Il y a 70 ans, le Débarquement...

7/6/2014

Publié le 06/06/2014 à 10:19 | La Dépêche du Midi | Jean-Claude Souléry
 
Commémorations du 6 juin :
Il y a 70 ans, ce fut le Débarquement



La terre de Normandie est en vue pour ces soldats américains. Déjà, plusieurs milliers d'entre eux les ont précédés pour l'assaut. Il s'agit de consolider l'avancée allié  (extrait du film «Sacrifice»)
Dix-neuf chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent aujourd'hui en Normandie pour commémorer le 70e anniversaire du Débarquement du 6 juin 1944. C'est l'occasion de se souvenir de ce que fut l'opération «Overlord».

L'Histoire avait alors un sens. Oserions-nous l'écrire ? – la guerre était juste, et les morts du 6 juin 44 ne sont pas tombés pour rien. Ce jour-là, petit matin de «sanglots longs», jamais autant de troupes, autant de nations, autant de matériels ne furent unis dans un combat commun…

 
Britanniques et Canadiens de la 3e division d'infanterie débarquent sur la plage de Juno. Par MARY EVANS

Minuit vient de passer lorsque commence vraiment la plus grande opération militaire de l'histoire des hommes. Dans le silence de cette nuit dépourvue de lune, des planeurs par centaines atterrissent dans le bocage de Normandie – comme autant d'oiseaux de bon augure. Puis c'est déjà le grondement, plus dense qu'à l'habitude, des premiers bombardements. Il est 23 h 30, ce 5 juin. Les raids des B-24 américains commencent sur les villes normandes.

À Saint-Mère-l'Eglise, le feu vient de prendre à la maison de Julia, sur la grand-place. On accourt aussitôt, villageois et soldats allemands mêlés, des seaux d'eau de bras en bras comme on le fait depuis des siècles. Mais les flammes montent jusqu'au ciel noir et leurs lueurs font apparaître les premiers parachutes, puis les autres. Des parachutes partout ! par centaines !

«J'ai alors lâché la pompe à incendie et je me suis mis à crier : C'est le débarquement ! », raconte Raymond qui se souvient du juin de ses 20 ans. Aussitôt, dans le désordre de la nuit, ce sont les premiers prisonniers, les toutes premières libérations… Au petit matin, l'odeur du tabac blond sent le miracle – c'est le tabac des Américains ! «On offrait du calvados aux parachutistes, on croyait que la guerre était finie !» Mais, avec les premiers cadavres, il faut se rendre à l'évidence : elle ne fait que commencer… Le curé d'Emondeville dira : «Un Allemand est même venu mourir dans mon confessionnal»…

 

Des prisonniers allemands encadrés par des hommes des 13e et 18e régiments de Hussards britanniques. Par MARY EVANS

Hitler se couche à 3 heures
Plus loin, en bord de mer, c'est encore la brume et un sale temps venu du large. Les sentinelles allemandes, en bout de nuit, avec la tranquille routine des veilleurs, regardent cet horizon d'où l'ennemi pourrait venir. Leurs officiers n'ont pas l'habitude de craindre le pire. Il y a le mur de l'Atlantique, cette ligne fantastique de casemates, ces nids de mitrailleuses, ces 3 000 pièces d'artillerie tournées vers les vagues. Et puis, il y a dix Panzerdivisions qui stationnent en France, prêtes à renforcer n'importe quel nouveau front. Il y a enfin l'incroyable sérénité des chefs. Le maréchal Erwin Rommel qui commande ce front de l'Ouest l'a suffisamment répété : «J'attends la bataille avec la plus grande confiance»…

Du coup, il s'est même offert le luxe, avec l'accord d'Hitler, de partir en permission, auprès de sa femme à Herrlingen. Quant au général Feuchtinger, commandant de la 21e Panzerdivision, la seule déployée autour de Caen, il s'en est allé à Paris auprès de sa maîtresse… C'est à minuit qu'il apprend les premiers parachutages, le début de l'invasion alliée. À 1 h 30, la VIIe armée allemande est en état d'alerte.

Dans son repaire de Berchtesgaden, Hitler se couche à 3 heures – personne ne l'a encore informé de l'attaque alliée sur son front de l'Ouest.

 
Les soldats à pieds du Débarquement étaient soutenus par l'artillerie navale. (c) Mary Evans

Eisenhower : «Les yeux du monde sont fixés sur vous»
En face, là-bas, de l'autre côté de la mer, le général américain Dwight David Eisenhower a bouclé depuis quelques jours l'organisation de l'improbable assaut. Il en a revu les principes, exigé encore plus d'hommes et de matériel. Il n'est pas à proprement parler un grand stratège, mais davantage un administrateur exceptionnel. Il vient même de rédiger une note officielle en cas d'échec : «Si faute a été commise et si quelqu'un doit être blâmé, c'est moi et moi seul…» Il n'aura pas l'occasion de la diffuser.

Son «D Day», il l'avait fixé au 5 juin. La météo vient de tout reporter au 6. Et, le 6, au terme de la plus grande de toutes les veillées d'armes, Eisenhower dit à ses soldats les belles phrases que retient toujours l'Histoire : «Les yeux du monde sont fixés sur vous. Les espoirs et les prières des hommes épris de liberté vous accompagnent…»

 
Un véhicule amphibie sorti d'un énorme bateau sur une plage normande./ Par MARY EVANS

Quatre mille navires, cuirassés, croiseurs, destroyers ou chalands de débarquement se dirigent déjà vers les côtes. Cent trente mille soldats, balancés par la houle, oublient les beaux discours et interrogent le Ciel pour y discerner leur destin. Dans le ciel précisément, dix mille avions les dépassent. La Normandie va connaître l'incessant déluge tombé du ciel…

La sentinelle allemande regarde toujours le gris au bout de ses jumelles, quand, soudain, d'abord flou, puis de plus en plus évident, lui apparaît le plus fantastique spectacle d'effroi qui soit donné à une sentinelle. «Sie kommen !» – «Ils arrivent !»… L'horizon monstrueux n'est qu'une masse grise, une masse noire, une masse de guerre… Et tous, d'Hitler à Churchill, savent que de cette bataille va dépendre la guerre.
Lors du Débarquement, quelque 17 000 militaires ont été parachutés derrière les lignes allemandes. Copyright AP/SIPA

«Je n'oublierai jamais les Américains»
Canadiens, Anglais, Américains, Australiens, mais aussi des Polonais et des Français, plongent alors vers ces côtes inconnues, sur ces plages normandes qui, depuis, ont été rebaptisées dans la langue du vainqueur : «Beaches»…

De l'eau jusqu'au ventre, puis la peur dans ce ventre, et, pour certains, des éclats dans le ventre, et pour d'autres le courage de courir au plus vite jusqu'au sol, de s'y coucher comme on se blottit. On connaît par l'image ces heures les plus longues des plages du 6 juin. Le bruit, la fureur, les armes, la mort dans un jour de jugement dernier. Ce sont les fantassins américains, plaqués durant trois heures sur le sable d'Omaha Beach – «Il n'y a que deux sortes de mecs sur cette plage : ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir. Alors, magnez-vous le cul !», s'écrie le colonel d'infanterie Arthur Taylor qui savait parler aux hommes. C'est aussi l'héroïsme obstiné des Rangers, grimpant à la pointe du Hoc pour y détruire les canons.

 
Des centaines de soldats alliés s'entassent dans une barge avant l'assaut sur les plages normandes. / Par MARY EVANS

Voilà, les premiers petits bouts de France libérés, villages en ruines, face-à-face meurtriers. Les renforts vont affluer, incessants, 15 000 chars en un seul jour, 3 000 canons, 10 000 véhicules. En deux jours, cinq divisions. Et, durant les deux mois que dura le Débarquement, deux millions d'hommes.

Les Normands, eux aussi, avaient eu leurs morts. Quinze mille civils dans la bourrasque des bombes. A Vierville, près d'Omaha Beach, Bernadette a perdu son père, tué par un obus, mais elle affirme dans un souffle : «Malgré ça, je n'oublierai jamais ce que les Américains ont fait pour nous»… Elle parlait spontanément de l'engagement de ces «boys» de 20 ans qui ne connaissaient rien de la France et découvraient le monde aux couleurs de la guerre.
Les barges, remplies de soldats alliés, s'approchent des côtes normandes. Il est 6h30 le 6 juin 1944. Copyright AP/SIPA

«C'est la bataille de la France», s'écrie de Gaulle.
Et puis, ne l'oublions pas, il y eut l'avant-6 juin préparé dans l'ombre fraternelle des maquis de France. Les partisans et les saboteurs, renseignés par la BBC, n'attendaient que les «sanglots» de Verlaine pour engager leur combat – «bercent mon cœur d'une langueur monotone…» Le 2 juin, les responsables de la résistance recevront 160 messages de la BBC.Dès la nuit du 5, on avait entendu les explosions à l'arrière des plages. Lignes téléphoniques, voies ferrées, ponts, dépôts de munitions… Les résistants de France, sortis du bocage normand, ou, plus à l'arrière, près de la Loire ou dans le Quercy, ont retardé durant de longues semaines l'arrivée des renforts allemands. D'ailleurs, Eisenhower dira ce que fut le rôle de ces «soldats sans uniforme» : «Ils ont pesé d'un poids décisif sur l'effondrement du front allemand. On peut évaluer cette contribution à l'équivalent de plusieurs unités»…

Au soir du 6 juin – après que le roi de Norvège, la reine des Pays-Bas, le premier ministre belge, la grande-duchesse du Luxembourg, et les vainqueurs Eisenhower et Churchill se soient tous adressés à leurs peuples –, on entendit, à 18 heures, dans le poste de radio Londres, la voix, étranglée par l'émotion, du général de Gaulle qui parlait aux Français : «La bataille suprême est engagée. Après tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici venu le choc décisif. Le choc tant espéré. Bien entendu, c'est la bataille de France et c'est la bataille de la France. Pour ses fils, où qu'ils soient, quels qu'ils soient, le devoir simple et sacré est de combattre l'ennemi par tous les moyens dont ils disposent. Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes voici que reparaît le soleil de notre grandeur»…

 
Après le Débarquement, ces troupes britanniques attendent le signal pour avancer dans les terres./ Copyright AP/SIPA

Quelques heures auparavant – à 14 h 15 ce 6 juin – le maréchal Pétain venait d'appeler les Français à éviter d'apporter leur aide aux troupes alliées.

De Gaulle, lui, n'accostera que huit jours après, à bord du destroyer français «La Combattante». Puis, le 14, à Bayeux, lors de son premier discours sur la terre libérée et sous les vivats de la foule, il redonnera à la France son rang parmi les nations du monde libre.

Il faudra attendre le 12 septembre – avec la libération du Havre par les 49e et 51e divisions britanniques – pour que la bataille de Normandie soit définitivement terminée. Elle aura duré exactement cent jours.



Réalisé à partir du site : ladepeche.fr
 

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