Découverte de la Laiterie Fabre à Viane

28/11/2016



Publié le 27/11/2016 à 09:43   | La Dépêche du Midi |   Vincent Vidal

Chez Fabre on affine le fromage dans un ancien tunnel ferroviaire

Dans le tunnel d'affinage  / Photo DDM

«Il faut être un peu fou, vous ne croyez pas ? Se prendre de passion pour un ancien tunnel ferroviaire de la ligne Castres-Lacaune, pour y déposer et affiner mes fromages.» Pas si fou que ça, Gilles Fabre. À Viane, sa laiterie est une institution. «C'est mon grand-père qui l'a créée en 1948. Puis ce fut au tour de mon père et de mon oncle. Aujourd'hui, c'est moi et ma femme qui tenonsles rênes.» 12 salariés polyvalents, un savoir-faire indéniable, en font la dernière laiterie des Monts de Lacaune. «Vous savez, aujourd'hui il en reste trois dans notre département qui en comptait une vingtaine il y a moins de trente ans.» La raison ? «A cette époque, le lait avait le vent en poupe. Alors, les grandes multinationales sont arrivées en force pour racheter tout ce beau monde et le mutualiser dans des grandes unités de fabrication.» Mais pas ici. «Non, pas à Viane», sourit le propriétaire.


L'équipe de la laiterie vianaise tout sourire d'avoir reçu une médaille de bronze au «Mondial du Fromage et des Produits laitiers» de Tours (2013) / Photo DDM

Gilles Fabre s'appuie sur un réseau de producteurs du coin. 18 exploitants pour être précis. «On joue la carte terroir. J'avoue que ça marche pas mal. Mais ça fonctionne pour les deux parties. Juste un exemple : l'été dernier, quand les grands groupes affichaient un prix moyen de 230 euros pour une tonne de lait, chez moi, c'était 400 euros. Ce n'est pas rien comme différence.» Le prix de la fidélité. «Nous faisons tous les fromages. Pasteurisé, cru, bio», ajoute fièrement Gilles, passionné par son difficile métier. «Le lait ne se stocke pas. Nous travaillons six jours sur sept pour faire la tournée et le transformer.»


La mise en moule des pains de caillé (2009) / Photo DDM

Travailler à Viane, loin des grands axes n'est-il pas un handicap ? «Aujourd'hui non. On joue sur ça. Sur la qualité de notre territoire, sur notre rapport privilégié avec la nature. Viane s'exporte bien. On fonctionne bien dans le Languedoc-Roussillon, cette région que j'appelle le désert du fromage. Ils adorent les productions artisanales comme la nôtre. Et puis, nous avons aussi notre boutique ici, à côté de la laiterie.» Parlons avenir.«Ne cherchez pas. C'est le bio. Ce n'est plus un phénomène de mode réservé aux bobos. Les courbes de progression sont impressionnantes. Chez Biocoop, il annonce 28 % de plus par an pour la fromagerie. Alors oui. Il faut progresser sur le bio. C'est le message que je n'arrête pas de faire passer aux agriculteurs qui travaillent pour moi.»


L'ancien tunnel séculaire du Petit Train est reconverti en une magnifique cave d'affinage pour fromages haut de gamme (2012) / Photo DDM

Mais revenons à ce fameux tunnel situé à 3 kilomètres de la laiterie.
«C'est une longue histoire. Tout a commencé en 2003. Nous sommes en plein été de sécheresse. Je me balade avec ma femme et là, je sens un courant d'air frais. Mon flair de fromager m'ordonne de savoir d'où il vient. Mais la végétation était si dense que je n'ai pas pu avancer vers la source».

Guidé par le député Philippe Folliot, le critique gastronomique Périco Légasse (au centre) s'est entretenu avec Gilles Fabre et a dégusté des fromages de la laiterie (2014) / Photo DDM, A. F.

Intrigué, il va en mairie quérir des informations.
«Le maire de l'époque Jean-Paul Mialhe, était aussi conseiller général. En lui racontant mon histoire, il me sourit et me dit qu'à cet endroit il y a un ancien tunnel ferroviaire de la ligne Castres-Lacaune.» Notre fromager est plus qu'intéressé. Gilles Fabre se met dans la tête d'acheter l'édifice. Question essentielle : à qui appartient cet ouvrage ? «Jean-Paul Mialhe est affirmatif. C'est la possession du conseil général.» Gilles part à Albi. «Leur réponse est sans ambiguïté. Ce tunnel n'appartient pas à la collectivité. -Bon mais à qui alors ?- On ne sait pas.»


L'archevêque d'Albi visite la laiterie : dans l'ancien tunnel du Petit Train, transformé en cave d'affinage de la laiterie Fabre (2015) / Photo DDM

L'affaire se complique. «Je retourne voir le maire de Viane qui ne comprend pas.» Au sein du conseil général, une enquête est lancée. «9 mois plus tard, la réponse tombe. Une partie appartient à la commune de Viane, une autre à celle de Lacaze, une troisième au conseil général. Pour corser le tout, deux parcelles au-dessus du tunnel sont la possession d'agriculteurs différents. Tout ça pour 200 mètres de long et 5 mètres de large.» Le temps passe. Changement de municipalité, nouveaux dossiers à remplir. «Je suis têtu», sourit-il. Enfin, l'offre d'achat est acceptée par l'ensemble des propriétaires. Gilles Fabre devient le boss du tunnel.


Christine Fabre, cogérante de la laiterie Fabre, a reçu le trophée 2015 Tarn Entreprise de la part d'un responsable du pôle industrie de la CCI. (2016) / Photo DDM, A. F.

«L'objectif était d'affiner les fromages au lait cru, pour qu'ils vieillissent dans les meilleures conditions possible.» Un énorme système de ventilation est installé. Les lumières sont mises. Un petit espace dégustation voit le jour. La laiterie Fabre peut commencer à stocker. «Dans ce lieu, on peut accueillir 80 tonnes. Le fromage arrive dans des poches sous-vide avant d'être déposé sur des étagères d'épicéa.»


Que de chemin parcouru depuis l'été 2003 où, lors d'une promenade dominicale, Gilles et son épouse Christine apprécient la fraîcheur de ce lieu (2014) / Photo DDM

L'opération s'avère intéressante. «Nous avons fait des tests à l'aveugle entre des fromages affinés dans cet espace original et ceux que nous déposons dans nos pièces classiques.» Le résultat ? «Le développement aromatique est meilleur dans le tunnel. Mais les raisons exactes, je ne les connais pas vraiment.»
Une visite guidée de l'ouvrage est même organisée deux fois par semaine durant l'été.


Dans l'unité de production / Photo Montagne Haut-Languedoc


Retour à la laiterie. Yannick Viala, l'un des deux fromagers de l'entreprise, nettoie l'unité de production. «Ici, les règles sont strictes pour qu'aucune bactérie ne pollue notre circuit. Quand on fait du fromage, le stockage n'est pas possible. Alors tout est organisé pour qu'entre la collecte et la transformation, le temps soit le plus court possible.»


Tout en continuant de développer leur gamme de fromages bios, les responsables de l'entreprise vianaise ont créé une nouvelle société pour fabriquer des yaourts bios (2014) / Photo DDM

À l'étage, le patron multiplie les réunions. L'homme continue à penser à l'avenir, à concrétiser de nouvelles idées.
«À Lacaune, j'ai investi dans une nouvelle entité, indépendante de la laiterie, pour la construction d'une usine de fabrication de yaourts. Là aussi, je veux proposer un maximum de gammes de bio. Je le répète. C'est là que se situe notre avenir.»

Une tomme pur brebis / PhotoMontagne Haut-Languedoc

Une autre idée lui tient à cœur. «Je vais racheter un deuxième tunnel. Cette fois-ci sur la commune de Lacaze.» Pour faire quoi ? «Relancer le fromage bleu dans la région.» Ce projet pourrait voir le jour assez rapidement. Gilles Fabre s'y voit déjà. Preuve que grâce à cette idée un peu folle d'un jour d'été 2003, on fait les meilleurs fromages.


Le stand de la Laiterie à la fête de la charcuterie de Lacaune (2016)
 

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