Robert Badinter, conscience de la République
Publié le 10/02/2024 | La Dépêche du Midi | Lionel Laparade
Robert Badinter, l’homme aux mille vies
Robert Badinter le 19 avril 2018. / DDM, Afp -Joel Saget
Nul, sinon ses intimes, ne connaît l’heure exacte, mais sentant la mort l’étreindre dans la nuit du 8 au 9 février, Robert Badinter s’est peut-être dit que cette fois, "c’est bien fini", que pour lui, l’homme aux mille vies, la toute dernière était sur le point de s’achever.
Robert Badinter nous a quittés à l’âge de 95 ans, et avec lui une certaine idée de la France, de la politique, de la gauche, de la justice, de la République ou encore de l’humanisme. C’est un géant qui s’en va, et dans les temps troublés et incertains où survient son départ, l’héritage qu’il nous laisse est un trésor national, et son parcours une source d’inspiration pour chacun d’entre nous.
L'ancien ministre socialiste de la Justice de François Mitterrand s'est éteint à 95 ans / DDM, Pool - Ian Langsdon
Passé de vie à trépas, Robert Badinter, sans qu’il le sache encore, chemine probablement en direction du Panthéon, c’est en tout cas notre espoir et l’honneur qui lui revient.
"C’est fini…". Ces mots ordinaires pavent le presque siècle de sa foisonnante existence, clôturant un chapitre de son histoire romanesque pour faire place à un nouveau, en signe de résilience, de révolte, d’engagement, et quelquefois d’abandon aux hasards ou aux épreuves de la vie.
Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, garde des Sceaux, monte à la tribune et prononce un discours historique enflammé de deux heures pour demander à l’Assemblée nationale de voter l’abolition de la peine de mort en France. / AFP - DOMINIQUE FAGET
Robert Badinter était venu à Carcassonne, en mai 1997 / DDM, Pierre Davy
De Paris à Toulouse, les réactions politiques ont été nombreuses ce vendredi à la mort de Robert Badinter. Hommages unanimes de la classe politique. Extraits :
« Le pays des Lumières perd l’un de ceux qui a continué à les faire briller.» [Gabriel Attal, Premier ministre]
«Immense avocat, garde des Sceaux visionnaire et courageux, Robert Badinter incarnait notre République et ses valeurs.» [Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, garde des Sceaux]
« Conciliant la sagesse à la passion, il a, dans toutes les fonctions qu’il a exercées, dans toutes les causes qu’il a plaidées, fait progresser le droit et l’humanisme au plan national et international ». [Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel]
« Dans les blessures de son enfance meurtrie par la Shoah et l’antisémitisme, il a puisé une force de conviction inébranlable, une rigueur intellectuelle intransigeante et un humanisme inspirant pour tous.» [Carole Delga, présidente de la Région Occitanie]
« Je salue le parcours exceptionnel et la mémoire de Robert Badinter... Aujourd’hui, la France perd un grand homme d’État.» [Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse]
En 2001 au Parlement européen. / DDM, Afp - Damien Meyer
Se racontant lui-même, notamment dans "Idiss", le livre qu’il a consacré à sa grand-mère maternelle chérie, il a souvent décrit son passage dans ce monde comme une succession de tiroirs qui s’ouvrent et qui se ferment, et dont l’ensemble forme l’œuvre monumentale de Robert Badinter, fils de parents juifs exilés de Bessarabie, avocat, ministre, écrivain, sénateur ou encore président du Conseil constitutionnel.
Le 9 octobre 2021 pour le 40e anniversaire de l'abolition de la peine de mort. / DDM, Pool - Ian Langsdon
Fuir Paris et les Allemands en 1942, apprendre la capture du père dans une rafle à Lyon dont il ne reviendra jamais : les épreuves ont façonné l’homme, mais de tous les "c’est fini" de sa vie, Robert Badinter dans ses mémoires réserve une place à part à celui qui a bouleversé son destin et celui de la France :
"Il était 12 h 50, le 30 septembre 1981, quand après l’Assemblée, le Sénat a voté l’abolition de la peine de mort. Je suis sorti du Sénat, il faisait beau. Je suis rentré à la maison à pied, en me disant que, désormais, c’est fini".
La mort de Robert Badinter est une mauvaise nouvelle. C’est une lumière qui s’éteint dans un monde où rôdent les ténèbres.
En 1985, Robert Badinter, alors ministre de la Justice, avec François Mitterrand. / DDM, Afp - Pierre Verdy
Profondément humain et passionné de justice, homme de convictions, il a vu vaciller, au soir de sa vie, tout ce qui a fait la grandeur et la noblesse de ses combats et de ses engagements.
Gauche déboussolée, réminiscence abjecte d’un antisémitisme rampant ou assumé, populisme ignominieux prônant le retour de la peine capitale, avènement du tribunal populaire sur les réseaux sociaux : le Sage était devenu une énigme parmi ses contemporains égarés, et malgré l’immense vide intellectuel qu’il laisse, sans doute vaut-il mieux, en définitive, qu’il n’en voit pas davantage.
"C’est donc fini". Robert Badinter n’est plus, il a quitté les vivants. On voudrait croire à son immortalité…
17 septembre 1981, Robert Badinter, garde des Sceaux
Robert Badinter, combattant et conscience de la République >
https://www.ladepeche.fr/2024/02/10/dossier-robert-badinter-combattant-et-conscience-de-la-republique-11755724.php
Un hommage national sera rendu mercredi 14 février sur la place Vendôme à Paris / DDM, Afp
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