Le poumpet tarnais de Soual

28/9/2022


Publié le 13/05/2018 à 12:18  | La Dépêche du Midi |  Vincent Vidal

Soual : Sur les terres ancestrales du «poumpet»


Le Poumpet de Dominique Andrieu / Photo DDM

C'est une tradition culinaire de fin de repas, un hymne aux repas familiaux, aux pâtisseries d'antan. Dans le Tarn, c'est une institution à laquelle on ne touche pas. Le «poumpet», ce gâteau à base de citron et de bergamote ne passe pas de mode. Reste qu'aujourd'hui, on s'y perd un peu. On trouve ce gâteau sur les étals pâtissiers de tout Midi-Pyrénées. Et pourtant. La recette est tarnaise, avec des racines solides entre Soual et Sémalens. Allons sur ces terres pour connaître l'histoire de ce «poumpet» qui fait tant d'heureux.

Sur la Grand-Rue de Soual, au 13, une pâtisserie-chocolaterie. Son nom. Chez Andrieu. C'est là que tout a commencé.

«Le premier «poumpet» commercialisé, c'est entre ses murs que ça s'est déroulé. Il a été vendu en 1894 par le pâtissier Gelis», confirme le maître des lieux Dominique Andrieu. En vérité, ce gâteau existe depuis bien longtemps déjà. On le mangeait en famille ou lors des fêtes de village. «Des recherches ont été réalisées ces derrières années pour connaître sa provenance exacte. On est aujourd'hui sûr qu'il a été importé par les Sarrasins au début du VIIIe siècle», confirme le pâtissier.


Dominique Andrieu détient la recette originelle du Poumpet, ou "Feuillât", de 1894. / Photo JDI (RL)

Cette recette secrète a été vendue en 1967 à la famille Andrieu.
«Cela fait plus de 120 ans qu'ici on vend la même recette ancestrale. Et ça plaît toujours autant à notre clientèle.»
Il avoue que la vente du «poumpet» est une belle partie de son chiffre d'affaires.

Aujourd'hui, on trouve ce gâteau partout. «C'est bien là le problème. Certains font aujourd'hui n'importe quoi. Moi, je revendique notre recette de Soual-Sémalens. C'est là qu'il a été créé. Je n'ai pas dit qu'il est le meilleur. Je ne me le permettrais pas. Mais je revendique haut et fort que les terres ancestrales du «poumpet», c'est ici.»

Les mots sont choisis, posés. «C'est fou que dès que l'on parle de ce gâteau, les sentiments s'exacerbent. Chacun pense avoir raison», avoue le pâtissier.


Pâtisserie - chocolatier Andrieu, spécialités gastronomiques à Soual

Son secret de fabrication, il le protège comme un trésor.
«En 1997, l'Union nationale des pâtissiers m'a demandé de venir le présenter à Paris. J'ai refusé. Déjà, je ne voulais pas que l'on fasse n'importe quoi avec ce gâteau», admet Dominique Andrieu. Pour vivre heureux, vivons caché. «Mais cela n'a servi à rien. Vous le voyez bien aujourd'hui. On n'en trouve partout. Si au moins tous respectaient correctement la recette. Mais non. On en trouve même aux pommes. Et rappelons-le à tous. Il n'y a jamais eu de pommes dans le «poumpet». Jamais.»

Reste que le nom et sa fabrication n'ont jamais été protégés. «C'est bien là le problème.»
Du coup, à Soual, on a pris le taureau par les cornes pour trouver une solution. «Nous sommes revenus au nom original : le «feuillât». Nous avons même créé une confrérie pour que notre savoir-faire perdure. Au moins, ce nom est protégé.»


Poumpet "maison" / Photo Ouest France

Et la clientèle dans tout cela ? Jeune, âgée, fidèle ?
«Les trois. Évidemment, nous avons des retraités. Mais aussi beaucoup de jeunes qui ont été initiés au goût lors des repas chez les parents et les grands-parents. Et elle me reste fidèle depuis bien des années.» Il n'oubliera pas de rappeler que de «nombreux touristes passent le pas de sa porte, alléchés par l'envie de goûter la recette originelle».

Dominique n'en dira pas plus. Derrière la caisse, dans son «labo», il prépare le «précieux». La préparation ? Chut… On n'a pas le droit de voir.
Juste les ingrédients sont visibles. Du citron, de la bergamote, de la farine, des œufs, du beurre. «Ce vrai beurre, et non de la margarine, a remplacé dans la recette la graisse d'oie qui aujourd'hui est interdite par l'Europe.»

À la caisse, les clients défilent. Il est temps pour Dominique de terminer ces dernières créations. «Dites bien que je ne me prends pas pour le roi du «poumpet». Simplement le garant de la recette», sourit-il. Ce gâteau n'a pas à faire jaser… en deux bouchées.


Le poumpet / Tarn Tourisme

D'où vient cette pâtisserie ?
Ce gâteau trouverait ses origines dans des contrées bien éloignées des nôtres puisqu'il aurait été importé lors de l'invasion de l'Europe par les Sarrasins au début du Moyen-Âge, à partir de 720.
Ce serait donc un gâteau d'origine arabe dont il a conservé malgré les ans plusieurs caractéristiques communes avec leurs pâtisseries : très sucré, très riche avec un arôme d'agrume.

Durant plusieurs siècles, cette recette, élaborée à partir de saindoux ou de graisse d'oie (aujourd'hui c'est plutôt avec du beurre), d'œufs, de farine, de sucre, de miel et de zestes de citron, s'est transmise localement de mère en fille qui la confectionnait pour les grandes occasions d'où le nom occitan de «poumpet», qui signifie littéralement le «gâteau de fête» (fête se traduisant en patois local par pompa). À cette époque, cette spécialité culinaire n'était réalisée que dans le canton de Soual et de Sémalens (village voisin).

Ce n'est qu'en 1890 qu'un pâtissier de Soual (M. Gelis) a fabriqué et commercialisé à partir de 1894 le «poumpet» sous le nom plus vendeur de «feuillât» car plusieurs couches de pâte et de graisse d'oie successives lui donnent un aspect feuilleté. Ce gâteau était parfumé au citron, à la fleur d'oranger et à la bergamote uniquement. Cette recette originale fut transmise ensuite aux acquéreurs successifs de la pâtisserie de M. Gelis, maintenant aux mains de la famille Andrieu. En 1985, à Soual, fut créée la Confrérie du Poumpet (maintenant rebaptisée la Confrérie du Feuillât) afin de faire perdurer sa tradition.


Le poumpet de Sémalens / Culture crunch

La recette de ce gâteau
Soyons clairs. Chaque pâtissier garde précieusement la recette de son «poumpet». Mais il reste des bases communes à cette pâtisserie. Voici le détail de la recette traditionnel du «poumpet» qui, quoi qu'il en soit, est à base de citron. Sinon, ce n'est pas un «poumpet».
Préchauffer le four à 210 °C (thermostat 7).
Prélever les zestes de citron et les détailler en petits dés.
Faire confire les zestes : mettre les zestes de citron dans une casserole avec de l'eau à hauteur avec 20 g de sucre.

Porter à ébullition en remuant de temps en temps jusqu'à évaporation complète du liquide ; les zestes sont alors confits ; si ce n'est pas le cas, ajouter de l'eau et laisser bouillir à nouveau.
Ajouter 20 g de beurre et remuer pour le faire fondre. Presser un citron et en ajouter le jus au mélange, ainsi qu'une cuillère à café d'arôme naturel de citron. Bien mélanger.
Dérouler les pâtes feuilletées et les étirer un peu en les accolant, de façon à former un rectangle plus large que haut.
Diviser virtuellement le rectangle en 3 zones.

Prélever les zestes confits et les étaler dans la partie centrale de la pâte.
Replier ensuite la partie droite sur la partie centrale. Vous vous retrouvez désormais avec le dos de la partie de droite devant vous. Badigeonner généreusement d'une partie du mélange beurre, sucre, citron.
Replier enfin la partie de gauche sur le tout, en la tirant un peu pour pouvoir replier le bord droit sous le reste du gâteau. Badigeonner du mélange beurre, sucre, citron restant.
Déposer le «poumpet» sur une feuille en silicone et enfourner pour 18 à 20 minutes.
Il faut obtenir une belle couleur dorée. Si ça colore trop vite, recouvrir d'une feuille d'alu. Saupoudrer de sucre glace.
Déguster froid.


Carcassonne : Les chouettes poumpets de Colette / DDM

Sur notre site Facebook chacun y va de son avis
En début de semaine, nous avons posé la question sur notre site Facebook, La Dépêche 81, pour savoir quelles sont pour vous les enseignes où l'on trouve les meilleurs «poumpets». Les réactions furent très très nombreuses. Chacun y va de sa meilleure adresse, de son meilleur souvenir. On y retrouve très souvent des pâtisseries Rachat (Labruguière) et Andrieu (Soual).
Mais les internautes donnent aussi d'autres adresses, à Verdalle, Lagarrigue, Sémalens, la boulangerie Viallatte à Lautrec. En fait, un peu partout dans Tarn, sans oublier les fameux «poumpets» des mamies. Mais rappelons tout de même que ce gâteau est une pâtisserie sud tarnaise. Et ils en sont fiers. À juste raison.


L'article du Journal d'Ici (31.07.2022)
 

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