Tour de France : La 8ème étape au toulousain Blel Kadri

13/7/2014

Publié le 13/07/2014 à 08:11 | La Dépêche du Midi |  De notre envoyé spécial P.L.
 
Kadri, l'échappée Blel !

Parti dans l'échappée du jour, le Toulousain a contré Chavanel pour rafler l'étape et le maillot à pois / DDM

Première victoire française sur ce Tour-2014, et première victoire d'étape pour Blel Kadri auteur d'un numéro époustouflant dans les dernières ascensions. Nibali lâche 3'' à Contador.

OK petit, tu as gagné une étape du Tour, mais quand et devant qui ? Devant Contador et Nibali qui s'étripaient pour le classement général en 2014.

Même dans 50 ans, pas un pétale de ce bouquet béni n'aura fané. À l'heure des souvenirs et des cheveux gris, Blel Kadri pourra raconter aux enfants, petits ou grands qui rouleront avec lui, comment, un samedi pluvieux et délicieux, il a changé la ligne bleue des Vosges en ruban de bonheur.

En passant nos régionaux au scanner sous le ciel hésitant du Yorkshire nous avions conclu la fiche de Blel par ces mots : «La victoire d'étape est peut-être pour cette année». Huit jours après, le soleil n'a toujours pas trouvé de fenêtre pour adoucir les maux de cette folle entrée en matière mais un sourire éblouissant se lève sur Gérardmer. Celui du Toulousain en route vers le sommet de la Mauselaine, un des sommets de sa carrière.

 
Les 5 échappés du jour / Photo FB "Tour de France"

Ni la douche glacée, ni les coups de poignard
«Baby» est là. Seul. En tête. Déjà maillot à pois, son objectif depuis l'Angleterre, et sur le point d'entrer dans une autre monde. Celui des coureurs qui ont un jour levé les bras sur le Tour. La langue d'un caméléon en panne de grillons depuis des semaines, les mains scotchées aux cocottes, le casque inquiet que l'on voit pivoter à intervalles réguliers à la recherche d'un intolérable danger qui pourrait gâcher la fête, Blel Kadri relance aussi souvent que possible. À cet instant, nous pouvons le jurer, il ne ressent ni la douche glacée des Vosges, ni les coups de poignard qui doivent labourer ses cuisses, sa poitrine, ses bras. Julien Jurdie monte à hauteur de son coureur. Leurs mains se serrent. Comme une haie d'honneur, les pépins trempés de la Mauselaine s'inclinent au passage du gamin de Saint-Cyprien.

 
Les 5 échappés du jour / Photo FB "Tour de France"

La copie parfaite
Nous évoquions, il y a peu, l'intelligence particulière du Toulousain devenu en quelques participations un vrai savant du combat sur deux roues. Un spécialiste expérimenté et désormais redoutable. Il fallait lire, en quittant Nancy, l'importance de la sortie de Chavanel et Terpstra et avoir le réflexe d'y aller. Il fallait encore pister l'ancien maillot jaune quand il a brisé le cadre de l'échappée dans la Grosse-Pierre. Il fallait enfin comprendre que les vieilles jambes de «Mimosa» n'iraient pas au bout de l'aventure. Blel n'a pas commis l'ombre d'une erreur tout au long de ces 161 kilomètres qui vont, désormais, tant compter pour lui. Il a rendu une copie parfaite. Un par un, tous les AG2r sont venus embrasser leur copain du pied du podium. Très ambitieux cet été, les voilà débarrassés de leur première mission, le succès d'étape. Même si l'intéressé explique qu'il ne s'agit pas d'une priorité, il faudra maintenant défendre, au moins un peu, ce maillot de la montagne qu'il avait promené un jour l'été dernier, dans les Pyrénées.

Derrière le numéro du Toulousain, unique et bienheureux rescapé de la première évasion récompensée cet été, Alberto Contador dont les Saxo ont bercé toute la poursuite, a testé Nibali sur les pentes finales. Il lui a même repris trois secondes. Un détail au plan comptable, une vraie promesse pour la suite.


«J'attendais ce moment depuis si longtemps…»

 
Victoire de Blel Kadri à Gérardmer La Mauselaine / Photo FB "Tour de France"

Blel, vous avez gagné en «vieux briscard» aujourd'hui… Cette étape, vous l'auriez perdue il y a deux ans, non ?
(Il rit) Je ne sais pas. C'est possible. J'ai parfois manqué de confiance, et j'ai beaucoup appris de mes équipiers, notamment de Christophe Riblon. C'est sûr que ça compte au moment de terminer une échappée. J'ai vite compris qu'il fallait aller avec Sylvain, j'ai été prudent dans les descentes, quand j'ai vu que Yates se rapprochait, j'ai accéléré, tout ça, oui, c'est l'expérience.

Avez-vous eu des moments de doute après votre début de saison ratée à cause d'une chute ?
Je devais faire Tirreno, il y a eu ce trou et je me suis retrouvé à l'arrêt, mais j'ai la chance d'avoir des dirigeants qui m'ont très vite mis à l'aise, m'ont donné le temps de revenir à mon rythme, et de bien bosser, en course, pendant le stage à Briançon, et puis à la «Route du Sud-Dépêche du Midi», cette course qui me tient à cœur.

 
/ Photo FB "Tour de France"

Aviez-vous prévu de partir dans l'échappée ?
On était trois ou quatre avec cette mission, j'ai eu la chance que ça tombe sur moi, ensuite le peloton a laissé filer, et tout s'est bien enchaîné.

Vos sensations dans le dernier kilomètre…
J'ai pu profiter du moment bien sûr, mais c'était un peu bizarre, je ne voulais pas me libérer trop tôt. Je savais que ça revenait et j'avais peur de me retrouver avec des crampes ou une panne de jambes aux 500 mètres. Je suis resté concentré presque jusqu'au bout avant de laisser éclater ma joie. J'attendais ce moment depuis si longtemps…

 
/ Photo FB "Tour de France"

Ce maillot à pois, allez-vous le défendre ?
Nous avions un objectif principal : gagner une étape. C'est fait. Maintenant on va travailler pour Romain (Bardet) et Jicé (Péraud). Le maillot, j'ai déjà eu le bonheur de le porter l'an dernier, mais avec les points doublés dans les grands cols, je sais que ça ne va pas être facile…


Portrait : Blel Kadri fait l'unanimité autour de lui.

 
 / Photo DDM

La fausse discrétion d'un équipier modèle
C'était un samedi de juin il y a quatre ans, vers midi. L'arrivée traditionnelle de la «Route du Sud-La Dépêche du Midi» sur le boulevard Gaston-Phoebus de Saint-Gaudens. Une poignée de secondes devant le peloton que s'apprête à régler Stéphane Poulhiès, deux hommes luttent. Sur la ligne un seul lève les bras. Blel Kadri domine Mathieu Sprick pour son premier succès chez les professionnels. Son cri résonne encore jusqu'aux contreforts du piémont ! Loin derrière la ligne magique, le jeune Toulousain retrouve sa famille pour une scène inoubliable.

Il devra attendre trois ans pour signer un solo époustouflant dans la Roma Maxima, et un de plus pour toucher le ciel sur le Tour de France.
Entre ces victoires, des centaines et des centaines de kilomètres d'échappée et de relais pour les copains…

 
Lors de la 12 ème étape du tour 2013/ Photo DDM

Un doux sourire
En public, Blel Kadri pèse ses mots. Il n'a pas appris à fanfaronner et n'a jamais envie spontanément de se mettre en avant. Le plus souvent, c'est par un doux sourire qu'il répond à ses interlocuteurs. Au sein du groupe AG2r pourtant, tout le monde souligne sa bonne humeur, son importance dans la vie de l'équipe, son rôle de plus en plus précieux. La réaction de tous ses équipiers et du staff hier, dans l'euphorie de Gérardmer, suffit d'ailleurs à résumer la situation.

«Blel, c'est… Blel» explique Vincent Lavenu si soucieux des qualités humaines de ses ambassadeurs, «il n'y a pas de malentendu avec lui, jamais. C'est le respect de l'équipe et, dès qu'il peut, l'apport d'une belle personnalité qui lui permet de réaliser de très grandes choses…» Hier, par exemple, alors qu'on lui demandait de commenter sa journée, il a trouvé le moyen d'insister sur Minard, sur son travail «gigantesque» et pas assez reconnu !

 

Kadri avec Voigt (2013)./ Photo DDM, Thierry Bordas

Prendre du plaisir et surtout en donner
Ce qui fascine dans le comportement du nouveau maillot à pois, c'est sa faculté à donner à la fois le maximum pour les autres, et… pour lui. Une sorte d'intelligence situationnelle comme dirait un technicien célèbre, coiffé d'un chapeau, qui lui permet, très vite d'analyser les situations.

Alors, pourquoi ne gagne-t-il pas plus souvent ? À la fois en raison de son travail obscur, et aussi, quand même de ses caractéristiques. Il ne sprinte pas mal, grimpe bien, sait rouler mais ne peut prétendre être le meilleur dans l'une ou l'autre de ces spécialités indispensables pour bâtir un palmarès.

Mais Blel ne tient pas les comptes. Il ne cherche pas à remplir ses étagères de breloques et de trophées. Lui, il veut prendre du plaisir sur son vélo et, peut-être surtout, en donner.
Victime d'un terrible accident sur Paris-Nice, il y a trois ans, il a beaucoup patienté pour revenir, comme en début de saison, après sa chute à Saint-Jean-de-Luz. Aujourd'hui, il est là. Encore plus fort.

 

Blel Kadri / Photo DDM

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