Publié le 28/04/2013 à 09:51 | La Dépêche du Midi | Alain-Marc Delbouys
Cagnac-les-Mines : La photo retrouvée de la mine de fond
François Perez est le jeune mineur en slip, debout au 2e rang et au centre de la galerie.
Béret touchant le boisage, debout à l'arrière-plan, François Perez montre des pectoraux d'athlète. J'observe : «Vous étiez bel homme, à l'époque !» «Toujours !», répond l'intéressé, un œil en coin en direction de Jeannine, son épouse avec laquelle il est marié depuis 59 ans. «Je n'avais même pas 18 ans, à l'époque», dit avec de la fierté dans la voix la mère de ses deux enfants.
Assis côte à côte, comme il l'a été pendant toutes ces années, le couple qui frise les noces de diamant contemple une photo noir et blanc. Un précieux document datant de 1945, parfaitement conservé, retrouvé en rangeant lors du déménagement de François et Jeannine dans un nouveau logis rue Colonel-Favatier près de la rue Gaston-Bouteiller au Breuil.
Cette photo est prise à 180 mètres de profondeur, dans le puits de la mine de Cagnac. On y voit une équipe de 13 mineurs de fond, pendant leur poste de huit heures. «J'étais le plus jeune. J'avais 20 ans. Les collègues avaient dans les 40 ans. Soixante-huit ans après, ils doivent être morts, ou alors ils auraient plus de cent ans. J'ai voulu que soit publiée cette photo, pour que leurs enfants ou petits-enfants les reconnaissent», dit François Perez, aujourd'hui âgé de 86 ans, et 76 ans pour sa femme.
Ce cliché nous offre une plongée dans l'univers des mineurs de fond, fascinant retour vers le passé. François Perez pose en caleçon. «Il faisait une chaleur terrible et cela manquait d'aération, là dessous. On travaillait en slip ou même à poil. Les mineurs se sont habillés pour la photo, par pudeur. C'était un travail très dur et très dangereux.» Je fais néanmoins remarquer à François Perez, que, si certains de ces visages barbouillés de noir de charbon sont graves, d'autres sourient, mines réjouies derrière le masque de suie. «On ne pleurait pas ! Il y avait parmi nous une ambiance de camaraderie. ça existait. On était tous solidaires», dit François Perez.
Il a commencé comme boiseur, pour étayer les boiseries. Après 15 ans de fond, il a obtenu des Houillères de remonter, comme conducteur de camion et ambulancier. En tout, il aura fait 36 ans de mine. «Lors de la prise de vue, nous étions encore dans les privations de l'après-guerre. Mes biceps marqués, c'est parce que le travail manuel forme les muscles. Quand on n'a pas d'instruction, il faut des bras et des jambes. J'ai eu une enfance très malheureuse. à 15 ans, j'ai été placé quatre ans dans une ferme, et après je suis allé à la mine», confie l'ancien mineur, tout en contemplant cette photo, qui fait ressurgir un monde disparu. Jusqu'au moyen de transport. Pour se rendre à la mine, le jeune Albigeois empruntait le petit train Albi-Cagnac, reconverti depuis en chemin de randonnée utilisé par le GR36 et toujours baptisé le chemin noir.
«Il était interdit de photographier»
Souvenirs intacts, François Perez n'a pas oublié non plus le photographe. «Il avait un magasin à Cagnac-les-Mines. Il avait fait cette photo clandestinement. Il était interdit de photographier dans la mine de fond. Certains le faisaient quand même. Un appareil photo, ce n'est pas volumineux. Ils le cachaient dans leurs habits. Ils prenaient des risques. Quand on sortait de puits, les gardes nous fouillaient la musette, car beaucoup prenaient du charbon. Le photographe, qui était aussi mineur, était juif. Beaucoup de juifs étaient planqués à la mine pendant l'Occupation. Il y avait du travail. Les houillères prenaient ceux qui étaient disponibles. Elles n'étaient pas regardantes. Beaucoup de juifs ont échappé aux rafles comme ça.»
Publié le 20/04/2013 à 03:48 Robert Fabre
Albi : Lapérouse face au large
Place Lapérouse déserte avec la statue de Lapérouse, une vue d'avant 1914./ Collection JC Souyris.
Sur cette carte postale antérieure à 1914, Lapérouse érigé en statue de bronze par Raggi, sous Napoléon III (1853) est seul face à une large esplanade, celle de la place qui porte son nom et qui est aujourd'hui en pleine transformation. Il tourne le dos au Jardin National. Jean Grenier qui enseigna la philo au lycée d 'Albi, le futur lycée Lapérouse, avant que d'être le professeur aimé d'Albert Camus à Alger, dans un discours de distribution de prix avait relevé cette position du navigateur statufié, face à l'Ouest, celui de ses expéditions et du Grand Voyage.
Il y a déjà autour du socle, les ancres recueillies à Vanikoro, sur les lieux du naufrage par le lieutenant Bénier, après les découvertes de Dumont d'Urville et déposées ici en 1883. À droite, inchangée, la façade classique du Palais de Justice, ancien couvent des Carmes et ses deux escaliers d'accès et plus loin le clocher de Ste-Cécile. À gauche, on devine une vespasienne. Pas de circulation, si ce n'est un piéton se dirigeant vers la rue Ste-Cécile. En face le ravin du Bondidou pas encore comblé, là où on implantera le Monument aux Morts de l'architecte Daures inauguré en 1928. C'est notre arc de triomphe, qui penche légèrement à droite, comme la tour de Pise et que jouxte le boulevard Sibille. Bondidou et Merville sont les deux ruisseaux affluents du Tarn, devenus égouts souterrains.
Sur le côté droit du Bondidou, des vestiges des remparts et la tourelle de l'hôtel du Bosc, la maison natale de Toulouse-Lautrec. L 'hôpital non visible est à gauche de la vue, il est en place depuis sa création par l'évêque de la Berchère au XVIIe siècle. Le flanquera, dans les années 5o, le sévère et imposant immeuble de la Sécurité Sociale. Dans quelques mois, le projet des Cordeliers aura donné un nouveau visage à la place : fontaine monumentale et le Grand Théâtre de Dominique Perrault. Lapérouse dont la statue fut un des premiers hommages de la Ville, héros de la cité n'a jamais été ici un capitaine abandonné.
Publié le 12/04/2013 à 08:06 Robert Fabre
Albi : Le Vigan, agora de la cité
Le Plateau du Vigan avant 1914/ Photo collection JC Souyris.
C'est la place emblématique de la cité. Le Vigan signifie faubourg, ce qui traduit bien son emplacement, à l'extérieur des remparts, démolis au XVIIIe siècle. Les travaux d'excavation pour l'aménagement du parking souterrain ont dégagé les vestiges d'une porte d'accès à la ville. Une plaque le rappelle face à la rue de la mairie. Plateau du Vigan, disait-on, ce qui montre bien son aspect dégagé. Il n'y a pas d'arbres dans ce décrochement du tracé des fortifications de la ville que prolonge le Jardin Royal, devenu National, au contraire arboré et il n'y a pas encore les 81 jets d'eau de la fontaine qui rafraîchit la place.
On reconnaît sur cette carte postale de la Belle Époque (avant 1914) de l'entreprise albigeoise Poux, devenue leader de la carte postale, les bâtiments à peine changés qui bordent au sud-ouest la place. Les deux Tabac, celui du coin de la rue de la mairie, qui vient d'intégrer la Maison de la Presse, à l'emplacement de l'Horlogerie-Bijouterie, et celui du coin de la rue Timbal, longtemps tenu par la famille Tranier, d'où son nom. La Dépêche est toujours là, dans l'immeuble à l'horloge (la photo a été prise à 10 h 50), dominé par la belle tour. Apparaît au loin, au-dessus des cheminées la pointe du clocher de la cathédrale. À l'emplacement de «La Mie Câline» : un café.
«Faire le Vigan»
La place du Vigan reste la place des cafés mais il y en avait davantage alors. La Maison Ginestet a été, durant des décennies la librairie-papeterie la plus importante de la ville. Fermant la place au nord-est, le Grand Café Pontié, attesté dès les années 1830 est le plus ancien café d'Albi.
L'intérêt de cette photo, ce sont les hommes (plus que les femmes) qui la peuplent. On circule autour du Vigan à vélo ou en voiture à cheval. Au bas de la photo, les rails du chemin de fer à voie métrique construit en 1906, qui relie Valence à Albi. La place du Vigan est déjà aux piétons. C'est l'agora, le forum, là où on fait le paseo, la passegiata à l'albigeoise. «Faire le Vigan» disait-on encore, il y a peu, c'est-à-dire parcourir la place dans sa longueur. On le fait en groupes plus que seul, on discute du quotidien de la ville, on regarde ceux qu'on croise, en particulier les femmes. L'éclairage public (au gaz) est déjà en place.
Le Vigan : lieu des événements importants de la cité : le carnaval, les commémorations de la Libération de l'été 1944, l'allocution du général de Gaulle (1960).
Le Vigan, une place centrale dans l'histoire de la cité contemporaine, témoignage de la sociabilité méridionale, une histoire pas achevée.
Publié le 16/06/2012 à 11:25 M.P avec le concours d'E.-J.C
Albi - Prat Graussals : ou de la gravière à la base de loisirs
Albi, boucle du Tarn : Carte postale de 1950
La carte postale de 1950 montre une vue aérienne de la Basilique Ste Cécile, du Tarn et de… Pratgraussals. L'orthographe correcte est Prat Graussals et non Pratgraussals. Prat signifie pré et graussa, graussal: graveleux. Sans grande valeur donc, Pratgraussals était une étendue de terre graveleuse. Avant la création de la base de loisirs, c'était une gravière. A Pratgraussals se trouvaient autrefois le Moulin de Lamothe et le port de Lamothe où l'on chargeait le charbon de Carmaux pour le livrer à Toulouse ou à Bordeaux. Au 18 ème siècle, les wagonnets remplis de houille ou de coke arrivaient en gare de la Madeleine et étaient dirigés vers l'embarcadère de Lamothe. Pratgraussals que l'on appelait aussi « le Sablas » était le lieu de rendez-vous des pêcheurs heureux lorqu'ils rentraient le soir le panier rempli de goujons ou d'ablettes. Le « Sablas » était un endroit sauvage, un lieu de promenade pour les habitants du quartier. La jeunesse venait l'été « faire trempette »dans le Tarn. Dans les années 60 j'en connais même qui y testaient leur première mobylette, cadeau d'un bac réussi avec mention. Pratgraussals a beaucoup changé. Devenue base de loisirs le site de l'ancienne gravière, son cadre ombragé et rafraîchissant, sa proximité avec le Tarn sont toujours appréciés des albigeois et des touristes.
Les aires de jeu, les tennis, le terrain de foot, le coin pique nique, le barbecue, les chemins piétonniers, les abords en jachère fleurie attirent toujours autant. En 2010, des ruches ont été installées ainsi que des nichoirs pour chouettes, petits rapaces, mésanges... Pratgraussals accueillera en juillet prochain le Festival Pause Guitare. Tout au long de l'année la salle des fêtes et la ferme hébergent de nombreuses manifestations.
Source des cartes postales: Doc. E.-J.C. Si vous possédez des cartes postales anciennes et quelques souvenirs pour les commenter, n'hésitez pas à nous contacter à l'adresse suivante : redaction81@ladepeche.fr (rubrique : Albi d'hier et d'aujourd'hui)