Grand Sud : Paysans, le grand malaise

4/11/2014

   Grand Sud : Paysans, le grand malaise  

Publié le 27/10/2014 à 08:07  | La Dépêche du Midi |  Philippe Rioux

Paysans : le grand malaise

Du fumier a été déposé devant la perception de Lavelanet par des agriculteurs ./ Photo d'illustration DDM P. S.

La guerre des prix dans l'agroalimentaire avec la grande distribution, le poids de l'embargo russe, la réglementation sur les nitrates, le prix du lait, etc. Le monde agricole est confronté à de multiples dossiers qui contribuent à un malaise persistant. Aujourd'hui, c'est l'alarme pour les paysans.

L'année dernière, nous publiions une étude édifiante sur le moral des agriculteurs et la façon dont ils perçoivent leur métier et leur place dans la société (cf. infographie ci-dessous). Sentiment de voir son métier dévalorisé, difficulté croissante d'exercer son activité d'exploitant agricole, poids des contraintes administratives, environnementales et pression financière et économique. La coupe est pleine pour les quelque 600 000 exploitants agricoles français dont certains sont gagnés par le désespoir. Une étude de l'Institut de veille sanitaire (INVS), publiée en octobre 2013, a compté près de cinq cents suicides d'agriculteurs sur trois années (2007, 2008 et 2009).

Un an plus tard le malaise persiste dans le monde agricole, confronté à de nouvelles difficultés.


Des fumées noires toute la journée à Agen, le signe de la protestation agricole (octobre 2014) ./Photo d'illustration DDM M.C.

Pollution aux nitrates et embargo russe
Celle par exemple due à l'extension des zones protégées contre les nitrates. L'abaissement prévu du seuil de nitrates autorisés dans l'eau, de 40 mg/litre à 18 mg ferait, par exemple basculer en zone vulnérable 1 635 communes supplémentaires du bassin Adour Garonne. Impensable pour les agriculteurs qui ont manifesté en masse mi-septembre.

Autre difficulté, celle arrivée avec la crise en Ukraine. En réplique aux sanctions décidées contre la Russie par la communauté internationale, Vladimir Poutine a décrété un embargo d'un an sur des produits agroalimentaires occidentaux. Certes les exportations françaises vers la Russie ne représentent que 0,45 % (selon les chiffres en 2013), soit 750,4 millions d'euros, mais en période de crise, cela n'est pas négligeable. La France exporte vers la Russie pour 125 millions d'euros de viandes, 102 millions d'euros de lait.

Le lait, voilà aussi un sujet d'inquiétude pour le monde agricole. À quelques mois de la suppression des quotas laitiers, les producteurs ont mis en garde leurs entreprises laitières, privées ou coopératives : pas question d'être les grands perdants de la guerre des prix. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, devrait se saisir du problème prochainement.

Le gouvernement est particulièrement attentif à la guerre des prix à laquelle se livrent fournisseurs et producteurs. Les discussions entre les deux parties, réunies jeudi dernier, se déroulent pour l'heure dans un climat apaisé, ce qui n'a pas empêché le gouvernement de saisir l'Autorité de la concurrence.


/ Document DDM

Garanties du gouvernement
Le ministre de l'Économie Emmanuel Macron souhaite avec cette saisine «demander un avis à l'Autorité de la concurrence» concernant les récents regroupements de centrales d'achats dans la grande distribution «pour que l'esprit de transparence règne». «Ce ne sont pas des concentrations donc il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure» mais «il faut être vigilant (…) pour s'assurer d'une parfaite transparence dans l'application de la loi», a-t-il déclaré.

Le gouvernement a par ailleurs annoncé qu'il allait mettre en place un comité de suivi concernant notamment l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a déclaré que le CICE devrait «être employé pour l'emploi et pas pour la guerre des prix», tandis que le Premier ministre Manuel Valls appelait les grandes enseignes à «jouer le jeu du patriotisme économique». Des positions de l'exécutif appréciées.

«Si les discours politiques récents du Gouvernement vont dans le bon sens, celui d'un réalisme économique et d'un volontarisme politique, ils ne seront effectifs qu'avec des actes rapides et courageux», estime la FNSEA, premier syndicat agricole. «Il faut libérer l'entreprise agricole France. Elle étouffe de règlements tatillons, de normes intempestives, de circulaires inappropriées, de règles environnementales qui – par leurs excès et leur dogmatisme – ne protègent ni la nature, ni les hommes qui vivent avec.» C'est pour rappeler tout cela que les agriculteurs seront dans la rue le 5 novembre prochain.


Publié le 27/10/2014 à 08:45 | La Dépêche du Midi |  Pierre Challier

«Cette année, c'est la descente aux enfers»


Cédric Teyssou a dû détruire 80 tonnes de sa production de pommes de terre. Un crève-cœur pour ce jeune agriculteur et sa famille.Photos DDM/ P. C.

Sur la table de la cuisine, Cédric Teyssou referme son carnet. Range le stylo. Et repousse la calculette. «Justement, j'étais en train de faire les comptes…», commence-t-il, tandis que s'asseyent Thérèse, sa mère, Rose, sa grand-mère et bientôt Lucien, son père.

Mains qui ne savent pas rester sans rien faire et cherchent une contenance… Si l'on s'autorise les bras croisés sur la toile cirée, ce matin, ce sera juste le temps de mettre des mots sur le mal. «Cette année, c'est la descente aux enfers sur toutes les productions», résume d'une phrase la discrète Thérèse, 55 ans.

Le colza, une culture à plusieurs utilisations /Photo d'illustration DDM

«Ce jour-là j'ai ressenti de la rage»
90 hectares mis en culture… «dont 63 de maïs, 10 de blé et 6 de colza»… La boule encore dans la gorge, Cédric, 29 ans, précise : «pour 2014, j'avais aussi 8 ha de pommes de terre avec une récolte à se mettre à genoux, pratiquement 360 tonnes. Quand nos pommes de terre primeur sont arrivées fin juin sur le marché, les prix étaient déjà très bas. Le Nord avait déstocké son surplus de l'an dernier conservé dans des frigos azotés et on était en concurrence avec la production d'Israël, d'Égypte et de Grèce… On a commencé à 20 cents le kilo puis ça a très vite chuté à 8 cents. Finalement, j'ai dû enterrer 80 tonnes de pommes de terre alors que des gens crèvent de faim ! Ce jour-là, j'ai ressenti plus que de la haine, de la rage. Dans les grandes surfaces par contre, la primeur était toujours au même prix, 1,20 €, 1,30 € Chez nous au groupement, on est une vingtaine et on nous avait demandé d'en produire sur 50 ha. On a tous dû faire pareil et dans la vallée du Dropt à côté aussi. En tout, ce sont des milliers de tonnes qui ont été jetées et personne n'en a parlé…»

Ici ? Sur cette ferme de Fauillet, commune jouxtant la Garonne dans le Marmandais, trois générations racontent la pauvreté d'après guerre puis l'âge d'or avant ce temps de plomb. Maîtresse femme, Rose, 79 ans, se souvient de la fille d'émigré italien qu'elle était, «domestique en 1954, à 100 francs par mois. La polio à 8 ans, ça ne m'a pas empêché de travailler tous les jours et c'était la misère.» Jusqu'à ces années soixante où des patrons sans enfants lui ont laissé la ferme, à elle et son mari.


Le prix du maïs s'est effondré et la pomme souffre de l'embargo sur la Russie. / Photos DDM  P. C.

Obligé d'emprunter 60 000 €
«Nos dix vaches couvraient tous les frais et le tabac pour les Gauloises, à Tonneins, nous dégageait le bénéfice. Il m'a payé la maison avec le confort moderne et mon mari payait comptant le tracteur» poursuit Rose. Mais «où sont ces années-là ?», interroge alors Thérèse, 55 ans, qui a commencé à travailler à 14 ans lorsqu'ils se sont lancés dans la tomate.

La volaille, le cochon, le jardin… «On ne faisait pas des pleins chariots de courses. Le samedi, je partais avec trois ou quatre lapins et ça nous payait les côtelettes et le bouilli du dimanche», sourit Rose. «Comme Cédric voulait s'installer, on a investi et on a ajouté la fraise», enchaîne Thérèse. Dehors, les serres et 50 ans de matériels témoignent que les sous, c'était d'abord pour la terre…

Les moissonneuses-batteuses en pleines moissons / Photo d'illustration DDM. Nedir Debbiche

«L'Europe, c'est une chose. Mais c'est l'euro qui a fait plonger la campagne. La baguette à 1 € : 6,55 francs ! Alors qu'on ne touche presque rien», juge Rose. Cédric reprend ses comptes. De 240 € le quintal en 2012, le blé est tombé à 170 aujourd'hui. Le maïs ? à plus de 200 € l'an passé, «il est à 100». «Un hectare de pommes de terre, c'est 6 000 € d'investissement, 600 à 700 pour le blé, environ 1 100 pour le maïs, mais avec la spéculation sur le marché des céréales, ce n'est plus de l'agriculture, c'est du poker» constate Cédric. Bilan en ajoutant les emprunts et le gasoil ? «Si je veux redémarrer en 2015, je suis obligé d'emprunter au moins 60000€» a-t-il calculé.

«Centrales d'achat», «marges arrières», «grande distribution», «racket» : leitmotiv aussi de leur révolte comme leur travail n'est plus payé, «alors qu'on ne compte pas nos heures». Et mal être qui va bien au-delà. «Enterrer des pommes de terre, vous vous rendez compte !» s'insurge de nouveau Rose, qui n'a pas oublié la faim, autrefois. «Là, j'étais au plus bas», reconnaît son petit-fils mais pour ajouter, «notre terre, on l'aime, on redémarrera».

Élevage bovin en Comminges / Photo d'illustration DDM

Solidarité familiale qui permet de tenir quand d'autres, isolés, et de plus en plus nombreux craquent, notamment chez les éleveurs ou les producteurs laitiers dont le revenu s'est effondré, «parce que côté charges, carburant, assurances, semences, tout a doublé en 10 ans… à Gontaud, M. s'est suicidé. Quand on est venu lui prendre les vaches, il n'a pas supporté», rappelle Cédric à son père, prévenant, que «chez tous, la colère risque d'exploser en fin d'année».

La colère… «ça… entre les contraintes administratives, le flicage des agriculteurs, les nouvelles restrictions nitrates et les prix, faudra pas s'étonner si ça dégénère», convient Gilbert Dufourg, maire de Fauillet, lui-même agriculteur qui voit aussi menacée l'entreprise locale de matériel agricole et ses emplois, «puisque plus personne n'achète.»

Tarn-et-Garonne : Les pommes victimes de l'embargo russe /photo d'illustration DDM, Ch. Longo

Dernier des Mohicans
«Produire pour détruire, c'est insupportable, c'est contre la raison d'être du paysan, ça l'ébranle au plus profond et on a aussi détruit de la tomate, de la salade et la fraise s'est effondrée au bout d'un mois et demi quant au melon, on a arrêté de le ramasser», énumère à présent Raymond Girardi, secrétaire général du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), vice président du Conseil général du Lot-et-Garonne et adversaire de la grande distribution. «Mais ce marasme sur toutes les productions avait commencé avant l'embargo sur la Russie. Comment le petit producteur peut-il lutter avec sa palette de tomates quand les centrales se concertent pour acheter un cargo du Maroc, d'Espagne, voire de la tomate de Pologne et qu'elles imposent ensuite leur prix à 0,20 le kilo ?» interroge-t-il.

Grossir pour être concurrentiel sur les volumes, donc emprunter pour investir, donc se fragiliser en s'industrialisant et faire de plus en plus de travail mais de moins en moins son métier… En fait… «Le paysan ne les intéresse qu'en tant que dernier des Mohicans pour tromper le consommateur sur l'affiche», pense plus d'un agriculteur de Midi-Pyrénées ou d'Aquitaine.

Entre la météo, l'embargo russe, l'impact de la nouvelle PAC et le ralentissement de l'industrie, les responsables du secteur agricole en France énumèrent les clignotants passés au rouge vif / Photo d'illustration AFP, Pascal Pavani

Vergers le long de la 113, pommes rouges et or… Dans le Tarn-et-Garonne, Bernard, 53 ans, produit toutes les espèces fruitières. Mais il refuse de stigmatiser les seules grandes surfaces. «Il y a aussi la météo, les investissements trop importants», pointe-t-il. Seulement la fuite en avant vers l'industrialisation et ses gros volumes, premières victimes aussi de l'embargo russe, lui a clairement dit «non». Désormais ? «J'ai fait le choix de miser sur une surface modeste et la vente directe». La loi du marché ? C'est aussi aux agriculteurs et aux consommateurs de la changer, sans intermédiaires, se dit un nombre croissant d'éleveurs, de producteurs.


Publié le 27/10/2014 à 08:05  | La Dépêche du Midi |  Recueilli par Ph. R.

Jean Viard : «Il faut dire que l'agriculture porte en elle les métiers du futur»


Jean Viard, sociologue, directeur de recherches au CNRS et au Cevipof / Photo DDM

Embargo russe, mauvaise météo, importations destructrices, guerre des prix. Le malaise du monde agricole est-il à son comble ?
Cela dépend des secteurs. Le cœur du malaise, c'est quand même l'élevage. Si on regarde là où il y a des suicides, on voit que l'essentiel se passe chez des éleveurs. D'une part il y a un problème économique et d'autre part, dans nos sociétés, l'élevage est un travail 7 jours sur 7. On ne s'arrête jamais. L'exploitation d'élevage est donc encore plus difficile que d'autres activités. A la limite des paysans peuvent partir en ville chercher un autre boulot à temps partiel ; il y a des solutions de survie. Mais les éleveurs, ex ne peuvent pas. C'est un problème terrible parce qu'ils sont coincés. Il y a là un cœur de souffrance sociale, qui, selon moi, peut remettre en cause dans le long terme l'élevage familial. Après, il y a eu une mauvaise conjoncture sur le blé. Il y a enfin l'effet de l'embargo russe qui pèse.

Une ensileuse à maïs dans un champ./Photo d'illustration DDM

La FNSEA parle de burn-out, d'overdose, de chemin de croix pour exercer son métier d'agriculteur. Il n'y a donc pas que des problèmes économiques ?
Les agriculteurs ne se sentent pas complètement compris. On a produit une société de normes, de règles, de règlements depuis 25 ans, et on s'est pris les pieds dedans. A un moment, il y a overdose. J'ai tendance à penser que depuis la décentralisation, la haute administration d'État tourne de plus en plus à vide. Elle a beaucoup moins de fonctions, la décentralisation a énormément transformé les rapports des services, mais elle est toujours là mais elle n'a plus les manettes de la réalité, donc elle produit de la norme. Il y a un processus de blocage assez général. N est dans ce processus de blocage. La société en a ras le bol, c'est comme ça que commencent les révolutions.

La crise de l'agriculture n'est-elle pas aussi une crise identitaire ?
Il n'y a pas de portage politique du message que l'agriculture est l'un des grands métiers du futur. Je pense que Stéphane le Foll n'arrive pas à porter ce discours. On est en train de basculer de modèle et on n'arrive pas à le dire positivement. Car l'agriculture produit l'aliment, le vêtement, l'énergie. C'est un métier qui change complètement avec de nouvelles technologies. Ce message n'est pas porté par les politiques mais aussi par les paysans eux-mêmes. Le président de la FNSEA n'incarne pas une nouvelle agriculture. La société est pourtant convaincue. Le soleil, le vent, ce sont des métiers que les agriculteurs exercent depuis des siècles.

Méthanisation : Le projet consiste à amener les lisiers et fumiers d'élevage sur un site pour produire du biogaz qui sera transporté et utilisé dans un réseau de gaz de ville. / Photo d'illustration DDM

Quel pourra être le déclic pour porter ce message positif ?
Qu'est-ce qui fait que Pisani* a été un grand ministre de l'Agriculture alors qu'il n'y connaissait rien ? De Gaulle lui a dit qu'il allait prendre en charge l'Agriculture pour la moderniser parce qu'il avait fait un discours à l'Assemblée où il avait dit «la misère paysanne n e peut pas continuer…» Il est apparu comme le type qui allait prendre le dossier en main. Aujourd'hui, on n'a pas le Pisani agricole d'aujourd'hui, Quelqu'un qui dirait que l'agriculture est un métier du futur qui va nous nourrir, nous habiller, produire de l'énergie. Tout ce qui relève du domaine du vivant doit relever de l'agriculture.
* Edgar Pisani a été ministre de l'Agriculture entre 1961 et 1966. Il a joué un grand rôle dans la définition de la politique agricole commune.


Publié le 06/10/2014 à 08:08  
| La Dépêche du Midi |  Pierre Challier

Zones vulnérables : «Pour moi, c'est la mort des petits élevages...»


Jacques Pesqué s'interroge sur l'avenir de son élevage, menacé  par les nouvelles mesures. Photo P.C.

Le val d'Adour, au nord de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées. L'un des principaux secteurs maïsicoles de la région… Mais aussi une zone où les taux de nitrates mesurés par l'Agence régionale de la santé (ARS) font régulièrement débat, frisant le plus haut d'une norme réglementaire qu'ils dépassent ponctuellement, jusqu'à 0,60 mg dans le secteur d'Oursbelille. «Lorsque nous procédons à nos propres analyses, nous ne trouvons pourtant pas les mêmes résultats, l'ARS ne fait ses prélèvements qu'après de fortes pluies, dès qu'il y a un lessivage des sols, alors que nous, en période normale, nous sommes à 0,40 mg, sous la norme légale de 0,50 mg», se défend Lilian Lasserre, 32 ans, président régional des Jeunes Agriculteurs.

Lui ? Lorsqu'il a repris la ferme familiale à Larreule, au sud de Maubourguet, en 2003, le secteur était déjà classé en zone vulnérable côté nitrates. «Chez moi, nous faisions des vaches laitières, mais la mise aux normes étant trop chère, j'ai arrêté», explique-t-il, cultivant désormais du maïs, mais aussi de l'orge et du tournesol sur 140 ha. Le problème de l'extension des zones vulnérables, donc ? «Bien sûr que ça nous touche, et il ne faut pas nier le problème qu'on essaye de résoudre avec des apports nitriques ajustés au plus près des besoins de la plante. On est d'autant plus économes que ça nous coûte, aussi, à 200 € de traitement à l'hectare. Mais l'impact sera beaucoup plus fort sur les éleveurs que sur les céréaliers et l'extension des zones vulnérables ne résoudra rien», estime-t-il, dans un département où 120 nouvelles communes sont concernées.

La carte tarnaise des zones vulnérables aux nitrates version 2012. Il faut désormais (septembre 2014) ajouter 150 communes./Photo DDM.

Bon et mauvais produits azotés
Le problème de fond ? «Il est historique», rappelle d'ailleurs Pierre Lebbe, ancien responsable de la Confédération paysanne, éleveur et fromager bio, pionnier de la méthanisation à Villefranque, au nord de Maubourguet. Deux guerres mondiales assorties d'une reconversion des industries chimiques allemandes en temps de paix ont liquidé l'agronomie au profit de l'agrochimie… née au début du XXe siècle, la production industrielle d'ammoniac, via le procédé Haber-Bosch, a d'abord permis la synthèse de différents explosifs puis des engrais azotés jusqu'à répondre à 99 % de la demande planétaire aujourd'hui…

«Mais il faut distinguer l'azote nitrique, NO3- qui ne se fixe pas dans le sol et se trouve facilement lessivé de NH4, l'azote ammoniacal, qui se fixe et ne pollue pas. Chez nous, la production du second était tributaire du gaz de Lacq, désormais fermé. Reste donc NO3-. Or dans les lisiers et les fumiers épandus l'azote est sous forme ammoniacale, valorisable durant 3 ou 4 ans par la plante, et non pas sous forme nitrique, celle qui pollue. Toute la contradiction de la directive nitrates, c'est qu'elle va sanctionner les éleveurs et pas les pollueurs !», s'insurge Pierre Lebbe.


La fédération départementale des Jeunes Agriculteurs en colère contre la directive nitrates / Photo d'illustration DDM

Témoin
Jacques Pesqué, un peu plus loin, sur le plateau de Ger. Trente blondes d'Aquitaine, une production de broutards et 22 ha de maïs… «Au 1er janvier, je me retrouverai classé dans la nouvelle zone vulnérable et pour être en conformité à cette date, il me faudra un stockage de 5 à 7 mois de fumier à l'abri de la pluie et étanche, soit 50 000,00 euros d'investissement sans aides. J'ai 57 ans et c'est déjà pas évident de sortir un SMIC. Ne me restera plus qu'à arrêter les bovins pour ne faire que du maïs, ce qui signifiera plus de nitrates. Pour moi, c'est la mort des petits élevages qui se prépare», explique cet adhérent de la FDSEA, consterné. «On ne réduira les nitrates que par la technicité, avec une programmation des apports et le mulching, le paillage sur les maïs», pense Christian Fourcade, président de la FDSEA 65, à ses côtés. «Les azotés nitriques ne sont plus fabriqués en France. Il faudrait les taxer pour financer l'installation de petites unités de méthanisation et la couverture des fosses», prône Pierre Lebbe pour qui le recyclage des lisiers et fumiers en énergie représente là aussi l'avenir.

Certaines cultures demandent beaucoup d'eau./photo d'illustration DDM
 

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