Tarn : à chaque ville sa passerelle

20/4/2014

Publié le 20/04/2014 à 09:23  | La Dépêche du Midi | A.-M.D
 
Graulhet en pointe pour sa passerelle

Vue aérienne de la passerelle plaine de Millet à Graulhet  avec sa fameuse aiguille, donnant sur le quartier de Crins en fond. / Photo mairie de Graulhet.

Quand sitôt retombé le débat des municipales sur la future passerelle à Albi, on se rend à celle ouverte il y a six mois à Graulhet, piqué par la curiosité, on tombe sur quoi ? Une aiguille. Pas de celles à chercher dans une botte de foin. Celle-là est géante, pointant droit au-dessus de la plaine de Millet. De ce mât de 32 mètres de hauteur partent les haubans qui soutiennent le ruban d'acier de 160 mètres de long jeté sur le Dadou entre le nouveau cinéma Vertigo rive gauche et le quartier de Crins, rive droite. «L'aiguille, c'est pour rappeler la cité du cuir», renseigne obligeamment Sylvain Benoît, chauffeur-livreur de 35 ans et néo-Graulhétois, venu avec ses deux chiens. 

Des écoliers qui la traversent au pas de charge font «bonjour, bonjour», de la main et de la voix. «Voyez qu'elle sert, la passerelle», réplique Sylvain Benoît aux voix qui, à droite, pendant la campagne des municipales à Graulhet, ont aussi murmuré que cet investissement «ne sert pas à grand chose». Ce n'est pas l'avis de Margaux Glorieux, étudiante à lunettes de 20 ans à la fac d'Albi, qui la juge «pratique pour aller prendre le bus». Ni de Roger-Angelo Licciardi, «Graulhétois depuis 1964» sans jamais avoir perdu son délicieux accent corse de son île natale, qui se repose à l'ombre étroite de l'aiguille avec son épouse malade : «On y vient tous les jours. C'est chic, et on a une belle vue. Je suis enchanté par cette passerelle.»



L'utile et l'agréable
Jeune retraitée enjouée, Claudine «traverse avec son petit chien pour aller à pied à la poste. Je cumule l'utile et l'agréable. Je ne l'aurais pas fait sans la passerelle. Quand il fait beau et que les jeunes sont de sortie, ils se mettent sur le banc central au pied de l'aiguille pour jouer de la guitare. Elle est vivante, la passerelle et en plus élégante.» On y passe, on s'y promène. Et tous les usagers insistent sur l'attraction touristique de l'aiguille, appelée à devenir aussi indissociable de Graulhet que la tour Eiffel à Paris, toutes proportions gardées à l'échelle d'une ville moyenne, redonnant un peu de son lustre à la cité du cuir et redorant un blason terni par les délocalisations.

Rien ne fait plus plaisir à Claude Fita, le maire (PS) de Graulhet «que de voir 200 ou 300 Graulhétois y flâner le dimanche. Même les pêcheurs préfèrent jeter leur ligne là qu'au lac, pour profiter du spectacle de la passerelle et de ses reflets sur l'eau. La fréquentation de la médiathèque a grimpé depuis l'entrée en service de la passerelle en septembre 2013. Rien ne donne autant de bonheur aux gens que cet aménagement.» Un bonheur qui a un coût: 2,2 millions d'euros (HT), mais Graulhet a reçu pas moins de 74% de subventions.

Claude Fita, qui veut que ses administrés «redeviennent fiers d'habiter Graulhet», a réussi sur un point. Avec cette passerelle piétonne et cyclable en projet depuis 40 ans, Graulhet a devancé celles en suspens à Rabastens et même à Albi !

Le chiffre : 32 mètres > Hauteur de l'aiguille. La flèche de la passerelle de Graulhet se voit loin à la ronde.

 
«Un ouvrage emblématique»
 

Georges-Henry Ser au cabinet Épure d'Albi (photo ci-dessus) est l'architecte mandataire de la passerelle de Graulhet en association avec Alliage.

Avec ses 32 m, l'aiguille de la passerelle va-t-elle devenir l'emblème de Graulhet?
C'est la volonté de la mairie. Cette aiguille a un but symbolique et emblématique, comme la tour Eiffel à Paris, même si elle n'a pas cette importance. L'aiguille, c'est une image, c'est simple et ça parle à tout le monde. C'est une façon de recoudre le tissu urbain de Graulhet, qui change de peau tout en faisant référence à l'ancienne peau avec l'activité du cuir. Et on peut aussi voir à travers le chas de l'aiguille, dans l'axe de la passerelle!

Objectivement, comment trouvez-vous cette passerelle ?
Elle est superbe, et les gens sont ravis. C'est un projet que je suis content d'avoir réalisé durant ma carrière, et qui va rester. Le jour de l'entrée en service, un Graulhétois nous a interpellés, se disant par avance «déçu», à l'idée que la passerelle allait inévitablement selon lui être dégradée. Elle est au contraire respectée. Il n'y a même pas un tag.

Et les motos?
La passerelle est interdite aux véhicules à moteur, mais nous n'avons pas mis de chicanes. Nous sommes toujours à même de le faire en cas de nuisances, ce qui ne semble pas le cas.
Recueilli par A.-M.D


 
Depuis l'an 2000 à Castres
 

Castres fut novatrice dans le Tarn avec dès l'an 2000 la réalisation d'une passerelle piétonne et cyclable sur l'Agout. La passerelle de Lameilhé est longue de 88 m et large de 2,50 m. Son montant: 4,5 millions de francs environ. L'ensemble du parcours a été sécurisé à travers son éclairage, sans aucune zone d'ombre, de même que la passerelle, mise en lumière par le sol et par des pylônes. À pied ou à vélo, les amoureux de la nature peuvent rejoindre le quartier de Lameilhé depuis le centre-ville sans croiser un véhicule.
 
Projet en rade à Rabastens
 

«Rive gauche à Couffouleux, l'échangeur de l'autoroute et la gare. Rive droite à Rabastens, la plupart des commerces. Pour les relier, un pont étroit débouchant sur une rue en sens alterné.» Pas étonnant pour Michel Mulliez, secrétaire de l'association Sauvegarde de l'environnement en Pays rabastinois (Sepra), «que ça coince avec des embouteillages de plus en plus fréquents» dans ces deux communes séparées par le Tarn. «L'idéal pour ce bassin en expansion devenu la moyenne banlieue de Toulouse serait un autre pont côté Lisle. Faut pas rêver, ce projet à l'allure de serpent de mer devrait en plus de celui sur la rivière comprendre un pont au-dessus de la voie de chemin de fer. Le coût serait faramineux.»

Michel Mulliez a beau retourner le problème dans tous les sens, pour lui, la seule solution à l'équation de la circulation à Rabastens, c'est une passerelle. «Pour s'en sortir, il faut miser au maximum sur les déplacements doux. 80% des trajets intra-muros pourraient se faire à pied ou à vélo. Une situation qui n'est pas propre qu'à Rabastens, mais qu'on retrouve partout. À Villemur-sur-Tarn, la municipalité précédente avait aussi envisagé une passerelle.»

La passerelle de Rabastens «paraissait bien partie. En 2009, l'étude du cabinet Egis avait conduit à un projet de passerelle haubanée façon viaduc de Millau débouchant en plein sur la gare. Le coût, 1,3 million d'euros hors taxes seulement, nous avait agréablement surpris, si l'on compare avec le moindre aménagement routier style rond-point. Mais la crise des subprimes est passée par là et Alain Brest, l'ex-maire de Rabastens, freinait des quatre fers. Maintenant que l'ex-maire de Couffouleux, Pierre Verdier, qui était pour, est devenu maire de Rabastens et président de la communauté de communes du Rabastinois (Cora), j'espère qu'il n'a pas oublié ce qu'il avait dit. La situation financière est plus délicate et le gouvernement réduit les aides aux collectivités, mais c'est surtout une question de volonté politique. Elle a manqué jusque-là. Le dossier est en sommeil mais la question se pose toujours. Même si ce serait un agrément, la passerelle, qui donnerait sur la Petite Suisse, magnifique coin vert de Couffouleux, ce n'est pas que pour faire beau et la promenade. C'est un enjeu de développement et de sécurité. Avec ses trottoirs exigus, l'unique pont est inadapté aux fauteuils roulants et poussettes, contraints par endroits à emprunter la chaussée. Il y a danger. Il faudra y remédier.»
Pierre Verdier ne souhaite pas aborder ce sujet.



Publié le 26/02/2014 à 10:07 || La Dépêche du Midi | Alain-Marc Delbouys

 
Albi : Une passerelle avec des belvédères sur le Tarn


La passerelle avec un des belvédères sous une arche  du pont donnant sur la cathédrale.

Le conseil de la communauté d’agglomération a découvert hier soir le projet retenu pour le projet de passerelle sur le Tarn à Albi. Le lauréat du concours d’architecte vient de Bruxelles.

«On s’y voit. On a envie d’y être. C’est mieux que ce à quoi on avait pensé.» C’est carrément l’enthousiasme, si l’on se réfère aux premières réactions de gens découvrant la future passerelle sur le Tarn à Albi. Après son adoption à la quasi-unanimité le 6 février par le jury avec 10 voix sur 11, le projet retenu a été officiellement présenté hier soir au conseil de la communauté d’agglomération de l’Albigeois. Reliant le Castelviel à Pratgraussals côté aval du pont de chemin de fer et non amont comme on l’imaginait, la passerelle sera doublée de belvédères, un sous chaque arche. Ainsi, on pourra à la fois circuler à vélo ou à pied sur la voie de 3,5 mètres de large mais aussi profiter de ces esplanades successives élargies à huit mètres sous le pont. Elles offriront une succession de points de vue inédits et imprenables sur la cité épiscopale classée au patrimoine mondial de l’Unesco et le Tarn.

«Il y aura des bancs et on pourra aussi bouquiner ou pique-niquer à l’ombre du pont. Et même voir de là le feu d’artifice du 14 juillet», anticipe Laurent Ney, du cabinet Ney et Partners de Bruxelles, l’architecte qui a remporté le concours avec l’Atelier R et C d’Albi. Tant pour les Albigeois que pour les touristes, ces belvédères offriront une attraction supplémentaire. C’est un des aspects «que nous n’avions pas prévu dans ce projet attendu et plus que jamais nécessaire» aux yeux de Philippe Bonnecarrère, président de la communauté d’agglomération de l’Albigeois et maire d’Albi.

Faite de caissons métalliques, la passerelle de 80 cm d’épaisseur sera parcourue autre originalité de légères ondulations de vingt centimètres, évoquant la forme des arches. Le concepteur promet «une architecture très minimaliste, sur un socle bleu pastel, légère et fine, comme dans un rêve. La passerelle sera une parure pour le viaduc.» Un aspect auquel RFF s’est montré sensible, permettant exceptionnellement d’utiliser le pont de chemin de fer à titre gracieux. Un projet «intelligent et tellement beau» dont Sarah Laurens, vice-présidente de l’agglo aux déplacements doux, est «tombée amoureuse».

La décision finale sera prise au prochain mandat
Jouant le jeu de la démocratie, «nous ne passerons pas en force. Nous ne faisons pas une course de vitesse», souligne Philippe Bonnecarrère, maire sortant d’Albi et président de la communauté d’agglomération de l’Albigeois. Le conseil communautaire a adopté le projet lauréat pour la passerelle, mais la décision finale reviendra à l’assemblée qui sortira des urnes après les municipales de mars prochain.

4,6 millions d'euros avec les accès
Ce grand projet de traversée du Tarn s’inscrit tout naturellement dans le débat électoral. Jacques Valax, le candidat socialiste, a fait part de son intention de remettre en cause «cette passerelle-gadget». «Il s’exprime sur un projet qu’il ne connaît pas», réplique Philippe Bonnecarrère, en 4e position sur la liste de Stéphanie Guiraud-Chaumeil. Tous deux font valoir que le chiffre annoncé par Jacques Valax de 6,9 millions d’euros «ne concerne pas que la passerelle. Jacques Valax l’a repris car c’est celui qui figure sur l’appel à projet mobilité durable lancé par le gouvernement et auquel la communauté d’agglomération de l’Albigeois a répondu. Mais cette enveloppe plus large ne concerne pas que la passerelle. Le coût de cette dernière est de 3,1 millions d’euros hors taxes, 4,6 millions si l’on rajoute les accès avec l’aménagement des places du Château et du Calvaire. Le reste, c’est un parking de 40 places pour les campings-cars et un parking multi-modal de 240 places pour les voitures tous deux à Pratgraussals.»

Si la passerelle se fait, on pourra en effet se garer gratuitement à Pratgraussals et se rendre en quelques minutes à pied au centre-ville. Stéphanie Guiraud-Chaumeil a insisté sur le fait «que cette passerelle est née d’une demande des habitants de la Madeleine depuis 2006 avec l’appui enthousiaste du comité de quartier», souriant de voir que son président Bernard Chaynès... «figure désormais sur la liste de Valax qui se dit contre!» Voyant dans cette opposition une part «de tactique électorale», le maire sortant fait le pari que dans tous les cas, «la passerelle se fera» tant elle lui paraît «évidente, tellement elle répond aux attentes de la population. On a tous à y gagner.»

Le chiffre : 700 mètres > Distance. La passerelle mettra la cathédrale à 700 m de Pratgraussals comme 1 400 mètres actuellement.

Arche dégagée au Castelviel
Côté Castelviel, la première arche du pont de chemin de fer sera dégagée en enlevant 3,8 mètres d’épaisseur de terre, ce qui résout la difficulté posée par la différence de hauteur entre la rive gauche et la rive droite plus basse. L’accès à la passerelle se fera en prolongement de la rue du Castelviel. Contournant le premier pilier du pont, la passerelle reliera aussi la place du Château et la place du Calvaire, occupée par le skate park qui sera déménagé. L’architecte entend ainsi remédier à la coupure de l’éperon rocheux provoquée en 1864 par la construction du viaduc au détriment «de la place du Calvaire devenu un no man’s land».
 

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