Hiver 2013 : neige + pluie = crues ?

8/4/2013


Publié le 06/04/2013 à 09:08 || La Dépêche du Midi |    G.A. et J.-M.D
 
La menace d'une crue d'envergure dans la région
 
Carte des zones à risques / Doct DDM
 
Tous les indicateurs conduisent à le penser : une crue de grande ampleur est possible en Midi-Pyrénées. Les nappes phréatiques sont pleines, le débit des cours d'eau est soutenu et la fonte des neiges ,conjuguée à de possibles fortes pluies, font craindre le pire.
 
«Que d'eau ! Que d'eau !» s'était exclamé en 1875 le maréchal Mac Mahon, alors président de la République, en découvrant, aux portes de Toulouse, les dégâts provoqués par les inondations consécutives à la crue de la Garonne.
 
Aujourd'hui, tous les ingrédients sont réunis pour qu'un nouvel épisode de ce type se produise dans le Grand Sud, et tout particulièrement en Midi-Pyrénées, si de fortes pluies venaient encore à s'abattre dans la région.
 
Les fortes précipitations de ces derniers mois, ont considérablement grossi le débit des cours d'eau et rempli à bloc les nappes phréatiques. Partout, dans les vallées des Pyrénées, de la Garonne, du Lot mais aussi du Tarn les sols sont saturés en eau.
 
À cela s'ajoutent les chutes de neige historiques qui sont tombées tout l'hiver, et tombent encore, sur le massif pyrénéen.
 
Pluie et grêle : des déluges localisés se sont déjà abattus sur le grand sud / Photo DDM
 
La fonte de cette neige, qui doit survenir dans les prochaines semaines, augmentera immanquablement et considérablement ces déjà remarquables quantités d'eau.
 
«Toutes les conditions sont réunies pour qu'une crue importante survienne, assure Dominique Chambon, prévisionniste au service des crues de la Direction régionale de l'Environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées.
 
«Si 150 à 200 mm de pluie venaient à s'abattre sur les Pyrénées en trois ou quatre jours, nous pourrions vivre un épisode comme celui que nous avons connu en juin 2000», prévient ce spécialiste
 
Entre les 9 et 10 juin 2000, une perturbation accompagnée d'orages avait entraîné 36 heures de pluie non-stop sur la vallée de la Garonne ! Il était tombé plus de 100 mm par endroits. à Toulouse, l'île du Ramier avait été recouverte par 4,38 mètres d'eau et à Tonneins, dans le Lot-et-Garonne, le fleuve avait atteint les 7,60 mètres ! De nombreuses habitations avaient été inondées.
 
Lauragais : Vérification de l'état du blé après les pluies de janvier./ Photo DDM L. K.
 
«Les crues, rappelle Dominique Chambon, sont un phénomène récurrent que l'on ne peut pas empêcher. On peut seulement en limiter les conséquences en évitant de construire dans des zones inondables et en érigeant des digues».
 
En octobre dernier, dans les Hautes-Pyrénées, de très fortes pluies avaient fait sortir le gave de Pau de son lit. à Lourdes, où l'eau était montée à plus de 1,50 m, six cents pèlerins avaient dû être évacués des sanctuaires et de plusieurs hôtels s'étaient retrouvés complètement inondés. En février dernier, dans le Lot-et-Garonne, des sols détrempés se sont affaissés entraînant la chute de gros rochers.
 
Plusieurs facteurs de risques
 
L'hiver se prolonge en altitude / Photo DDM
 
1 - Un épais manteau neigeux
 
Cette période hivernale reste marquée par la forte épaisseur du manteau neigeux. Les quantités se révèlent deux fois et demie plus importantes que pour un hiver normal, précise Jean-Marc Dolmière, un des chefs prévisionnistes du Schapi, le service des prévisions des crues logé dans les locaux de Météo France Toulouse. Bien sûr, tout le monde s'inquiète des risques liés à un redoux brutal. Pour l'instant, les températures se situent en dessous des normales saisonnières et la France vit avec de l'air froid au-dessus de la tête. La limite pluie-neige est en ce moment à 700 mètres sur les Pyrénées. Impossible de dire si le Schapi sera contraint, le moment venu, d'émettre des bulletins de vigilance orange dans certains bassins. Pour l'heure, le manteau neigeux, très tassé, résiste à la fonte. Hier, en tout cas, tous les indicateurs de vigilance étaient au vert sur le site «Vigicrues» pour ce qui concerne les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Aquitaine.
 
Les champs du côté de Boé regorgent d'eau./Photo Jean-Michel Mazet
 
2 - Déjà en régime de crue sur la Garonne

Bien sûr, les risques de crues dépendent très étroitement des cumuls de neige en montagne. La hauteur moyenne enregistrée dans certaines stations de contrôle de Météo France a été cet hiver de 3,70 mètres, là où le niveau se situe généralement autour de 2 mètres. Il faut remonter à 1996 pour retrouver une hauteur de neige de 3 mètres.
 
Dans ces conditions, on peut redouter, en cas de brusque réchauffement, une montée des eaux sur nos principaux fleuves. Ces jours-ci, le niveau de la Garonne, et du Tarn surtout, est monté de manière spectaculaire, sans atteindre toutefois de seuil d'alerte. Jeudi dernier, à la station de Portet-sur-Garonne, en amont de Toulouse (Haute-Garonne), le niveau était de 370 mètres cubes par seconde. Une pluviométrie de saison, rassure toutefois Nicolas Hébert, ingénieur à l'agence de bassin Adour-Garonne.
Hier, on annonçait même une phase de légère décrue.
 
Fonte des neige et pluies peuvent gonfler la Garonne.
 
3 - Zones inondables : un handicap naturel

Les populations sont d'autant plus exposées aux débordements des fleuves qu'elles résident dans des zones classées inondables. Parmi les huit départements français où 15 % des habitants sont directement exposés à ce risque figurent le Gard, l'Ariège et le Tarn-et-Garonne. Midi-Pyrénées est la troisième région française dans laquelle on trouve la plus grande part de population en zone inondable après le Languedoc-Roussillon (25 %) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (21 %). Chez nous, les populations des cantons les plus exposés aux inondations sont ceux de Saint-Céré (46), Maubourguet (65) et Figeac (46), où plus de 60 % des habitants sont concernés.
 
Toutefois, c'est bien le département de Tarn-et-Garonne qui présente l'enjeu le plus important, nous apprend l'Association régionale pour l'environnement (Arpe).
 
Le lac de l'Arrêt-Darré (65) n'a jamais été aussi plein. ./Photos Laurent Dard.
 
4 - Les retenues sous surveillance

Prévisionnistes du Service des crues et gestionnaires des barrages EDF vont s'intéresser de très près à la fonte des neiges, selon qu'elle interviendra brutalement ou progressivement. Tout le monde craint une fonte rapide qui viendrait brusquement gonfler des cours d'eau toujours très réactifs. EDF surveille la situation de ses ouvrages (lire par ailleurs). Dans un des gros barrages pyrénéens, les ingénieurs ont évalué les quantités de neige à sept fois le volume de l'ouvrage.
 
Agen : Les services de l'État ont retenu comme référence la crue de 1875 et non plus celle de 1930./Photo Le Petit Bleu Jean-Michel Mazet.
 
5 - Et malgré tout, des risques de sécheresse estivale

À l'Agence de l'eau Adour-Garonne, la leçon de 2003 a été bien apprise. Pour l'instant, on retrouve en 2013 les mêmes caractéristiques qu'il y a dix ans, avec un hiver marqué alors par un épais manteau neigeux, une recharge effective des nappes phréatiques, une pluviométrie bien supérieure à la normale et des rivières à gros débits. Mais les fortes chaleurs qui s'étaient abattues dès juin avaient très vite laissé entrevoir des risques aigus de sécheresse estivale. On connaît la suite : la canicule de 2003 reste à jamais gravée dans les annales de Météo France.
 
Alors, que nous promettent les prochaines semaines ? Impossible à dire quand on sait que les prévisions de Météo France à 10-12 jours sont toujours données avec un indice de confiance d' un sur deux…
 
Les giboulées de mars devraient se prolonger largement en avril./ Photo DDM, Jean-Michel Mazet
 
6 - Une météo à venir peu favorable

Quel temps fera-t-il ces prochains jours ? Le cocktail, très simple, ne promet pas d'embellie notable et durable. Ce samedi, de nouvelles perturbations sont attendues sur le Grand Sud, avec toutefois une perturbation plus active dans le Pays Basque. Et dimanche, retour d'un temps sec.
 
Lundi, la semaine reprend sous des auspices pluvieux avec une succession de perturbations dans tout le Sud-Ouest. C'est ce qu'annonce Michel Matveieff, ingénieur-prévisionniste à Météo France -Mérignac. Mais, a priori, pas de pluies diluviennes au menu de la semaine prochaine. C'est toujours ça.
 
Il faut rester très prudent le long des rivières./ Photo L. Dard
 
«Les barrages sont pleins à craquer»
 
«Les barrages des Hautes-Pyrénées sont pleins à craquer depuis quelques semaines. Il y a longtemps que le niveau de l'eau n'avait pas été si haut», assure un agent d'EDF qui travaille dans une centrale hydroélectrique de la vallée de Luz-Saint-Sauveur.
 
«Pour réguler, éviter qu'ils ne débordent, poursuit le technicien, et permettre l'accueil des nouvelles eaux qui arrivent sans cesse, nous faisons le yo-yo. C'est-à-dire que nous dirigeons une partie de cette eau dans des galeries annexes ou vers d'autres barrages et après l'avoir turbinée dans des centrales alentours, nous la restituons dans le gave de Pau plus bas dans la vallée».
 
Mais, malgré ces actions répétées de temporisation, toutes les retenues d'eau sont à la limite de la saturation».
 
D'habitude, les centrales hydroélectriques alimentées par ces barrages turbinent essentiellement aux heures où la demande en électricité est la plus forte (le matin et le soir), en complément des centrales nucléaires qui assurent plus de 80 % des besoins de notre pays. «En ce moment, nous tournons jour et nuit pour, justement, vider au plus les barrages», ajoute l'employé d'EDF qui ne cache pas que lui et ses collègues s'attendent à une crue centennale. «Les statistiques sont là. Nous savons que cela doit se produire bientôt. Vu toute l'eau qu'il y a déjà, nous pensons que la fonte des neiges cumulée à de forts orages pourraient provoquer cet épisode».
 
C'est donc avec la plus grande fébrilité que les agents EDF attendent les bulletins météo.
 
«Si l'eau devient trop importante dans les barrages, on sera obligé d'ouvrir pour éviter que des ouvrages ne cassent. Il nous sera impossible de retenir toute cette eau». Et, si cela venait à se produire, nul doute que des inondations se produiront dans toutes les vallées de Lourdes et bien plus loin encore.
 
Les départements des Pyrénées-Orientales, de l'Aude et de l'Hérault ont déjà été pris dans la tourmente. / Photo AFP
 
 

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