Tournebelle, "Petite Camargue d’Aude"
Tournebelle, "Petite Camargue d’Aude"
Publié le 10/08/2024 | L'Indépendant | Audrey Margerie
Narbonne : à la "Petite Camargue d’Aude",
des gardiens perpétuent la tradition
À la manade de Tournebelle, à Narbonne, des bénévoles expliquent au public ce qu’est le métier de gardien d’un cheptel de Camargue. / Ind, Philippe Leblanc
Appelée "La petite Camargue de l’Aude", la manade de Tournebelle, à Narbonne, est un élevage de vaches, taureaux et chevaux de Camargue, même si ce n’est pas l’endroit ! Ce jeudi 8 août, c’était jour de spectacle pour sensibiliser le public à ce que sont un tri du bétail et le métier de gardien.
La chemise, le veston, les bottes, et surtout, le chapeau pour se protéger du soleil… Ainsi affublés, Aude, Chloé, Antoine et Richard sont les gardiens de la manade de Tournebelle, à Narbonne. Ce jeudi 8 août, comme tous les jeudis de juillet et d’août, ces bénévoles sont chargés du spectacle : une démonstration traditionnelle de tri du bétail.
Aude, bénévole, habillée en vêtements traditionnels, explique que le taureau est le premier à être trié pour le tri du bétail. Independant - PHILIPPE LEBLANC
Les vaches, leurs veaux et le taureau de Camargue, une race protégée et reproduite naturellement, ont été spécialement rassemblés dans un enclos au lieu de vagabonder comme à leur habitude dans les 90 hectares sur les 200 que possède "La petite Camargue de l’Aude".
Pour les rejoindre, le public grimpe dans deux charrettes. "Vous pouvez vous poser au bord, ne vous inquiétez pas, on a déjà donné à manger aux vaches !", plaisante Richard, en s’adressant aux enfants, pour réussir à faire de la place. C’est lui qui conduit le tracteur pour nous tracter jusque devant l’enclos.
Environ 70 personnes, ce jeudi 8 août, montent dans des charrettes avant de se rendre devant le troupeau. Independant - PHILIPPE LEBLANC
Plusieurs têtes noires à cornes se tournent vers nous et meuglent dans tous les sens. Hormis un mâle castré au milieu, il n’y a que des femelles et leurs veaux. Sur une jeune jument, aussi de Camargue, Aude s’attelle à la présentation. Le premier à devoir être trié, c’est "Pas cool", le taureau. Non reproducteur, il sert de guide au troupeau.
Appelé "simbèu", car dressé par l’homme, il est appelé à se diriger vers le "couloir" pour déplacer le reste du cheptel. Sa présence apaise les vaches, nourries au foin du fait de la sécheresse. "Ça peut faire 20 ans qu’une vache connaît le chemin, mais si le taureau n’est pas devant, elle est perdue", indique Aude.
Ces vaches et le taureau sont normalement en semi-liberté sur 90 hectares. Independant - PHILIPPE LEBLANC
Défendre la tradition de ce joli travail de gardien
Une fois le taureau écarté, Chloé et "Tinou pour les intimes", choisissent à cheval leur nouvelle cible, "au feeling", en la pointant du doigt. En un regard échangé, la vache se reconnaît. En poussant des cris et en la talonnant, le duo doit réussir à l’isoler du groupe pour la faire courir, avec son veau, jusqu’au couloir. Direction ensuite, pour ce petit groupe à quatre pattes, le tauril, qui ouvre sur les arènes.
Une fois la bête choisie, il faut réussir à l’isoler en lui donnant des indications vocales. Independant - PHILIPPE LEBLANC
Du pré jusqu’à l’arène : l’abrivade
"Ce ne sont pas des bêtes de corrida, ni pour la viande, car elles ne sont pas vraiment rentables", informe Aude. Les camargues sont utilisées pour les courses, les taureaux-piscines, et les cocardes (des attributs sont placés sur les cornes et le but est de réussir à les lui enlever avec un crochet). Mais à la manade de Tournebelle, pas de courses.
La plupart des vaches ont aussi leur veau. Independant - PHILIPPE LEBLANC
"Nous, on préfère vous montrer les coulisses et défendre la tradition de ce joli travail de gardien", lance la présentatrice. Le déplacement des troupeaux vers les pâturages jusqu’aux arènes était nommé l’abrivade ("abrivado" en occitan), avant d’utiliser les camions comme aujourd’hui. "Avant, il n’y avait pas autant de routes, d’autoroutes, de voitures, et en cas d’accident, on se couvre davantage question assurance."
Le groupe arrive ensuite dans l’arène. Independant - PHILIPPE LEBLANC
On voit une belle complicité avec le cheval
Dans l’arène, ces animaux biberonnés à la semi-liberté changent de comportement. Deux veaux sont lâchés avec des volontaires sur la piste. Objectif : les attraper aux oreilles et à la queue. "Cours ! Tu es en rouge !", lance une mère à son fils qui se fait gentiment chargé. Le premier tour est pour les enfants, le second, pour les adultes.
Les veaux sont lâchés, l’objectif est de réussir à les capturer en les tenant par les oreilles et la queue. Independant - PHILIPPE LEBLANC
"Les vaches de Camargue, ce sont des bêtes à jeu. Il y a du stress mais c’est parce que les veaux ne sont pas sevrés. Mais quand ils sont en liberté, ils n’attaquent pas", explique Chloé, également employée du centre équestre depuis ses 19 ans environ et qui y a découvert ce côté plus instinctif qu’ont les bêtes de Camargue. "Il leur faut de la patience et du respect."
"C’est sûr quand on dit qu’il faut attraper un animal, ce n’est pas quelque chose que j’aime", réagit personnellement Nicolas, venu avec ses enfants. En revanche, le spectacle lui a beaucoup plu. "On voit une belle complicité avec le cheval", dit-il, aux côtés de sa fille, Lina, cavalière de 11 ans, qui relève une belle écoute de l’animal. "Ils ont l’air de faire ça avec plaisir et ils le partagent aussi avec plaisir."
Mission réussie pour ces messieurs. Le veau repart dans le toril. Independant - PHILIPPE LEBLANC
À 13 heures, il est temps de rejoindre Nénette et Audrey, restées aux fourneaux, pour une dégustation. Terrine, saucisson, rillettes et saucisses attendent sur des plateaux. À la bonne franquette.
La session de spectacle traditionnel se termine avec un apéritif pour une dégustation de produits réalisés à partir du cheptel. / Independant - PHILIPPE LEBLANC
"Nénette", à l’origine de la manade
"Quand j’étais plus jeune, je voulais un cheval. Ma mère m’a dit "passe ton certificat d’études d’abord"", raconte Simone Ribes, la gérante du domaine de la manade de Tournebelle. Même consigne pour le brevet et le bac… Et toujours pas de cheval. La passionnée, de signe bélier, née entre deux manades en Camargue, près de Montpellier, comprend que c’est à elle de travailler pour s’acheter son cheval.
C’est en 1982, que cette analyste-programmeuse se lance dans l’élevage. Mais en 2002, elle doit abattre son petit cheptel à cause de la tuberculose. Elle remonte à Paris pour travailler et rachète presque 200 hectares de terrains dans l’Aude, dont 90 au domaine de Tournebelle, où est basé le centre équestre, ou encore à Montséret pour placer les femelles l’hiver.
Simone Ribes, dite "Nénette".Simone Ribes, dite "Nénette". Independant - Archives
Ce n’est pas la Camargue, mais la flore y ressemble. "La seule différence c’est le nom du vent !" Surtout, elle souhaitait de l’espace pour ses bêtes "C’est dur. Quand tu as fini toutes les clôtures, tu retournes réparer la première !"
"C’est le seul métier où les gens se disputent pour venir", rit-elle, maintenant que d’autres font le métier de gardien, tandis qu’elle est aux fourneaux, depuis une vilaine chute à 50 ans. Cette relève est assurée pour des spectacles entre juillet et août.
Antoine choisit la bête à trier, après le taureau. / Independant - PHILIPPE LEBLANC
"Les traditions se perdent et moi je veux les garder", déclare cette "fonceuse" de 72 ans, prête à servir les plateaux de charcuterie, réalisée à la boucherie de Perez, à Fourques, à parti de quelques-unes de ses bêtes : une abattue toutes les deux à trois semaines. Au moment de la dégustation, "Nénette" demande même au public de chanter l’hymne des gardiens "Coupo santo".
Ici la vache est isolée avec son veau. Chloé les pousse jusqu’au couloir pour sortir de l’enclos. / Independant - PHILIPPE LEBLANC
Carte de situation / IGN
Les bêtes doivent toutes être bouclées pour pouvoir les identifier. / Independant - PHILIPPE LEBLANC
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