Cagnac les Mines : Ils étaient les gueules noires du Tarn

26/3/2015
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Publié le 22/03/2015 à 06:52  | La Dépêche du Midi |  Par Sabine Boudou-Ourliac

Ils étaient les gueules noires du Tarn

Six anciens mineurs (dont Elisée et Stan) au travail dans les futures galeries du Musée / Photo DDM DR

Elisée et San ont commencé à travailler à la mine de Cagnac à l'âge de 16 ans. Au moment de la fermeture du bassin, ils ont décidé de créer un musée. Lequel accueille actuellement une exposition de photos d'Aimé Malphettes, un autre mineur. Rencontres.
Avec le temps, Elisée et Stan sont devenus «frères» de mine. Même après la fermeture de sites houillers de Gagnac-les-Mines en 1979 et de Carmaux en 1987 où ils ont travaillé, les deux hommes, aujourd'hui âgés respectivement de 79 ans et 76 ans, partagent toujours la même complicité. C'est à croire qu'être mineur de fond crée des liens indéfectibles.

Au temps de la mine, la foire de la Sainte-Barbe à Carmaux constituait un événement incontournable pour toute la population. / Photo DDM

Elisée, 33 ans de mine
Elisée Roumegoux est entré à la mine de Cagnac en 1952. «J'ai commencé à l'âge de 16 ans par une formation de piqueur qui m'a donné à la sortie un CAP», annonce-t-il. Le piqueur ? C'est celui qui abat le charbon, autrement dit qui arrache le minerai à la veine. En 1952, les mineurs travaillent encore à l'ancienne avec le marteau-piqueur. «On était par deux, un ancien qui faisait le soutènement et un jeune qui chargeait. Il fallait remplir des wagonnets de 500 kg, on était payé au rendement, les meilleurs pouvaient tripler leur journée. » Elisée a interrompu sa carrière à la mine pour aller «faire» l'Algérie. «Je suis parti en 1955 et j'ai été rappelé par les Mines en 1956 car on manquait de charbon pour les industries.»

Elisée retrouve alors son poste de piqueur. 
Puis, dans les années 60, il suit une formation d'électromécanicien et devient mineur de jour. Il assure la surveillance, l'entretien et le dépannage des machines et les installations au fond de la mine. «C'est ce qui m'a sauvé. J'ai arrêté de manger le bruit et la poussière apportés par la mécanisation folle des années 50. J'ai échappé aussi à la silicose, la maladie du mineur», reconnaît Elisée, plutôt fringant à l'orée de ses 80 ans. Mais il confie qu'à cause des nuisances sonores, ses «oreilles sont restées dans le noir.» Elisée a pris sa retraite en 1987, «après 33 ans de mine».

Des visiteurs du "Musée de la mine" à Cagnac-les-Mines, près de Carmaux. / Photo DDM Eric Cabanis - AFP

Une école pour les Polonais
La vie à proximité des bassins houillers du Tarn dans les années 50-60, c'était quelque chose ! En 1951, on comptait 3 850 mineurs de fond sur les sites de Carmaux et Cagnac. «Ici, à Cagnac, on avait neuf puits. Moi, j'étais au puits numéro 3, je travaillais avec des collègues qui étaient déjà mes copains à l'école. Du primaire à la mine, on se suivait. Il y avait une grande camaraderie entre nous.»

Tout cela produisait de la vie dans le village : «On avait cinq ou six bistrots, cinq épiceries, quatre coiffeurs, et une école polonaise prise en charge par la Mine».
Car après la Première Guerre mondiale, les mines manquant de main-d'œuvre font appel aux Polonais. C'est ainsi que le père de Stanislas Swiatek, dit «Stan» est arrivé à Cagnac en 1929, et sa mère en 1937. «Ils se sont mariés ici.» Le couple vivait dans la cité des Homps, constituée de maisonnettes identiques. Stan est né à Cagnac, en 1939, et comme Elisée, il est devenu mineur à 16 ans.

Le Musée de la Mine à Cagnac les Mines / Photo DDM

«Nos amis les rats»
Les mineurs de fond descendaient le matin et remontaient le soir. A midi, ils tiraient deux planches à même le charbon pour casser la croûte. Leurs musettes étaient en fer pour éviter que les rats ne les grignotent. «Oui, des rats il y en avait au fond et c'était nos amis», explique Stan. Ils mangeaient nos déchets et nous avertissaient des dangers. La mine pouvait se montrer redoutable : éboulements, accidents avec les machines, coups de grisou – comme celui du 22 juin 1965 à Carmaux qui a fait 13 morts – pouvaient frapper à tout moment. «Je n'ai jamais perdu de copains à la mine, au contraire j'en ai gagné ! Cinq d'entre eux m'ont aidé à faire le musée», se réjouit Elisée. En effet, après la fermeture de Cagnac, il propose à ses camarades de reconstituer une galerie, «puis on s'est pris au jeu, on a fait un musée. On voulait sauvegarder notre patrimoine minier !»

Comme tous les mineurs, Elisée et Stan avaient un matricule, 25 881 pour le premier et 28 663 pour le second, «comme au bagne», plaisante Stan. La comparaison s'arrête là. «Redonnez-moi mes 20 ans et je retourne à la mine», conclut Elisée, sans l'ombre d'un regret.
«Je travaillais avec des collègues qui étaient déjà mes copains à l'école. Du primaire à la mine, on se suivait.»

Anciens mineurs au musée de Cagnac. / Photo DDM

Le charbon, une histoire en noir et blanc

À quand remonte l'exploitation du charbon ?
«En France, au Moyen-Âge, au début du XIIIe siècle plus précisément. L'exploitation du charbon a commencé avec les paysans qui se sont mis à le glaner quand il affleurait dans les champs. Dans le Tarn, on a exploité le charbon au milieu du XIIIe. Un document de 1295 atteste du fait que les paysans du Ségala venaient vendre leurs charretées de charbon aux habitants d'Albi. Pour cela, ils devaient obtenir un droit de passage sur le Vieux Pont d'Albi. Jusque dans les années 30, les mineurs étaient aussi paysans. La mine venait en complément de revenus.»

Où se trouvaient les veines de charbon dans le Grand Sud et en France ? 
«A Carmaux et Cagnac pour le Tarn ; à Decazeville et Cransac pour l'Aveyron. Dans le Gard, on trouve du charbon à Alès. Puis, il y a aussi Saint-Étienne, Forbach et Lewarde pour le Nord.»

À quoi servait le charbon ? 
«Il avait un usage domestique, il servait à se chauffer. Il fournissait aussi de l'énergie pour les usines et les locomotives. On transformait aussi le charbon dans les cokeries pour obtenir de l'huile, du minerai brut, de la houille…» .


Dans le Bassin de Decazeville, le charbon fut exploité en creusant des galeries souterraines et à ciel ouvert. C'est à Firmi que l'on exploita en premier la houille à l'aide de découvertes / Photo DDM

Quels sont les différents types de charbon ? 
«Ce qui différencie les différents bassins, c'est la teneur en houille. Dans le Tarn et l'Aveyron, on avait un charbon moyen de gamme. Les meilleurs charbons, les plus gras, se trouvaient dans le Nord de la France, mais ils étaient difficiles à exploiter car les veines étaient très profondes. On pouvait descendre jusqu'à 3 kilomètres, les galeries étaient très dangereuses. Tandis qu'ici à Cagnac, les veines de charbon étaient assez superficielles peu profondes. Le puits le plus profond était à 283 mètres.

Quelles sont les causes du déclin du charbon français ? 
«L'arrivée sur le marché de charbons plus compétitifs notamment d'Europe de l'Est. De plus, c'est une énergie très polluante. Dans les années 60, le plan Jeanneney (1964) vise à abandonner les énergies traditionnelles.»

Le charbon a-t-il fait naître une identité ouvrière ? 
«Oui, puisque les bassins houillers en manque de main-d'œuvre ont dû faire appel à différentes nationalités : Polonais, Espagnols, Italiens. Pour loger ces ouvriers, on a construit des cités ouvrières dont celle de Homps à Cagnac, celle de Bellevue à Carmaux, celle de Fontgrande à Saint-Benoît-de-Carmaux. Le fait de loger toutes ces personnes ensemble a contribué à tisser des liens. De même que le fait de descendre ensemble au fond de la mine a fait naître des solidarités ouvrières.»

Qu'est-ce qui change par rapport aux solidarités des bassins du Nord ? 
«La taille simplement. Dans le Nord, il y avait des communautés plus importantes. Les corons s'étendaient à perte de vue.»

Wagonnets de la mine / Photo DDM

Voir la mine avec Aimé Malphettes
Le musée-mine départemental de Cagnac, près d'Albi, dans le Tarn, propose jusqu'au 4 décembre, une exposition de clichés inédits pris par Aimé Malphettes, photographe des houillères. Mineur de fond jusqu'en 1958, Aimé Malphettes se fera ensuite le témoin privilégié de la vie des mineurs du bassin tarnais jusqu'à sa retraite en 1987. Il nous livre un très beau travail de mémoire !
Le musée-mine de Cagnac, c‘est aussi : 350 m de galeries reconstituées où machines et outils sont présentés en situation afin de mieux comprendre le travail du mineur et ses conditions de vie ; une exposition permanente sur l'histoire du bassin, des films, etc.

En ce moment, le musée est ouvert du mardi au samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 17h . Tel. 05.63.53.91.70.


Visite du musée de la mine avec la découverte des galeries reconstituées. / DDM  E.C.

Amoureux de la mine
Voici un autre amoureux de la mine ! Fils et petit-fils de mineurs, Patrick Garcia est né dans la cité ouvrière de Bellevue à Blaye-les-Mines. A 58 ans, il se définit comme «pur produit charbonnage». Patrick commence à travailler à Carmaux en 1976. Il y restera jusqu'à la fermeture, en 1987. Puis, il est parti en Inde pour vendre la méthode des chambres sous-tirées inventée à Cagnac. Il est aujourd'hui détaché à Cap Découverte. Quand il parle de la mine, c'est avec les tripes. «La mine, c'est plus qu'un métier, c'est une vie. Je nous compare souvent à des marins. On est tous dans la même barque. Le mot fraternité est très important . On remet sa vie dans les mains de l'autre. Certes, les machines ont simplifié le travailleur des mineurs mais la mine sans l'homme n'est rien.» Comme Elisée et Stan, Patrick Garcia essaie de réhabiliter l'image du mineur et il préside l'ASPICC, l'association de sauvegarde du patrimoine industriel Carmaux-Cagnac.

Par Sabine Boudou-Ourliac (Attachée de conservation, chargée de la gestion scientifique des collections du musée départemental de la mine de Cagnac).


Visite d'une galerie dans le musée de la mine de Cagnac./ Photo DDM, Emilie Cayre.
 

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Commentaires :

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  • RAFFI ROBERT dit :
    25/1/2017 à 22h 37min

    VORES CITE EST TRES BIEN CERTE MAIS JAI BEAU COURIR LE CITE NE NE VOIE AUCUNE IMAGE DE PAPA DECEDE LE 22 06 63 ON PARLE DE CAGNAGNAC TARN ET ON FAIT REFERRANCE A CARMAU EN RAPPORT A PAPA JE SUIS NE LE 28 12 63 PLEIN DE GEANS ME CONAISSE A CAGNAC VIVE LES GUEULE NOIRE FIER DE LETTRE

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