Graulhet ville d'artistes

13/11/2017



Publié le 12/11/2017 à 10:40  | La Dépêche du Midi |  V.V

Graulhet ville d'artistes


La place du Jourdain comme une salle de spectacles à ciel ouvert / Photo DDM, J-C C.

Graulhet, ce n'est pas que du cuir et du rugby. Il y a, caché dans d'immenses anciennes mégisseries ou d'anciens locaux de stockage, de nombreuses compagnies artistiques. Elles sont plus d'une trentaine venue s'installer ici pour profiter de l'espace et des prix d'achat défiant toute concurrence. Allons à la rencontre de quatre d'entre elles. Les Plasticiens volants, pionniers dans leur venue dans la cité et à la réussite internationale. La compagnie Pistil qui depuis des années propose des spectacles mais aussi des cours de cirque aux plus jeunes, tout en s'investissant dans la vie culturelle locale.

Enfin le clown et crieur de rue Camille Latteux et la troupe de cirque Cabriole qui sillonne la France avec ses différents spectacles. Quatre histoires, quatre trajectoires mais un seul lieu de résidence, Graulhet. Que le spectacle commence.


Les Plasticiens volants : la reconnaissance internationale



«Je pense que l'on a été les pionniers ici à Graulhet, en rachetant cette immense mégisserie qui était totalement abandonnée.» Philippe Juquin est chargé de production au sein des Plasticiens volants. Trente ans qu'il roule sa bosse pour la compagnie. «Au tout début, on était à Lavaur, pas très loin de Royal de Luxe avant qu'il ne parte vers Nantes. Très vite, avec la fabrication de nos immenses gonflables, on s'est retrouvé à l'étroit.» Il fallait partir. Avec le fondateur Marc Miralès, aujourd'hui à la retraite, la petite troupe part à la recherche d'un nouveau lieu. Toulouse ?

«C'était assez compliqué. Le prix, les locaux, la volonté municipale. Pas vraiment le lieu adéquat.» À force de recherche, les Plasticiens débarquent à Graulhet et tombent sur cette immense mégisserie. «4 000 m2 au sol de bâtiment sur un terrain d'un hectare pour un prix dérisoire. Nous nous sommes dits on fonce, même s'il y avait des travaux énormes à réaliser», renchérit Philippe Juquin.


La compagnie investit les cieux, places et rues des villes des cinq continents avec ses créatures gonflables volantes extraordinaires / Photo DDM

L'aventure graulhétoise des Plasticiens peut commencer.Nous sommes fin 1998-début 99. Et quelle aventure. Aujourd'hui, la compagnie et ses spectacles autour d'immenses gonflables, volants ou non, ces marionnettes géantes qui survolent le public, manipulées à partir du sol par des comédiens, ont un succès fou à travers le monde.

«Cette notoriété internationale, on l'a acquise grâce à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Barcelone. Avant, on ne travaillait que pour la France et l'Espagne. Et là, grâce à une compagnie catalane qui connaissait notre travail, on a pu concevoir un spectacle pour les Jeux.» Depuis, les Plasticiens font le tour du monde.. «On a été retenu depuis, trois fois pour les Jeux. À Sydney, Sotchi et Rio. Dans les bureaux, l'ambiance est studieuse. C'est le cas aussi au rez-de-chaussée, dans la salle de couture. 


«Little Nemo un slumberland» 

«Ici, on a dû casser des murs pour faire rentrer de la lumière et créer des fosses pour que les couturiers puissent travailler correctement sur les grandes pièces.» Ce sont les seules pièces chauffées. «Les hangars sont bien trop grands», sourit le chargé de production. Et c'est vrai qu'ils sont très grands, permettant de déployer les immenses gonflables de la compagnie. «Aujourd'hui, les techniques ont évolué, avec l'aide de l'informatique mais aussi de témoins miniatures en bois qui nous permettent de percevoir parfaitement le rendu grandeur nature, on peut créer des gonflages de plus en plus difficiles techniquement.

Dans l'atelier, les héros du spectacle «Little Nemo in Slumberland» sont en sommeil avant de repartir en tournée vers Châteauroux et la Fête des Lumières à Lyon.
La petite entreprise est devenue grande avec 5 permanents et plus de 20 intermittents. Avec toujours comme port d'attache ces spacieux bâtiments graulhétois.


L'école de cirque de la compagnie Pistil



À Graulhet, tout le monde connaît Pistil. Normal. De toutes les compagnies installées dans la cité, elle est celle qui s'investit le plus dans les projets culturels locaux. Carnaval, festivals, Rues d'Été, spectacles. Cette volonté de voir la culture s'inviter partout, est insatiable malgré les ans qui passent. Cette histoire a commencé autour de Muriel Garin et Bruno Gauert. Élèves à l'école de cirque de Nanterre, ils arrivent dans cette grande mégisserie de la rue Pierre-Boulade en 2001.

«Comme beaucoup d'entre nous, on est venu ici pour investir ces grands espaces pour un prix modeste. Ailleurs, on n'aurait jamais pu s'installer avec de telles surfaces», admet Muriel. Ils se sont fait une spécialité de proposer des acrobaties aériennes, trapèze, tissus. Des spectacles mais aussi la création d'une école de cirque. «C'était une volonté de faire découvrir cet art dès le plus jeune âge». Olivier Rouff fait partie de l'équipe depuis de nombreuses années. 


La compagnie de cirque Pistil en tournée à travers le Tarn avec son spectacle «Saluton». / Photo DDM

«Au départ, j'étais géomètre. Un jour, j'ai décidé d'être bénévole à Rues d'Été. Et puis, j'ai rencontré Pistil et je ne l'ai plus quitté.» Il ajoute : «Ici, les parents peuvent venir avec des enfants dès 2 ans. On leur apprend à se muscler, à prendre confiance en eux avec nos ateliers. Et ça fonctionne plutôt bien.» Le local peut accueillir douze élèves. «On reçoit des groupes d'Albi, Castres, des enfants d'instituts médico-éducatifs. Ce qui est sympa, c'est que très souvent, il est proposé un spectacle de fin d'année.» Un sacerdoce culturel pas toujours facile à gérer au niveau comptable. 

«Sans notre statut d'intermittent, on n'y arriverait pas», reconnaît-elle. L'inquiétude, c'est l'hiver, le froid dans cet immense endroit. «On voulait mettre des radians dans la salle, mais on nous a refusé des aides. C'est vraiment dommage», dit-elle avec un brin de tristesse. Mais le sourire revient vite. Il en faut plus à Pistil pour se décourager. Cette compagnie, ce n'est pas un simple boulot. C'est leur vie, le concept concret de leur philosophie de société.


L'art de la création de La Cabriole 



Dans la rue de l'artisanat, dans les locaux du cirque La Cabriole, ça bosse dur. «Nous sommes en pleine répétition de notre nouveau spectacle que l'on devrait présenter pour le mois de mai. C'est un très gros travail de préparation». Marie Guerrini avec Loïc Arnaud sont les piliers historiques de la compagnie. Formés comme Pistil à l'école de Nanterre, les deux artistes ont créé la structure en 2001. Eux aussi ont choisi Graulhet et ses grands espaces. 

«Cet entrepôt est idéal pour nous. On peut rentrer les camions, stocker le matériel. Et derrière, nous avons la place pour notre chapiteau. On ne peut pas rêver mieux. En plus, on a été bien accueilli par la mairie et la communauté de communes qui nous ont aidés pour nous installer», sourit-elle. Dans le chapiteau, Loïc et ses collègues font dans la bricole. «Ici, on fait tout de A à Z», rajoutent-ils.



Depuis 12 ans, la troupe en a fait des créations, des kilomètres.
«On aime jouer partout. Dans des banlieues, des villes, des villages. Notre travail , c'est de réunir les gens autour de notre spectacle et créer une vraie dimension humaine dans et autour de notre chapiteau. On aime lier notre cirque à la poésie des rapports humain. C'est notre philosophie de vie, de travail», annonce Marie qui s'est spécialisée dans l'acrobatie aérienne. 

Selon les spectacles, ils peuvent se retrouver à plus de 10 (pour le cirque Alea) ou à 2 dans une roulotte pour proposer «L'Échappée». Aujourd'hui, ils finalisent le projet de la «Caravane des songes» en collaboration avec Alchymère qui gère la Laiterie de Saint-Juéry. «On y travaille depuis 2015», sourit Marie. Allez, il est temps pour eux de reprendre le boulot. Le metteur en scène ne va pas tarder pour mettre en musique l'art fécond de la création de la Cabriole.


La vie rêvée de clown de Camille Latteux


Camille Latteux aime se déguiser./ Photo DDM, MPV.

«Eh oui. Je suis payé pour dire et faire des conneries. Ce n'est pas beau la vie?» Bienvenue dans l'univers de Camille Latteux, clown et crieur de rue de son état. «J'adore faire rire, même si on a toujours le stress de se planter, de louper le public , de faire un bide. Il faut un rythme, une histoire , ne pas lâcher le spectateur.» Entre ses spectacles et ses prestations comme crieur dans des manifestations, ça roule pour lui. «Un artiste qui se plaint, c'est pas normal». Ancien prof d'histoire en Seine-Saint-Denis «où on ne rigolait pas beaucoup», il décide de basculer dans l'artistique et de faire l'école de clown.

«Pour travailler à Paris, il faut avoir pas mal d'argent pour trouver un local un peu grand. Ce n'est pas mon cas». Alors il descend à Toulouse, Lavaur, Gaillac avant de tomber sur ce grand espace au cœur de Graulhet. «30 000 euros pour ce bâtiment, on ne peut pas trouver moins cher. 


Le cœur du marché de la place du Jourdain animé par Camille Latteux / Photo DDM

Certes, il a fallu faire des travaux, mais quand même.» Il s'est aménagé une salle de répétition, ainsi que son appartement. «Je ne pouvais rêver mieux pour travailler», avoue celui qui , durant quelques années, a été crieur de rue au marché de Graulhet. Il admet que ce n'est pas toujours facile «de vivre ici. Mais bon, y a pire. Je vis de mon travail et plus je fais le con, plus on me rappelle.» 

L'artiste aimerait bien que la ville fasse plus pour développer la culture «même si je sais que la politique est compliquée. Ici, il y a beaucoup de pauvreté. C'est normal que l'on pense à manger avant de se divertir.» Camille travaille aussi à un nouveau spectacle historico-comique sur 1348.
Puis il prendra sa voiture pour bosser sur Angoulême. Puis il reviendra. Puis il repartira. La vie rêvée du clown de province.


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