Secrets d'ici : Toulouse Montaudran

18/5/2022


Publié le 28/03/2022 à 19:48  | La Dépêche du Midi |  Manon Haussy

Secrets d'ici : Redécouvrez la piste mythique des pionniers de l'aviation, à Toulouse Montaudran


La piste de Montaudran vue du ciel , au cœur d’un quartier en construction. / DDM - Manon Haussy

Notre rubrique vidéo "Secrets d'ici" dévoile des lieux majeurs de notre patrimoine régional. L’une des plus belles pages de l’aviation française s'est écrite à Toulouse Montaudran. Les pionniers de l’Aéropostale s’y sont envolés d’un champ. Inscrite en partie aux Monuments historiques, la piste est encore visible, au cœur d’un quartier en métamorphose.

Si l’on arpente ce long ruban d’asphalte de 1,8 km, enchâssé entre un lotissement moderne, au nord, et l’imposant bâtiment B612, au sud, difficile d’imaginer quel incroyable pan d’histoire s’y est bâti. À Montaudran, le long du périphérique toulousain, la Piste des Pionniers a été en partie préservée, comme en témoigne un tronçon de 800 m, inscrit au titre des Monuments historiques.

Tout autour, sont sortis de terre la Halle de la Machine, l’Envol des Pionniers, le cinéma multiplexe UGC et de hauts immeubles… Les piliers d’un nouveau quartier, Toulouse Aerospace. Le même site qui a vu jadis s’envoler Mermoz, Saint-Exupéry et Guillaumet.


Le centre de révision Air France assurait autrfois la maintenance des avions. / DDM, Musée Air France

Leur destinée s'est écrite par la volonté d’un seul homme au départ : Pierre-Georges Latécoère. En 1917, cet entrepreneur de Bagnères-de-Bigorre y installe la première entreprise de construction aéronautique de la région. Ce visionnaire autodidacte fabrique et livre des centaines d’avions à l’Armée. À la fin de la guerre, il a l’idée de développer le transport de courrier par voie aérienne. Il reconvertit ses appareils en avions civils et embauche les pilotes désœuvrés, de retour de la guerre.

Le premier vol d’étude a lieu le 25 décembre 1918, vers Barcelone. La piste n’est pas bitumée : il s’agit d’un champ herbeux, boueux les mauvais jours, balayé par le vent d’autan. Latécoère s’envole avec le pilote René Cornemont, tiré à quatre épingles, écharpe blanche au vent. À eux deux, ils réalisent l’irréalisable. Une opération marketing, filmée et photographiée, qui permet à l’entrepreneur de frapper les esprits et, l’année suivante, de convaincre le ministère de la Guerre de créer des liaisons vers les colonies.


Envol depuis la piste de Toulouse Montaudran, en 1922. / DDM

Le 9 mars 1919, Henri Lemaître rallie Casablanca avec un bouquet de violettes et un exemplaire du journal, pour attester de la rapidité du vol. Suivront Rabat, Fez, Oran, Dakar... Les lignes Latécoère réduisent la durée d’acheminement du courrier de plusieurs semaines à quelques jours. Une révolution dans les échanges entre les hommes.

Le directeur Didier Daurat est très exigeant sur le recrutement. Même les pilotes plus aguerris, tels que « l’Archange » Jean Mermoz, sont remis à leur place et engagés d’abord comme mécaniciens, pour forcer leur humilité. « Je n'ai pas besoin d'artistes de cirque, mais de conducteurs d'autobus », dit-il. Le transport de courrier est une affaire sérieuse, les cabrioles ne sont pas les bienvenues.

En 1927, Latécoère vend ses actifs à l’homme d’affaires Marcel Bouilloux-Lafont, qui crée la Compagnie Générale Aéropostale.


L’histoire de Toulouse-Montaudran à l’ère de l’Aéropostale. / DDM

L’apogée de l’Aéropostale
Les années Trente marquent les plus belles heures de l’Aéropostale, avec le début des liaisons vers l’Amérique du Sud. Les 12 et 13 mai 1930, Mermoz traverse l’océan Atlantique sur un hydravion Latécoère 28.3.

« On délivrait du courrier sur trois continents, avec 28 escales et 9 pays traversés jusqu’à Santiago du Chili », explique Fabrice Cruz, animateur à l’Envol des Pionniers. Ce musée est installé dans ce qui était autrefois le Magasin Général, où étaient stockées les pièces d'avions. Il perpétue la mémoire de celles et ceux qui ont participé à cette aventure, parfois au péril de leurs vies.

Des explorateurs du ciel, aussi courageux et marquants qu’un Gagarine. « Ils ont survolé le désert, traversé l’Océan, la Cordillère des Andes, en s’envolant depuis ce champ, dans des avions tremblotants, en toile et en bois », s’enthousiasme Fabrice Cruz. Jusqu’à 1 500 personnes travaillent simultanément pour l'Aéropostale, parmi lesquelles 80 pilotes et 250 mécaniciens.


Fabrice Cruz, en tenue de pilote, est animateur au musée L’Envol des Pionniers. / DDM - LAURENT DARD

La page Air France
L’Aéropostale est mise en liquidation en 1931, en partie à cause de la Grande Dépression. Elle est intégrée à Air France. Une page se tourne pour le site, qui accueille ensuite le centre de révision de la compagnie. La piste est renforcée, allongée, puis bitumée, pour accueillir les avions en maintenance jusqu’en 2003.

Le centre de révision Air France assurait la maintenance des avions. Le centre de révision Air France assurait la maintenance des avions. Collection Musée Air France
L’histoire de cette piste se mêle ainsi à celle des compagnies aériennes, de la construction aéronautique et même du spatial. L’innovation s’y est nourrie de l’audace et a fait germer, indirectement, dans son voisinage immédiat, des institutions telles que l’Enac, Supaero ou le Cnes.


Sur la piste des Géants avec la Halle de la Machine. / Photo DDM, Xavier de Fenoyl
 

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