Décès de Pierre Soulages

3/11/2022


Publié le 27/10/2022 à 07:01  | La Dépêche du Midi |  L'édito Jean-Claude Souléry

Lumineux


Pierre Soulages, maître de "l'outrenoir" / DDM, José A. Torres

Il avait changé la couleur du deuil. 
Grâce à lui, le noir n’était plus noir, mais source de lumière. Pierre Soulages est ainsi mort dans la fantastique lumière de son art. La France est orpheline d’un de ses plus grands artistes, un des rares en effet qui soit reconnu comme un maître, et respecté comme tel au-delà des frontières.

Il y avait chez lui une véritable sagesse qui ne tenait pas seulement de son âge avancé mais davantage du regard qu’il portait sur le monde, sur la civilisation et sur la compréhension qu’il en avait - sachant que l’humanité remonte à la nuit des temps et que, dans ses cavernes les plus obscures, elle avait déjà inventé le « big bang » de son histoire : l’art de créer, l’art de transformer la nature, et d’imaginer à partir de la matière ce qui devait l’interroger, l’émouvoir, la sublimer.

Que nous importe en définitive ce que les œuvres de Pierre Soulages valent en dollars. Elles s’inscrivent d’abord dans une continuité qui, précisément, n’a pas de prix. Elles participent d’une œuvre entamée bien avant sa naissance, et dont il fut un inégalable passeur. C’est pourquoi elle survivra bien après lui.


Une photo de Pierre sur le musée Soulages à Rodez / DDM

Son obsession de transformer le noir en lumière, d’épuiser par le noir et au-delà du noir toutes les ressources de son art, sa technique d’artisan acharné armé de spatules et de brosses qu’il fabriquait lui-même pour mieux éclairer et façonner la matière, ont fait de Pierre Soulages l’artiste à part, consacré de son vivant, exposé dans tous les grands musées du monde, celui dont les toiles vivent et se transforment par la lumière, et se racontent différemment pour qui les regarde au point de parfois toucher les «régions secrètes et essentielles» de l’âme.

Mais, derrière le maître qu’encensaient les critiques, derrière l’Occitan revenu sur le tard vers ses terres d’origines, se cachait un homme de cœur, rigoureux, sensible et provincial, s’il le fallait doué d’humilité, parfois austère, un vieux et grand Monsieur (1,90 m) vêtu de noir qui ouvrait en de rares moments les portes de son atelier sétois, et alors parlait d’art, de rugby, de vieillesse, d’Aveyron et de soleil.

Désormais, il est temps de revenir encore une fois au musée Soulages de Rodez. Un morceau lumineux du siècle vient de s’éteindre.


Les vitraux de Conques, l’autre grand œuvre de Pierre Soulages / DDM
 

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