Trésors d’archives : Délainage Mazamet
Trésors d’archives : Délainage Mazamet

La Dépêche du Midi a lancé récemment une série "Trésors d’archives", qui retrace les grandes heures de l’histoire du Tarn, réalisée en collaboration avec les archives départementales.
Publié le 06/12/2024 | La Dépêche du Midi | Vincent Vidal
Trésors d’archives :
Les grandes heures du délainage mazamétain

La salle des métiers à tisser du moulin-gare. Photos Archives départementales
Dans le cadre de notre série Trésors d’archives, qui retrace les grandes heures de l’histoire du Tarn, retour sur l’incroyable réussite du délainage mazamétain durant plus d’un siècle.
Mazamet, centre mondial du délainage. Nous sommes dans la seconde moitié du XIXe siècle. Dans la cité, tout tourne autour de cette industrie qui compte plus de 2 500 salariés. Comment Mazamet est devenu la capitale de ce secteur ? Elle n’avait pas un cheptel ovin plus important que dans d’autres régions françaises. La pureté de l’eau de l’Arnette est excellente permettant un meilleur délainage. Mais en France, il y en a des dizaines comme celle-ci. Alors ?

les ouvriers lors du dur labeur du délainage. Photos Archives départementales
Pour les historiens, deux facteurs ont permis cette réussite. La ville avait un passé industriel important dans la verrerie, la papeterie et le textile. Surtout, il y avait une communauté protestante très active dans l’industrie. Elle a très vite compris que la production et la vente de cette laine allaient faire les beaux jours de la région.

Dès lors, de multiples entreprises voient le jour. Arrive une problématique majeure pour continuer son développement. Face à une demande exponentielle, et ceux malgré les importations qui augmentent, on manque de laine de tonte (rasée directement sur l’animal vivant.) C’est là qu’un industriel mazamétain, Pierre-Elie-Houlès a une formidable idée qui allait révolutionner le secteur.

Les balles de laines dans le hall de la gare. Photos Archives départementales
En 1912, c’est l’année record
En 1851, il fit venir des peaux de moutons brutes d’Argentine et essaya pour la première fois d’en extraire non pas le cuir mais la laine, qui était habituellement sacrifiée. Après plusieurs mois d’essais, il réussit à mettre au point, un procédé permettant de séparer la laine du cuir sans altérer l’une ou l’autre de ces matières. Le délainage est né.

À partir de 1800, sur la route des usines où descend l’Arnette, les manufactures se multiplient. En 1912, c’est l’année record avec plus de 32 millions de peaux de mouton traitées. Durant cent ans, on est au sommet du délainage mazamétain. Pour la main-d’œuvre, la majorité est paysanne, venue compléter un salaire, dans un emploi pénible et insalubre, souvent saisonnier, qui leur permet de continuer de cultiver leur ferme. C’est la multiplication des richesses chez les industriels, acheteurs et revendeurs.

Des délaineurs font la pose devant leur usine. Photos Archives départementales
Mazamet est en pleine expansion. De belles maisons de maîtres voient le jour sur les hauteurs de la ville, près du temple protestant. La cité est alors reconnue comme l’une des plus grandes plateformes mondiales dans les principaux pays d’approvisionnement en peaux lainées (Argentine, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Maghreb) et dans les pays acheteurs (Europe, États-Unis, Russie).

La ville a fêté en grande pompe les cent ans du délainage. Photos Archives départementales
Main-d’œuvre mal payée
Les années passent et le délainage se porte bien. Mais, malgré le développement des machines industrielles, le secteur reste avant tout porté par une main-d’œuvre nombreuse et mal rémunérée. Il commence à être difficile de trouver du personnel. Avec l’instruction obligatoire, les plus jeunes ne partent plus à l’usine et quand ils sortent de l’école, ils aspirent à un travail moins dur et mieux payé.

Pour embaucher, les patrons doivent faire des concessions. Cela ne suffit pas à attirer. Alors ils se tournent vers les ouvriers étrangers. On comptera jusqu’à 32 nationalités.
En 1950, on célèbre en grande pompe le centenaire du délainage. Chacun savoure cette aventure industrielle extraordinaire, avant une chute brutale. Mazamet a du mal à évoluer et reste ancré sur cette industrie en manque de vitesse.

La laine perd des parts de marché, face au tissu et manque de réactivité, face à la nouvelle concurrence chinoise. Les entreprises ferment une à une. La route des usines devient le chemin des fantômes. Ne restent plus aujourd’hui, que quelques sociétés qui ont su basculer vers l’industrie du luxe. La grande aventure du délainage à Mazamet, elle, est terminée, après plus d’un siècle de rayonnement mondial.

La route des usine concentrait la majorité du délainage mazamétain. Photos Archives départementales
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