Albi : Une institutrice tuée hier par une déséquilibrée

5/7/2014

Publié le 05/07/2014 à 07:52  | La Dépêche du Midi | Frédéric Abéla
 

Albi : Une institutrice tuée par une déséquilibrée

Devant l'école maternelle Herriot après le drame / Photo DDM Thierry Bordas

Une enseignante d'une école maternelle d'Albi a été tuée d'un coup de couteau, hier matin, dans sa classe, par une parent d'élève souffrant de troubles psychiatriques. Cette femme de 47 ans a été hospitalisée d'office hier à l'issue de sa garde à vue.

Une journée noire pour l'école. Un cataclysme pour toute la communauté éducative plongée dans l'horreur. Hier matin, à Albi, dernier jour de classes avant les grandes vacances, une enseignante de 34 ans, Fabienne Terral-Calmès, mère de deux petites filles, est tuée d'un coup de couteau, dans sa classe, devant ses élèves, par une parent d'élève souffrant de troubles psychiatriques. Un geste fou qui ne laisse aucune chance à Fabienne, en charge des grandes sections dans cette école maternelle Édouard-Herriot, rue Louis-Enjarlan, dans le quartier populaire de Lapanouse. «C'était une enseignante extraordinaire qui n'a jamais eu de problème avec des parents. Elle était reconnue et appréciée pour ses compétences», résume, choquée, Sandrine Soliman, présidente FCPE dans le Tarn. 

Il était tout juste 9 heures, hier, lorsque Rachida H., une femme connue pour ses troubles du comportement accompagne sa fille de 6 ans à l'école maternelle Herriot située à 200 mètres de chez elle. Une fois dans la salle de classe, la mère de famille sort un couteau de cuisine de son sac à main voulant en découdre avec l'institutrice. La lame de 16 centimètres atteint le thorax de Fabienne qui s'agenouille en se tenant le ventre. La scène d'horreur se passe sous les petits yeux de 14 enfants interloqués. La déséquilibrée repart avec sa fille pour rejoindre son domicile, cité du square Saint-Martin. «Je l'ai tuée, vous pouvez appeler la police…», aurait-elle dit en quittant l'école. «J'ai vu la maîtresse allongée et la femme partir avec sa fille !», raconte une mère de famille qui accompagnait son enfant au moment du drame.

«L'auteur présumé des faits a été interpellé par les services de police, dans la rue, à proximité de l'école, avec sa fille et a été placé en garde à vue à 9 h 15 du chef d'homicide volontaire avec préméditation», a indiqué, hier, le procureur de la République d'Albi, Claude Derens.
Les secours font tout pour réanimer la jeune institutrice qui succombe sur place à ses blessures.

Psychologiquement perturbée, Rachida H. aurait-elle mal interprété les paroles pourtant bienveillantes de l'enseignante, la veille, l'invitant à surveiller, l'année prochaine, les retards de son enfant inscrite à l'école depuis le mois de mai ? Ces mots auraient-ils agi comme un détonateur dans le psychisme fragilisé de cette femme isolée ?

Officiellement, les raisons exactes de son geste ne sont pas éclaircies. Mais elles semblent davantage en lien avec l'état psychiatrique de la mise en cause qu'avec un contentieux entre les deux femmes. «Un geste isolé», a précisé hier le ministre de l'Éducation nationale, Benoît Hamon, venu à Albi dénoncer «un crime abominable», lié à des «problèmes psychiatriques lourds».

Arrivée dans le Tarn, il y a 2 ans, Rachida H., marocaine de nationalité espagnole, s'est fait connaître auprès des services sociaux du conseil général du Tarn en tant que mère isolée. Depuis le début de l'année jusqu'en mars 2014, elle était en soin psychiatrique et prise en charge par l'hôpital du Bon Sauveur. Durant cette période, sa fille cadette vivait en Espagne chez une tante. Rachida a eu maille à partir avec la justice pour «délaissement d'enfant» et «non signalement de disparition de mineur». Affaires suivies par un juge pour enfant d'Albi. Mais selon le procureur, le magistrat «n'a jamais été informé du retour de l'enfant à Albi», vraisemblablement durant les vacances de Pâques. L'enfant a été scolarisé à la maternelle Édouard-Herriot, courant mai. Hier, Rachida H. a été hospitalisée sous contrainte en milieu psychiatrique en raison de «troubles mentaux évidents» et sa fille confiée aux services sociaux. 

Selon les experts, la mise en cause était «au moment des faits, atteinte de troubles psychiques ayant aboli son discernement.» Des contre-expertises capitales sont attendues prochainement pour décider de son éventuelle irresponsabilité pénale.


Publié le 05/07/2014 à 07:37  | La Dépêche du Midi |  Martine Lecaudey

 

«Elle voulait vraiment cette école»


Fabienne Terral, 34 ans, poignardée à mort, hier matin dans sa classe. /Photo DR

Léa, 6 ans, sort de l'école à petit pas, sans un mot, en serrant très fort la main de sa maman. «Elle ne veut pas en parler. Fabienne, c'était sa maîtresse,» explique la maman bouleversée. «Une personne très douce. Elle fêtait l'anniversaire de chaque enfant, en faisant un gâteau, sans jamais rien demander aux parents» ajoute-t-elle entre deux sanglots. Fabienne Terral, poignardée à mort hier matin dans sa classe, avait 34 ans et était maman de deux petites filles de 6 ans et de 9 mois. Enseignante de grande section maternelle auprès d'un public souvent en difficulté, elle avait choisi l'enseignement pour donner leur chance à tous les enfants. Souffrant d'un bras, ce qui l'empêchait de pouvoir écrire au tableau, elle n'avait pas pour autant renoncé à sa vocation, se tournant vers la maternelle.

«Motivée et enthousiaste»
«Elle souhaitait vraiment être dans cette école ; elle était sensible à ce public et à cette équipe. Elle était plus qu'impliquée dans son travail. Pour être à Édouard-Herriot, il faut y croire» confiait hier une enseignante, en poste à Herriot, avec Fabienne Terral jusqu'à septembre dernier. Enseignante à Albi depuis 2005, d'abord à l'école Georges-Brassens jusqu'en 2007, puis à celle de la Négrouilère, Fabienne Terral a d'abord été remplaçante à Édouard-Herriot pendant 3 ans avant d'obtenir la titularisation qu'elle souhaitait, dans «son école», en septembre dernier. Elle revenait de congé de maternité, et avait repris avec enthousiasme sa fonction, conforté par l'esprit de l'équipe, aussi motivée qu'elle.

«Toujours dans la joie de vivre, une instit qui se la donne, fédératrice. C'était notre moteur» raconte, en larmes, une autre de ses collègues actuellement en congé parental.

Originaire d'Aiguefonde
à Aiguefonde où réside sa famille dans le quartier de Fontalba, Vincent Garel, le maire, sous le choc, ne tarit pas d'éloges. «Une jeune fille et une jeune femme discrète et enjouée qui avait beaucoup d'amis. La maman de Fabienne est la fille de Lucien Mias, grand joueur de rugby de Mazamet et capitaine de l'équipe de France dans les années 1950».

«Ma collègue et mon amie»
Résidant à Cambon où sa fille de six ans était scolarisée, Fabienne avait tenu à reprendre son travail après son congé de maternité.

«C'était ma collègue et mon amie. Je ne comprends pas, je ne comprends pas. Je suis triste» arrivait à peine à articuler la jeune enseignante qui a pris en charge, hier matin, les enfants de la classe de Fabienne. Avec elle et les membres de l'équipe enseignante, Fabienne Terral accompagnait au plus près une famille béninoise de cinq enfants, menacée d'expulsion. Particulièrement attentive aux enfants scolarisés dans l'école, Fabienne, comme ses collègues et au-delà de la classe, s'était mobilisée pour la régularisation de cette famille dont le papa rendait de nombreux services à l'école.

La famille de l'enseignante décédée a demandé à la préfecture, en mémoire de Fabienne, que cette famille soit régularisée. Selon le réseau éducation sans frontière, les services préfectoraux auraient donné une réponse favorable. à 13 h 30 hier, au portail de la maternelle, une maman en boubou coloré est venue prendre des nouvelles de la maîtresse de son fils. Le matin même en accompagnant son enfant dans la classe , elle avait cru à une mauvaise chute de la maîtresse. Elle s'est effondrée en sanglots en apprenant la nouvelle de son décès. «Elle était si gentille. Elle me rendait tellement de services» a articulé à grand-peine la maman, avant d'être immédiatement prise en charge par la cellule psychologique en place.

«Elle était heureuse d'être enseignante. Elle avait tout le temps le sourire» ne cessait de répéter la jeune collègue de Fabienne Terral.


Publié le 05/07/2014 à 08:44 | La Dépêche du Midi | Marie-Louise Roubaud

 

Éditorial : Régression

Que de lieux voués à l'éducation deviennent des huis clos de la violence urbaine, on ne peut s'y résigner. Si le meurtre d'Albi où une mère d'élève a poignardé à mort une maîtresse d'école suscite autant d'émotion c'est qu'il a eu des enfants de maternelle pour témoins directs. C'est-à-dire une classe d'âge fragile et impressionnable qui sera vraisemblablement marquée par cet événement hors norme. On a beau se dire qu'il s'agit d'un cas isolé, comment ne pas y voir aussi le miroir déformant d'une société civile gangrenée par une violence sourde qui surgit à la moindre secousse comme la lave jaillissant d'un volcan.

Par quel étrange retournement de situation, ceux qu'on appelait jadis «les hussards noirs de la République» sont-ils aujourd'hui dépouillés de leur autorité au point de voir leur propre intégrité physique en danger ? Mai 1968 a bon dos. Les maîtres ne sont plus respectés parce que la société qui les entoure ne considère plus leur métier à leur juste valeur. Coupables sont les parents qui estiment leurs enfants au-dessus des lois scolaires, et qui négligent par là de les former à la rude tâche de vivre. Oui coupables sont les adultes qui se trompent de cible et prennent à leur compte le génie iconoclaste de leur progéniture. La maîtresse d'Albi qui était aussi mère de famille est la cinquième enseignante depuis trente ans à perdre la vie dans l'exercice de ses fonctions. Comment ne pas entendre ces drames pour ce qu'ils sont : des signes de régression ?


L'Amicale des Natifs de 50, abasourdie par ce drame atroce, exprime aux familles éprouvées ses plus sincères condoléances et le témoignage de sa profonde sympathie.
Nous adressons plus particulièrement nos pensées attristées à Adèle et Romane, ainsi qu'à leur papa Matthieu, originaire de Graulhet, et dont le père est un Natif de 50 graulhétois.

 

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