapelle là et Notre-Dame de l'étoile y fera bien des miracles.

Pourtant c'est bien la Bigorre frontalière et rivale qui «trustera» la Vierge et ses miraculeuses promenades. à Pouey-Laün près d'Arrens, pour commencer, où début XIIIe, des gerbes d'étincelles dans la montagne désignent aussi aux habitants l'endroit où ils vont trouver une statue de Vierge à l'enfant. À Bourisp, en vallée d'Aure ou Notre-Dame de Sescas boude également son oratoire jusqu'à ce qu'on lui construise un nouveau lieu de culte qui attirera d'importants pèlerinages. Ou là-haut, dans la montagne, au pied de Troumouse, le plus grand cirque des Pyrénées.

Là ? On vénérera la Vierge d'Héas, attestée depuis au moins 1349, dont la promenade n'est pas moins légendaire. Obéissant à un signe du Ciel, les bergers avaient construit une chapelle. Seulement voilà, l'ordre exécuté… Où allaient-ils maintenant bien pouvoir trouver une statue de la Vierge ?


Le cirque de Troumouse . Photo DDM

Au XVIe siècle, Anglèze et Liloye
Sans hésitation, ils passèrent donc en Aragon pour voler celle de leurs voisins, Notre Dame de Piñeta. Tombant de sommeil sur le chemin du retour, ils furent alors rattrapés par les Aragonais… lesquels pleins d'une sainte mansuétude reprirent gentiment leur bien, sans les réveiller. Et, miracle… lorsqu'ils rouvrirent les yeux, une source avait jailli à l'endroit de la statue envolée tandis qu'une Vierge plus belle encore y était apparue !

À Médous, à côté de Bagnères ? Là aussi, selon une tradition très ancienne, Notre Dame se révéla sur un rocher d'où jaillit une fontaine, près d'une grotte et fit des miracles en son sanctuaire. Un culte inséparable de l'histoire de Liloye, dont le vallon de Salut abrite encore la statue, à Bagnères de Bigorre. Liloye, jeune femme très pieuse de la vallée qui voit par deux fois lui apparaître Marie, en 1588, laquelle la prévient qu'un grand malheur va s'abattre en raison des mœurs dissolues de ces Bagnérais qui ne viennent plus l'honorer à Médous. On rit de Liloye… et la peste décime les habitants.

De fait, en ce XVIe siècle religieusement troublé, la Vierge s'est-elle multipliée dès 1500. à Piétat, tout d'abord, où un laboureur a lui aussi trouvé sa statue. Puis en 1510 (ou 1515), où elle est apparue trois fois près d'une source, à Anglèze de Sagazan, jeune et pauvre bergère de Monléon-Magnoac. Après avoir prouvé sa nature divine en changeant en pain blanc le pain noir d'Anglèze, la Vierge a là aussi commandé que l'on construise une chapelle près de l'eau. Sanctuaire où Notre Dame de Guérison fera encore beaucoup de miracles et deviendra Notre Dame de Garaison… Garaison dont les pères prendront plus tard la direction des sanctuaires de Bétharram et poseront les fondations de ceux de... Lourdes.


la chapelle d'Héas / Photo DDM

Dix ans avant Lourdes
Dix ans avant les 18 apparitions de Lourdes, en 1858, le village de Montoussé (65) connaît lui aussi une série d'apparitions à partir du 23 juin 1848. Près de la chapelle en ruines de Nouilhan, ancien lieu de culte marial, la Vierge apparaît dans un buisson de houx à Françoise Vignaux Miquiou, 11 ans, à sa cousine et à Rosette Dasque, 8 ans. En tout, 11 personnes dont la plus âgée a 57 ans, déclareront voir ces apparitions, jusqu'à l'année suivante, en juin 1849. Le curé témoignera «d'une odeur très douce, semblable à celle des fleurs.»
Une vive lumière les attire : un buisson ardent où resplendit une statue de la Vierge.


Plus sauvage que son voisin de Gavarnie, le cirque de Troumouse se reconnaît facilement./ Photo Thierry Jouve.
 

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