Des pigeonniers d'Occitanie
Publié le 04/04/2021 | La Dépêche du Midi | Laurence Turetti / Midi
Les pigeonniers,
symboles de nos campagnes en Occitanie
Pigeonnier rural occitan / DDM
Des milliers de pigeonniers parsèment les campagnes d’Occitanie, sentinelles au milieu d’un champ ou majestueux vestiges peu à peu cernés par l’urbanisation. Retour sur ces étonnants et méconnus signes extérieurs de richesse. Visites à tire-d'aile d'édifices marqueurs de notre territoire.
C’est un « fait curieux, observe l’architecte Dominique Letellier, l’homme n’a édifié des œuvres d’art architecturales à l’usage des animaux que pour le pigeon et le cheval ». Un tel soin ne s’explique pas totalement par les profits tirés de l’élevage : chair tendre des pigeonneaux et surtout un très riche engrais, la colombine. Le pigeonnier a valeur de symbole.
Le pigeonnier de Beillard, à Merville (31) / DDM
Son architecture relève d’une dizaine de modèles différents, chacun d’eux utilisant les matériaux disponibles localement et reflétant, de la campagne à la ville, une position économique et sociale. Signature de ceux qui les ont fait édifier, du XIIIe au XIXe siècle, il n’y a donc pas deux pigeonniers identiques.
Liés à la culture des blés, ils sont abondants dans le Languedoc et le Périgord, rares en Pays catalan et dans la plaine viticole audoise battue par les vents. En vertu du droit de colombier, abbayes et châteaux possédaient des pigeonniers dont la taille et le nombre de nids, les boulins, dépendaient des surfaces de céréales disponibles pour nourrir ses locataires.
Pigeonnier à Lavaur / DDM, SR
Les cahiers de doléances contiennent d’ailleurs les plaintes des paysans contre les « pigeons et perdrix qui enlèvent une partie de nos semences ». Dans le Midi, le droit de colombier, tombé dès le XIIIe siècle dans le domaine public, est aboli le 4 août 1789. La vente des biens nationaux relance la construction des pigeonniers.
Symbole de l’accession à la propriété, sa taille illustre cette fois la réussite du paysan.
Pigeonnier de Bonnac en Ariège. / DDM
Ariège
À Bonnac, entouré par l’urbanisation. Édifié en 1731 dans le parc du château de Jean-Louis d’Usson, deuxième marquis de Bonnac, le pigeonnier restauré par son ancien propriétaire, René de la Portalière, trône désormais au cœur… d’un lotissement.
A Bram, dans l'Aude. / DDM, Hans Lucas - Idriss Bigou-Gilles
Aude
Bram : une restauration par la Mission patrimoine. Construit au XVIIIe siècle – autour de 1785 selon une date inscrite sur la charpente – dans la propriété du Marquis de Lordat, ce beau pigeonnier de pierre sur arcades témoignait de l’opulence de son propriétaire dont il arborait l’emblème. À deux pas du canal du Midi, le pigeonnier était également une source de richesse.
Pigeonnier de la Bernisse à Seissan dans le Gers. / DDM - Picasa
Gers
La beauté du site de la Bernisse à Seissan. Inscrit aux Monuments historiques depuis 2010, ce pigeonnier atypique a été construit, fin XIXe ou début XXe siècle, à l’entrée de la ferme familiale des paléontologues Edouard et Louis Lartet.
Pigeonnier-tour d'Yvernès dans l'Hérault. / DDM
Hérault
Le modèle campagnard d’Yvernès. Les pigeonniers les plus anciens de l’Hérault datent du XVIe. Le modèle le plus courant est celui de la tour rectangulaire, à deux ou trois niveaux, en pierre locale. Il est présent à Murviel-lès-Béziers où les pigeonniers, intégrés dans le bâti urbain de la circulade ou isolés dans la campagne, abondent.
Pigeonnier-gariotte des Escarits dans le Lot. / DDM
Lot
Le style épuré des Escarits à Fons. C’est le pigeonnier le plus simple, au modèle proche de la cabane de pierre du berger caussenard. La plupart de ces gariottes et cazelles sont les « vigies d’une économie pauvre et familiale où tout doit être utilisé pour un meilleur profit ».
Les pierres retirées des champs servent ainsi à la construction de ces petites tours surmontées d’un toit en lauze percé d’un trou d’envol. Éloigné de l’habitat, le pigeonnier servait aussi d’abri en cas d’intempéries. Dans d’autres cas, le rez-de-chaussée abritait le poulailler ou la bergerie.
De faible capacité, la colombine récoltée permettait d’enrichir le potager et d’améliorer l’ordinaire de viande de pigeonneaux. Parmi l’impressionnante collection quercynoise, le pigeonnier de Rocamadour, bâti au XVIe siècle, est surmonté d’un lanternon conique.
Pigeonnier du château de La Mothe en Lot-et-Garonne. / DDM
Lot-et-Garonne
La fierté du château de La Mothe. L’Agenais compte environ 900 pigeonniers, la plupart construits entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Ce pigeonnier sur quatre piles daterait de la fin du XVIe siècle et serait donc antérieur au château, édifié à Villeneuve-sur-Lot, pour le marquis Jean-Joseph Fumel à la fin du XVIIIe siècle et dont la construction a été interrompue par la Révolution
Pigeonnier sur piliers à Labastide-de-Lévis dans le Tarn. / DDM
Tarn
Le pigeonnier sur piliers de Labastide-de-Lévis. Passionné par le patrimoine rural, Michel Lucien a recensé 1 700 pigeonniers dans le Tarn et établi une riche collection de boulins, épis de faîtage… habituellement visible à Lombers.
Denses en Bas-Quercy et nombreux dans le Tarn, les pigeonniers sur piliers et colonnes sont de forme quadrangulaire pour les plus courants, hexagonale pour les plus raffinés.
À Labastide-de-Lévis, les huit piliers de grès sont surmontés d’un chapiteau renversé et creux, le capel, destiné à arrêter les prédateurs, rats, belettes et autres putois friands des œufs et jeunes pigeonneaux.
Labastide-de-Lévis : Le pigeonnier de la Gieussonié avant sa restauration. / DDM
Bâtie en pierre enduite de chaux, la volière est surmontée d’une toiture pyramidale à quatre pentes, couverte de tuiles plates et ornée d’une lucarne qui sert d’entrée aux pigeons.
Le pigeonnier de Lavaur, reposant sur des piliers ronds en briques moulées, possède un remarquable colombage à damier.
Pigeonnier-tour de Montauban en Tarn-et-Garonne. / DDM
Tarn-et-Garonne
Construit en 1546 dans l’ancienne abbaye de Montauriol, le colombier, surmonté de trois échauguettes en encorbellement, de deux chiens-assis et de créneaux, a grande allure. Le doyen des pigeonniers montalbanais est d’ailleurs le dernier vestige de l’abbaye médiévale détruite pendant les guerres de religion.
Pigeonnier du Pré de Millet à Graulhet / DDM
Le sens de l'ornement
Le pigeon, fléau des villes, bénéficiait à la campagne d’une demeure privilégiée et d’un confort ignoré de ses voisins de basse-cour. Les nichoirs, appelés boulins, sont conçus pour recevoir le couple de pigeons et sa couvée.
D’une notable diversité (nichoirs tressés en osier et accrochés au mur, potiches de terre cuite encastrées, tuiles canal…), ils seraient à l’origine de l’expression médiévale « se faire pigeonner » : des boulins surnuméraires étaient rajoutés pour alourdir la dot de la mariée.
Labastide-Saint-Georges : Le pigeonnier en cours de restauration. / Photo DDM, J-C C
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