Mots et expressions de nos régions
Publié le 01/11/2020 à 10:05 | La Dépêche du Midi | Sébastien Marcelle
Ces mille mots et expressions de nos régions qui font la diversité de la France
Supporter du Stade Toulouse fiers du mot "chocolatine". / DDM - XAVIER DE FENOYL
Voyager à travers la France, ce n’est pas seulement découvrir des paysages et des fromages différents, c’est aussi entendre des mots, des expressions et bien sûr des accents différents des nôtres. Et notre région n’est pas la dernière à proposer des mots typiques du Sud-Ouest au riche vocabulaire français.
"La France est le seul pays au monde, que je sache, où un lexicographe puisse devenir une figure publique", a écrit le linguiste italien Raffaele Simone à la mort, le 28 octobre, du célèbre Alain Rey, linguiste français et rédacteur en chef du dictionnaire Le Robert. Cette phrase, relevée par un de leur confrère français maître de conférences à la Sorbonne, Mathieu Avanzi, qui sort Comme on dit chez nous aux éditions Le Robert (1), marque bien l’attachement exceptionnel que les Français ont avec leur langue et ses mots.
"Nos compatriotes aiment le dictionnaire. Il y a une fétichisation de cet objet. On en fait souvent le juge de paix. C’est très français", explique Médéric Gasquet-Cyrus, maître de conférences en socio-linguistique à l’Université d’Aix-Marseille. On comprend mieux pourquoi les mots que nous utilisons au quotidien à l’oral, dans nos régions, dans nos familles, avec nos amis sont des marqueurs identitaires forts. Selon que vous employez "poche" ou "sac", "chocolatine" ou "pain au chocolat", "au taquet" ou "gavé", "péguer" ou "coller", il est possible de connaître la région où vous habitez voire votre origine sociale.
Ces cartes sont issues des travaux de recherche de Mathieu Avanzi et se retrouvent sur son blog « Français de nos régions »
Des étendards régionaux
Ces mots ou expressions ancrés dans les territoires depuis de très longues années sont utilisés au quotidien par les populations locales sans y faire attention mais deviennent des étendards régionaux dès que l’on traverse la France. Que ce soit parce qu’on est déraciné à cause du travail ou qu’on est en vacances dans une autre région, utiliser un mot typique de sa région face à quelqu’un qui ne le connaît pas peut procurer une certaine fierté.
Dans un pays très centralisé, demander une "chocolatine" quand on est Toulousain dans une boulangerie parisienne ou crier "On craint dégun" quand on est Marseillais dans les rues de la capitale sonne un peu comme une provocation dans un match Paris-Province typiquement français.
"Ce côté identitaire est parfois utilisé par les politiques pour séduire une foule, remarque Mathieu Avanzi. Comme Emmanuel Macron en meeting à Marseille, en avril 2017 pendant la campagne des élections présidentielles, qui lance "Avec vous et à vos côtés, comme on dit ici, on craint dégun ! (ndlr : personne)" ou Nicolas Sarkozy qui utilisait un vocabulaire populaire pour être proche de certaines catégories sociales. Aujourd’hui, ces mots de nos régions sont même devenus un business pour certains avec l’apparition d’une grande quantité de T-shirts un peu partout en France qui reprend tel ou tel mot typique du territoire afin de revendiquer son origine de manière amusante", note le linguiste.
Drapeau occitan accroché sur la façade du Capitole à Toulouse. / Photo DDM Frédéric Charmeux
Une folklorisation du vocabulaire que regrette le Marseillais Médéric Gasquet-Cyrus qui reconnaît toutefois que dans un monde de plus en plus global il y a un réel besoin de local : "Il faut savoir qu’au-delà de cet aspect qui prête à sourire il peut exister une vraie discrimination quant à l’usage de certains mots, un peu comme avec l’accent. C’est ce que l’on appelle la glottophobie". Les différentes moqueries et remarques au sujet de l’accent du Sud-Ouest du Premier ministre Jean Castex, originaire de Vic-Fezensac dans le Gers, lorsqu’il a été nommé, en sont un exemple. Ce qui relance le débat sur l’existence ou non d’un "bon français", où certains mots du quotidien venus des différentes régions de France n’auraient pas leur place.
Y a-t-il un bon français ?
Pour les deux spécialistes de la langue française, tout comme pour Alain Rey qui faisait rentrer régulièrement des mots nouveaux dans Le Robert, bien parler français ne veut rien dire. Selon Mathieu Avanzi, l’important est de se faire comprendre. "Cette idée de mal parler vient surtout du fait que la langue française s’est construite sur un modèle littéraire aristocratique autour de l’Académie française", précise Médéric Gasquet-Cyrus.
Les mots de chez nous semblent donc bel et bien appartenir à la langue française. Pour Alain Rey, "ils sont une manière de ressentir le monde et nous-mêmes", a-t-il écrit dans la préface du livre de Mathieu Avanzi avant de disparaître.
(1) "Comme on dit chez nous", de Mathieu Avanzi aux éditions Le Robert (239 pages)
Une belle fournée de chocolatines / DDM
Quelle est votre expression préférée ?
Le débat chocolatine-pain au chocolat est de loin le préféré des Français. Il s’invite au quotidien dans les boulangeries du pays. "Lorsque je suis dans le Nord et que j’achète une chocolatine, j’emploie volontairement ce mot pour voir les réactions, avoue la Toulousaine Brigitte. Par contre, gourmandise oblige, s’ils ne veulent pas me servir, je cède et leur demande un pain au chocolat."
Une fierté du terroir
Comme cette Sudiste, les différences linguistiques régionales amusent l’ensemble des citoyens. À l’image de la poche, aussi appelé sachet ou sac. Lorsque Marianne, Parisienne d’origine, s’est installée dans le Sud-Ouest, elle a découvert que le mot "poche" était utilisé autrement que pour évoquer celles de son pantalon.
Pour tous, ces différences renforcent l’identité régionale
Mathieu, originaire du Tarn, trouve agréable d’entendre d’autres expressions que les siennes lorsqu’il traverse les départements français. "Avec mes amis de Bordeaux, on se chambre beaucoup avec les mots "au taquet", bien de Toulouse, et "gavé", typiquement de Bordeaux."
"Dans les familles aussi, les expressions se transmettent. Ma grand-mère et mon père, qui sont Béarnais, disent souvent "a bisto de nas" et j’avoue que moi aussi je l’utilise", confie Charlotte, qui vient de quitter le sud de la France pour s’installer dans le nord du pays et qui découvre un tout autre vocabulaire et un tout autre accent. La jeune femme s’amuse aussi de ce régionalisme avec ses amis parisiens : "La plupart ne connaissent pas du tout ces mots".
Les proches de Thomas sont originaires du Sud-Ouest. À la maison, "bouducon" ou "miladiou" sont des expressions de la région très familières à l’oral.
Dans le Tarn, «Le petit espanté» vous invite à fousiquer et poutouner / DDM, MPV
Des mots typiques dans tous les coins de l’Hexagone
Dégun : le mot marseillais qui signifie “personne, aucun être humain” a fait son entrée dans l’édition 2017 du Petit Robert. C’est un mot occitan, altération de l’ancien occitan negun et du latin nec unus (“pas un”). Le mot a été popularisé par l’expression typique de Marseille et des supporters de l’OM : “On craint dégun”.
Cagouille : ce mot qui désigne les escargots vient de la région des Charentes. Cagouille est proche de l’ancien occitan “cogolha” issu du mot latin “conchylia”. Les habitants des deux Charentes sont d’ailleurs surnommés les “Cagouillards”.
Kenavo : le mot breton signifie en français “Au revoir”. Il est si populaire qu’il est aussi utilisé par les gens qui ne parlent pas le breton.
Biloute : au sens premier, le mot signifie “copain” dans le nord de la France mais il désigne aussi le sexe masculin. On a beaucoup entendu ce mot dans le film Bienvenue chez les Ch’tis.
Nareux : désigne dans le nord-est de la France une personne qui éprouve facilement du dégoût envers tout ce qui touche à la propreté de la table, de la nourriture et de l’hygiène en général. Le mot est issu sur latin “naris” (“narine”, “nez”).
Les marchés locaux ont l'accent et le parler du terroir / DDM
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