Chemins de la Liberté dans les P.O.
Chemins de la Liberté dans les P.O.
Publié le 12/10/2024 | La Dépêche du Midi | Véronique Parayre
Sur les traces des Chemins de la Liberté dans les Pyrénées-Orientales, une "épopée à la barbe des Allemands et de la gendarmerie française pendant la Seconde Guerre mondiale"
Un haur lieu de passage, l'auberge de Maureillas Las Illas / Ind, fond Dabouzi
Sur les traces des Chemins de la Liberté dans les Pyrénées-Orientales, une "épopée à la barbe des Allemands et de la gendarmerie française pendant la Seconde Guerre mondiale"
Entre 1940 et 1944, les Pyrénées-Orientales ont été passage d’évasion pour des dizaines de milliers d’hommes et de femmes fuyant la persécution et souhaitant rejoindre la France libre.
Ceux que l’on appelait les "évadés de France" s’en sont sortis grâce aux réseaux de passeurs clandestins, qui de la Cerdagne au littoral, ont bravé tous les risques. S’il ne reste aujourd’hui plus de témoin, un colloque leur a été dédié les 17 et 18 octobre à Banyuls-sur-Mer.
Un devoir de mémoire, d’autant plus fort lorsque l’on emprunte les Chemins de la Liberté.
L'abbé Ginoux, curé de Dorres, aumônier du sana des escaldes : un personnage pittoresque / Ind, ADPO
À 83 ans, Jean-Pierre Bobo est toujours en mission. L’ancien prof d’histoire du lycée Arago, responsable du service éducatif des archives départementales, se souvient : "nous écoutions Radio Londres à la maison, j’étais enfant mais il régnait une ambiance particulière autour de cette voix nasillarde".
Plus tard, en 1960 il y a eu cette rencontre fortuite avec cet Allemand marchant dans les Albères vers Collioure : "Ce monsieur revenait voir son passé, il était extrêmement ému et m’a raconté qu’il était placé ici pour arrêter les fugitifs".
Jean-Pierre Bobo, a recensé les Chemins de la Liberté dans les Pyrénées-Orientales, qui ont été empruntés par des centaines de milliers d’hommes et de femmes. / l'independant
Un déclencheur pour approfondir le sujet et l’inscrire dans la Commission mémoire au début des années 2000, afin de retracer ces fameux chemins de la Liberté pour "éviter que cette microhistoire de la résistance, avec ses passeurs, sombre dans l’oubli".
D’autant que : "cette épopée du franchissement des Pyrénées à la barbe des Allemands et de la gendarmerie française pendant la Seconde Guerre mondiale mérite vraiment que l’on s’y intéresse".
François Dabouzy, aubergiste de l'Oustal des Trabucayres, a sauvé des centaines de juifs. Arrêté par les Allemends en 1943, il saute du train et se réfugie dans un monastère avant de revenir à Perpoignan / Ind, fond Dabuzi
Ses recherches vont mettre en lumière ces héros de l’ombre aux profils tellement différents, tels le douanier de La Cabanasse André Parent, ou encore l’abbé Ginoux responsable de la résistance en Cerdagne, l’aubergiste François Dabouzi de Las-Illas, l’abbé Bousquet de Saint-Laurent-de-Cerdans, Jacques Piquemal de Céret (ville qui était la plaque tournante des exfiltrations de pilotes anglais notamment), les cheminots de Cerbère qui camouflaient les fugitifs derrière les chaudières…
Un travail d’historien, mené avec passion par Jean-Pierre Bobo qui insiste sur le fait "qu’aucun département des Pyrénées n’avait un tel déploiement de réseaux et de passeurs". / L'indépendant
Forcément aucun écrit ne permet de recenser, le nombre exact de passeurs ni même d’évadés mais selon Jean-Pierre Bobo : "aucun autre département pyrénéen n’a connu une telle densité, les réseaux dans les Albères, le Vallespir, la Cerdagne ont été les plus actifs, le seul canton de Saillagouse aurait eu une centaine de passeurs !".
/ lescheminsdelaliberte.com
Qui étaient les évadés de France ?
Ils venaient d’ici et de partout, il se dit qu’entre 1943 et 1944, une soixantaine de jeune banyulencs et non moins de 342 jeunes hommes auraient quitté Céret, notamment pour échapper à la réquisition du travail obligatoire (STO), comme en avait témoigné à l’époque l’Argelésien Maurice Codognet :
"C’était un déchirement de partir. À 21 ans, j’ai marché avec ma musette dans le dos et le cœur gros laissant dans l’incertitude ceux que l’on aime et dans l’angoisse des jours à venir. C’était une fuite pour la vie".
/ lescheminsdelaliberte.com
Dans sa quête Jean-Pierre Bobo souligne : "à partir de 1943 les Pyrénées-Orientales voient passer de plus en plus de juifs menacés par la solution finale, des centaines de familles vont passer clandestinement en Espagne, échappant aux rafles.
La Villa Saint-Christophe de Canet, la maternité d’Elne, les couvents du département, les écoles chrétiennes d’Espira et d’Angoustrine ont été des lieux de sauvetage".
Terrible cliché que cette arrestation d’un passeur à Maureillas. / Ind, J-P.B
Aux dizaines de milliers d’anonymes, se sont ajoutés les passages de personnalités, comme le futur ministre de la Défense Jacques Soufflet par Eyne, Madame de Lattre par Estavar, le général Leclerc par Cerbère (13 juillet 1940) ; Jean Moulin (9 septembre 1941), Pierre Dac par Banyuls.
Ajoutons Walter Benjamin (24 septembre 1940) ainsi que la nuit de Noël 1942 Joseph Kessel et Maurice Druon, qui en montant le col de Banyuls, ont murmuré les paroles du chant des partisans, qui allait devenir le chant universel de la résistance.
/ lescheminsdelaliberte.com
Comment marcher sur les Chemins de la liberté ?
Depuis une quinzaine d’années, Jean-Pierre Bobo randonneur expérimenté a tracé ce maillage : "les axes principaux sont identifiés et catalogués, 33 plaques et panneaux explicatifs sont en place de Cerbère à Las Illas, de la Cerdagne au Puigmal. Je poursuis mon travail sur les secteurs de Vinça, Baillestavy et Valmanya. 80 ans plus tard on se doit de rendre hommage à ces gens qui ont risqué leur vie pour en sauver d’autres.
Notre département a donc été la première zone de départs, mais aussi un vivier de passeurs, que l’on se doit d’honorer. Aujourd’hui nommés chemins frontaliers, on doit aussi faire savoir que c’étaient des Chemins de la liberté".
La reconnaissance à la ville frontalière de Cerbère, en particulier pour l’engagement des cheminots. / Ind, Vé. P.
"Parce que cette histoire est une partie intégrante du patrimoine, qui devrait prochainement être reconnue par l’Europe" insiste Jean-Pierre Bobo "on ne peut pas oublier ce qu’il s’est passé ici en montagne, en plaine et sur la côte, c’est aussi une transmission de valeur vers la jeunesse qui appelle au questionnement".
Jean-Pierre Bobo poursuit sa quête sur les secteurs de Vinça, Baillestavy et Valmanya / Ind, Vé. P.
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