La baguette française à l'Unesco

1/12/2022

Publié le 01/12/2022 à 06:33 | La Dépêche du Midi | L'édito par Jean-Claude Souléry

Marchons à la baguette !

Lionel Bonnicart, le boulanger de la Fabrique du pâtissier à Agen. / DDM - Morad Cherchari

La baguette sous le bras, un béret sur la tête. Combien de fois a-t-on représenté le Français dans cette attitude à la fois paisible et un brin franchouillarde ! C’était sans doute un film en noir et blanc, du Jacques Tati en quelque sorte, comme pour résumer un piéton sans souci pour qui l’essentiel se résumerait en cette baguette de pain rassurante.

Sans doute l’époque a bien changé. Mais ce même Français considère toujours « son » pain frais du matin comme un symbole de bien-être. Nous sommes le pays qui consomme le plus de pain au monde pour accompagner nos repas et, malgré les réticences des régimes «taille fine», nous ne nous sommes toujours pas lassés de ce symbole familier. Il s’en fabrique 6 milliards chaque année, c’est dire notre appétence.

Symbole du savoir-vivre français, la baguette entre au patrimoine de l’humanité / DDM

Il n’en fallait pas davantage pour que cette tradition s’inscrive au patrimoine immatériel de l’humanité. Après tout, il y a dans la baguette une bonne dose d’humanité, cette mie tendre, cette croûte qui craque sous la dent, cette odeur réconfortante venant du four, toute une impression unique de friandise bon marché qui régale le palais et comble l’appétit. Sans oublier, bien sûr, le savoir-faire de milliers d’artisans boulangers qui, tôt le matin, œuvrent devant le fournil pour parfaire notre pain, quels que soient sa forme et ses ingrédients.

Autant dire que la récompense tombe à point nommé et qu’elle pourrait redonner du cœur à l’ouvrage pour une profession qui connaît aujourd’hui quelques raisons de douter. Car, derrière cette reconnaissance justifiée, et malgré l’effort des gens du métier, l’horizon n’est pas aussi serein qu’on pourrait le penser. La boulangerie artisanale, celle qui nous offre le «vrai» pain, fait face à l’industrialisation de la baguette qui réduit son coût – mais aussi son goût.

La baguette française possède une riche histoire. / DDM 31

La bataille se joue à armes inégales, et il n’est pas rare que des boulangeries ferment leur porte : la France a perdu bon nombre d’artisans, notamment en milieu rural, là où ils ne peuvent plus lutter contre la machinerie du pain fabriqué et congelé en masse, le pain des supermarchés dont le prix défie toute concurrence. À cette difficulté majeure s’ajoute la hausse du coût des matières premières, le blé et donc la farine, qui pénalise forcément la petite entreprise artisanale.

Ainsi, cette promotion internationale de la baguette française doit surtout être l’occasion de la sauver en aidant la profession – et si cette demande de coup de pouce s’adresse aux pouvoirs publics, elle nous concerne aussi puisque le consommateur que nous sommes doit impérativement retrouver le chemin odorant des vraies boulangeries, et, puisqu’il s’agit d’un aliment essentiel, payer au juste prix son pain quotidien. Bref, marchons à la baguette !

La baguette, avec sa croûte croustillante et sa mie moelleuse, emblème dans le monde de la vie quotidienne des Français / DDM 31