Trésors d’archives : Charbon de Carmaux

23/2/2025

  Trésors d’archives : Le charbon de Carmaux  



La Dépêche du Midi a lancé récemment une série "Trésors d’archives", qui retrace les grandes heures de l’histoire du Tarn, réalisée en collaboration avec les archives départementales.


Publié le 20/12/2024 | La Dépêche du Midi |  Vincent Vidal

Trésors d’archives : Carmaux, terre de charbon et berceau des luttes ouvrières


Carmaux : En 1965, la mine tuait 12 mineurs / DDM

Dans le cadre de notre série Trésors d’archives, qui retrace les grandes heures de l’histoire du Tarn, retour sur les grèves des mineurs et verriers carmausins qui ont façonné l’histoire sociale de la France.

Qui dit Carmaux, dit charbon, verrerie et grandes grèves ouvrières. Des symboles, des combats qui restent gravés à jamais dans la mémoire collective. Un monde ouvrier où le quotidien est rude. Le charbon, c’est une vieille histoire dans le bassin. On l’extrait depuis au moins 1295, date des premières traces écrites l’attestant. À cette époque, des taxes sur le charbon de terre transporté à dos de mulet étaient prélevées pour le franchissement du pont d’Albi. Mais il faudra attendre plusieurs siècles et l’arrivée de l’industrialisation pour la création de la première compagnie minière.



Le charbon connaît un essor considérable. Alors, il faut augmenter les cadences, percer plus profond, exposant les ouvriers aux accidents et aux coups de grisou. À cette époque, la majorité des mineurs venait du monde paysan. Et durant la seconde partie du XIXe siècle, on ne compte plus le nombre de grèves pour demander des hausses de salaires et des améliorations des conditions de travail dont il est inutile de rappeler la dureté. Mais c’est en 1892 que le mouvement social prend un nouveau tournant et devient politique.


La Une du Petit parisien annonçant l’interdiction des attroupements des mineurs. / Archives départementales 

Le licenciement du nouveau maire
Nous sommes le 15 mai. Jean-Bastide Calvignac, mineur syndicaliste est élu maire. En réponse à cette élection considérée comme un camouflet pour la droite, la compagnie dirigée par le marquis de Solage (député monarchiste) le licencie deux mois plus tard, en prenant le prétexte des absences nécessaires à l’exercice de son mandat. Pour la compagnie il devait choisir « la mine ou la mairie ».

Ce renvoi injustifié d’un ouvrier travaillant depuis 20 ans pour la compagnie provoque une réaction de solidarité spontanée et inédite : 3 000 ouvriers se mettent en grève et demandent la réintégration immédiate de Calvignac.


Une gravure représentant les mineurs en grève face aux militaires. Archives départementales - / Archives départementales.

C’est une des premières grèves ayant un motif politique, démontrant que les ouvriers ont compris l’importance de leur pouvoir. Ils sont aidés et soutenus par un jeune professeur de philosophie de 33 ans. Son nom : Jean Jaurès. Devant l’ampleur du conflit, le baron Reille, président du conseil d’administration de la Compagnie, demande l’arbitrage du président du Conseil, Émile Loubet.



Ce dernier envoie l’armée pour contenir la grève, mais impose aussi une négociation entre les deux camps. À l’issue de ce mouvement de grève, Calvignac est réintégré et les ouvriers grévistes sont réembauchés. Le marquis de Solages, lui, est contraint de démissionner de son mandat de député. C’est une victoire pour le camp des ouvriers, qui prennent conscience de l’impact de leur action collective.
Quelques années plus tard, en 1895. Jean-Jaures est élu député de Carmaux.


Jean-Jaurès a porté haut et fort le combat des mineurs et verriers du Carmausin. / Archives départementales

Le grand combat des verriers
La ville produit beaucoup de verre. En 1895, une grève des verriers éclate, là aussi pour de meilleures conditions de travail et des salaires décents. Mais la direction n’en a cure et continue d’écouler son stock de bouteilles, malgré la crise viticole confrontée au phylloxéra.

Elle répond à la grève par un lock-out, une fermeture provisoire, mettant ses 1 200 ouvriers au chômage. Ils appellent Jaurès au secours. Le tribun obtient la procédure d’arbitrage du juge de paix. Dans un premier temps, les ouvriers se soumettent et acceptent de reprendre le travail et de payer de leurs poches les salaires des mises à pied. 



Le directeur Rességuier en profite pour annoncer qu’il choisira les ouvriers qu’il reprendra, excluant explicitement les syndicalistes. Une décision de trop. Une souscription est lancée par Jaurès, avec l’aide de La Dépêche du Midi et La Petite République, pour créer une verrerie autogérée.

"Il y aura une verrerie aux verriers où trouveront un abri ceux que l’arbitraire patronal veut chasser et affamer", annonce le tribun. Après une longue lutte contre le gouvernement, contre les forces de l’ordre et les grands patrons, la verrerie autogérée d’Albi ouvre ses portes avec les verriers n’ayant pas repris à Carmaux. C’est le début de la grande aventure de la VOA, toujours en activité, même si un fonds de pension a remplacé les ouvriers à la tête de l’usine. On y trouve encore une statue de Jaurès, comme à Carmaux.


La Découverte, plus grande mine à ciel ouvert d’Europe ferme ses portes le 30 juin 1997. / Archives départementales

Le 30 juin 1997, c’est la fin du charbon
Durant la seconde moitié du XXe siècle, l’extraction du charbon connaît un déclin sans précédent en France. Dans le Carmausin, il ne reste plus qu’une mine, dont le projet a été lancé en 1975. Elle ouvre en 1984. C’est la plus grande d’Europe à ciel ouvert, sur le site de la Découverte, formant un amphithéâtre de 1 302 mètres de diamètre et 229 mètres de profondeur, appelé à devenir un parc de loisirs quelques années plus tard.



Face à ce chaos industriel, le taux de chômage grimpe en flèche, au même rythme que la pauvreté, pour avoisiner les 20 %. Près de 3 000 emplois ont été perdus. Pourtant, en 1980, c’est à Carmaux que François Mitterrand avait lancé sa campagne pour la présidentielle, promettant "la relance de l’industrie charbonnière". Une promesse qui n’a pas résisté à celles du charbon importé, bien moins cher.



"Depuis que l’ascenseur de la mine ne descend plus, les gens ont l’impression que l’ascenseur social est bloqué", déplorait à l’époque l’ancien président PS du département Thierry Carcenac. Des vies brisées, des hommes cassés qui ne peuvent, malgré quelques derniers barouds d’honneur que constater que la fin est proche, que la fin est là. Le 30 juin 1997, les puissantes machines de la Découverte cessent définitivement de fonctionner. Le Carmausin ne produira plus cet "or noir" qui a fait sa richesse durant plus d’un siècle et demi.


En 1965, Carmaux pleurait ses 12 mineurs disparus / DDM

 
 

  Images contemporaines  

  

Les mineurs valorisent le patrimoine industriel minier / DDM


Musée de la mine à Cagnac / DDM, Eric Cabanis


Musée de la mine à Cagnac / DDM, Eric Cabanis


Ils étaient les gueules noires du Tarn / DDM


Parc des titans / DDM


sur les traces de l’or noir / DDM


le site de la Découverte / DDM
 

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