Décès de Valéry Giscard d'Estaing

4/12/2020

Décès de Valéry Giscard d'Estaing
 Publié le 02/12/2020 à 08:50| La Dépêche du Midi |  Dominique Delpiroux (Extraits)

Valéry Giscard d'Estaing (1926-2020) :
La vie, le pouvoir, et l'après...



Valéry Giscard d'Estaing a laissé une trace indélébile dans le paysage politique français / DDM

De l'Allemagne où il est né, à l'Auvergne où il a bâti une grande partie de sa carrière politique, en passant par l'Elysée, qu'il a occupé pendant sept ans, Valéry Giscard d'Estaing a laissé une trace indélébile dans le paysage politique français.

Giscard a collectionné les superlatifs et les premières places. Il a eu tous les honneurs, tous les atouts, tous les feux verts. Et pourtant, son échec à l’élection présidentielle de 1981 face à François Mitterrand l’aura crucifié. Il ne l’a jamais admis, jamais compris, jamais digéré. Une blessure qu’il porte depuis près de quarante ans : « Au revoir… ».

C’était l’échec d’un surdoué qui ne doutait de rien et surtout pas de lui-même. Celui d’un enfant gâté à qui on arrachait brusquement son doudou. Un désamour de la part des Français qui le placera pour les décennies à suivre dans le rôle d’un revenant, qui n’aura plus à hanter que sa terre d’élection : l’Auvergne.

À nous deux, la France (1926-1974)
Enfant gâté ? On peut le croire. Valéry René Marie Georges Giscard d’Estaing naît le 2 février 1926 à Coblence, en Allemagne. Dans cet après-guerre, la Rhénanie est occupée par les Français et le papa du petit Valéry est directeur des finances du haut-commissariat dans les provinces du Rhin. Déjà, les finances… Et déjà, le pouvoir, quelle que soit la branche de la famille vers laquelle on se tourne.


Valéry Giscard d'Estaing, lors des élections présidentielles de 1974.Valéry Giscard d'Estaing, lors des élections présidentielles de 1974. / DDM, AFP 

Le père, Edmond Giscard, haut fonctionnaire, fils de magistrat, vient tout juste, en 1922, d’être autorisé par le Conseil d’État (où siégera un de ses frères) à « relever », comme on dit, le nom de sa trisaïeule Lucie-Madeleine d’Estaing de Réquistat Dubuisson, comtesse de La Tour Fondue. Désormais, la famille s’appellera Giscard d’Estaing. La boucle sera bouclée lorsque, près d’un siècle plus tard, en 2005, VGE rachètera le château historique de la famille, à Estaing, en Aveyron, alors qu’elle possédait déjà le château de Murol, en Auvergne, autre résidence des Estaing.

Puissante lignée aussi du côté de sa mère : May Bardoux, disparue en 2003 à l’âge de 101 ans. Elle est la fille du député Jacques Bardoux et petite-fille d’Agénor Bardoux, ministre de l’Instruction publique sous la IIIe République. Si l’on épluche les branches de l’arbre familial de ce côté-là, on devrait tomber sur une certaine Adélaïde de Saint-Germain, fille surprise d’une maîtresse de Louis XV… Un détail généalogique que Valéry Giscard d’Estaing se plaisait à suggérer, et qui fit, pendant longtemps, les choux gras du Canard Enchaîné, qui moquait les coquetteries aristocratiques du président de la République française !

La noblesse, on la trouvera aussi du côté d’Anne-Aymone. Les Français n’ont pas oublié ce prénom fleuri, peu se souviennent que le nom de jeune fille de cette Première Dame était Anne-Aymone Sauvage de Brantes, fille du comte François Sauvage de Brantes, colonel de cavalerie, Résistant, mort au camp de Melk-Mauthausen et de la comtesse, née princesse Aymone de Faucigny-Lucinge, descendante du roi Charles X. 
Que de sang bleu !


Valéry Giscard d'Estaing aura connu un parcours politique très riche tout au long de sa vie./ DDM

La famille de Brantes possède le « Château de l’Étoile », à Authon, dans le Loir-et-Cher. C’est là que, au printemps 2020, le couple a passé le confinement, c’était dans la chapelle de ce manoir que leurs noces religieuses avaient été célébrées en 1952.

Le jeune homme étudie dans les lycées Janson de Sailly dans la capitale et Blaise Pascal en Auvergne. L’élève est brillant et décroche son bachot à 16 ans. Polytechnique lui tend les bras. Mais à la Libération de Paris, alors qu’il a 18 ans, le jeune surdoué participe à la rébellion, puis s’engage : le brigadier Giscard est remarqué pour son calme et son courage.

Après 8 mois de campagne, il est décoré de la Croix de Guerre. Puis il reprend ses études : Polytechnique et la toute nouvelle ENA, l’École Nationale d’Administration. À partir de là, les choses vont aller assez vite. À 29 ans, ce « sherpa » qui a fait ses classes à l’Inspection générale des finances auprès d’Antoine Pinay, entre au cabinet d’Edgar Faure alors président du Conseil d’une IVe République exsangue.

La politique le titille. La circonscription de son beau-père qui la tenait lui-même de son père lui tend les bras. Comme Chirac (ou Hollande) avec la Corrèze, comme Mitterrand avec la Nièvre, Giscard va s’ancrer dans cette terre auvergnate à l’ouest de Clermont. C’est là qu’il est né en politique, à 30 ans, et c’est là qu’il renaîtra une deuxième fois, après son échec face à Mitterrand, comme si la deuxième circonscription du Puy-de-Dôme avait la faculté de recharger ses batteries. 



Le 29 novembre 1974, la ministre de la santé Simone Veil est reçu à l’Elysée par le Président Valery Giscard d’Estaing. / SO, © Crédit photo : AFP

En tout cas, ce brillant inspecteur des finances doublé d’un tout jeune député épate l’équipe qui s’installe au pouvoir en 1958, autour du Général pour mettre sur les rails la Cinquième République. 
De Gaulle fait appel au vieil Antoine Pinay, qui doit sauver les meubles et surtout la monnaie nationale : c’est lui qui va piloter l’arrivée du « nouveau franc ».

Pinay choisit Giscard pour le seconder, avec le titre, déjà ronflant pour un garçon de 32 ans, de secrétaire d’État aux Finances. De Gaulle a l’œil. Il comprend vite que c’est Giscard qui fait le job. Le jeune homme frais émoulu des écoles apprend très vite.

En 1960, Pinay, partisan de l’Algérie française, démissionne. Giscard est en retrait, jusqu’en 1962 : à l’occasion d’un remaniement, il est nommé Ministre des Finances, à 36 ans, le plus jeune de la Ve République. Il va lancer un plan de stabilisation de la monnaie pour tenter de freiner - déjà - la hausse des prix. Cela marche, mais au prix d’un ralentissement de l’économie. Giscard est montré du doigt. Et remercié.

Cette prise de distance avec de Gaulle est aussi marquée politiquement. Giscard se situe à droite, certes, mais il a pris la tête des Républicains indépendants. Moins interventionnistes, plus « libéraux » que les gaullistes, ils marquent leur différence. 


A Mazamet, le 17 novembre 1979 / AD81

De quoi inspirer une chanson satirique de Jean Ferrat : « À quoi peut bien servir un jeune Républicain Indépendant ! » Pendant cette période, les RI sont une force d’appoint aux gaullistes, mais ils attendent leur heure, ne sachant sans doute pas qu’elle viendra plus vite que prévu, un certain jour de 1974.

En 1968, tempête sur la Cinquième République. De Gaulle grogne et rogne, va se confier à Massu, enguirlande Pompidou. L’année suivante, il propose un référendum sur la décentralisation. Il le perd. Les Français congédient de Gaulle, mais font revenir le gaullisme par la grande porte de l’Élysée avec Pompidou. Sacrés Français !

Pendant cette période, Giscard s’est retiré sur son Aventin auvergnat. Avec l’élection de Pompidou et Chaban-Delmas Premier ministre, il retrouve son ministère au Louvre, où se trouvait le Ministère des Finances avant son déménagement à Bercy.

Sa première opération sera un coup de tonnerre : le franc est dévalué de 11 %. L’opération a été menée en secret, pour éviter toute spéculation. Les Français sont surpris et surtout chagrinés de voir leur monnaie ainsi « rabaissée Dans le même temps, Giscard cherche (déjà !) à retrouver l’équilibre budgétaire. Difficile, d’autant plus difficile qu’à cette époque survient le premier choc pétrolier, et donc avec lui, une hausse des prix inévitable : les Français râlent.


La visite de Valéry Giscard d'Estaing à Villeneuve-sur-Lot en mai 1979 / DDM, Jacques Russ

Et puis, il y a de l’eau dans le gaz entre Chaban-Delmas et Giscard. Le premier, gaulliste social, a un petit côté dirigiste dont le libéral argentier se méfie. Chaban se fâche aussi avec Pompidou, et démissionne. Avec le bon Pierre Messmer, Giscard retrouve des coudées franches dans sa boutique. Jeune, moderne, visionnaire… Pourtant, il veut s’opposer au projet de TGV, lui préférant… l’aérotrain. Pompidou tranche pour le TGV qui sera une grande réussite française. L’aérotrain, lui, restera une pittoresque impasse technologique.

Au début des années 70, la télévision clignote désormais dans presque tous les foyers. La couleur a fait son apparition. La troisième chaîne débarque. Désormais, la France entière communie à 20 heures devant le journal télévisé. Et cela, Giscard l’a bien compris. Le ministre des Finances s’invite donc régulièrement sur les chaînes de l’ORTF pour expliquer sa politique. Il présente des courbes, des schémas, des graphiques. Son style est simple et décontracté. C’est la première fois qu’un ministre vient ainsi s’inviter dans le salon de ses compatriotes.

Il fait la causette, très naturellement. On commence à le trouver plus sympa que toutes les vieilles barbes de la politique. Giscard, lui, qui est pourtant le parfait bourgeois mâtiné d’aristocratie sait causer au peuple. On moque son prénom, « Valéry », quand il n’y a que les filles pour être ainsi prénommée, et on ignore qu’il s’agit là de celui de son grand-père. On sourit sous cape car sa femme s’appelle Anne-Aymone, une de ses filles Valérie-Anne et l’autre Jacinte. Et on les trouve empotées… À lui, on lui trouve un certain charme.


Valéry Giscard d'Estaing, avec Yvette Horner.Valéry Giscard d'Estaing, avec Yvette Horner. / AFP - DANIEL JANIN

Bref, tranquillement, malicieusement, presque en douce, Giscard se glisse dans le quotidien des Français. Il manie parfaitement l’instrument télévision, là où de Gaulle était pétrifié et Pompidou momifié. C’est un séducteur, fin tacticien, qui sait faire croire à son interlocuteur qu’il est la personne la plus importante au monde.

Sans doute attendait-il l’heure, mais pas si tôt. Le 2 avril 1974, vers 22 heures, les télés s’éteignent, la radio diffuse de la musique classique... Georges Pompidou vient de mourir d’une forme rare de leucémie. Sa maladie avait été gardée secrète, même si de nombreux bruits couraient autour de sa santé. La porte de l’Elysée s’ouvre en grand. Et on se bouscule au portillon. Chaban, bien sûr, qui s’était mis « en réserve de la République » après son désaccord avec Pompidou. 

Dans l’autre camp, à gauche, François Mitterrand a réuni avec le Programme commun une union quasi-sacrée avec les communistes et les radicaux de gauche. Messmer se retire, Faure aussi, reste Chaban, et surtout Giscard qui arrive comme une fleur. La jeunesse bourgeoise le plébiscite : « Giscard à la barre ! » chante-t-elle. Charles Aznavour, Sylvie Vartan, Mireille Mathieu, Sheila et bien d’autres vedettes le soutiennent.


Le 21 mai 1981 au palais de l’Elysée du président sortant Valery Giscard d’Estaing raccompagné par son successeur François Mitterrand lors de la passation de pouvoir. / SO © Crédit photo : AFP

Chaban s’étrangle. D’autant qu’un certain Jacques Chirac, petit nouveau aux dents longues, va tourner le dos à sa famille gaulliste et rallier l’accordéoniste de Chamalières. Qui lui, veut « regarder la France au fond des yeux. »

Au premier tour, Chaban est sèchement éliminé : 15 % contre 32 % à Giscard. Sans appel. Malgré ses 43 % au premier tour, Mitterrand va échouer au deuxième tour, pour 400 000 voix, le plus petit écart jamais enregistré dans la Ve République, pour l’élection qui a rassemblé le plus de votants !
À quoi s’est joué cet epsilon décisif ? Peut-être à la phrase torpille de Giscard à Mitterrand lors du débat télévisé d’entre deux tours : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ».


Giscard d’Estaing était venu au palais des congrès de Mazamet e 19 novembre 1979 annoncer son plan de relance du grand sud-ouest. / DDM
 
Un septennat de la lumière aux ombres (1974-1981)
La France, comme le dira Coluche, était coupée en deux, et à gauche, la déception était cruelle après une bataille aussi serrée. Mais les premiers mois du septennat de Giscard sont comme une bulle d’air frais, après quinze ans d’un gaullisme rigide et autoritaire. On change d’époque, on tourne une page, un léger soupçon de modernité s’installe. 

Giscard rêve d’être le Kennedy à la française. D’ailleurs, ne dit-on pas VGE comme on disait JFK ?

Première mesure emblématique : la majorité passe à 18 ans, les jeunes sautent de joie. Son gouvernement (dont Jacques Chirac est le Premier Ministre) comprend quelques fidèles grognards, comme Michel Poniatowski ou Robert Galley. Cependant, il s’aère, avec Françoise Giroud, la patronne de l’Express qui devient la première secrétaire d’État à la condition féminine : elle fera voter les premières lois d’égalité hommes-femmes au travail.  

Simone Veil, elle, vient de la société civile. Et conduira la réforme sans doute la plus emblématique du septennat, la légalisation de l’IVG. Elle devra subir bien des affronts, bien des insultes. Elle recevra aussi des soutiens discrets, tels que celui du Premier ministre. Giscard, lui, va perdre inévitablement le soutien d’une partie des catholiques radicaux, qui ne lui pardonneront jamais, ni à lui, ni à « l’avorteuse ».


20 avril 1981 : un président en campagne à Auch, André Daguin (à sa droite) / DDM

On sent aussi une respiration du côté de la culture. La censure s’assouplit. Sur les écrans, on passe du coquin « Emmanuelle » au très salé « Gorges profondes ». On promet (une fois de plus !) de supprimer les écoutes téléphoniques.

Giscard continue, dans les premières années, de surfer sur son image. Il organise des déjeuners chez les Français, où les caméras de télé viennent grappiller les dialogues entre le chef de l’État et des citoyens lambda dans leur quart d’heure de gloire. Un jour, il convie les éboueurs du quartier de l’Elysée à un petit-déjeuner sous les ors du palais présidentiel. Ces travailleurs immigrés sont d’autant plus intimidés, que là encore, comme par hasard, une caméra de télé s’était égarée entre le thé, l’argenterie et les croissants.

Avec le temps, l’effet Giscard va s’émousser. Les Français vont se lasser de ce qu’ils commencent à considérer (déjà !) comme de la politique-gadget. Les « Trente Glorieuses » touchent à leur fin. Les difficultés économiques sont là et l’inflation repart.

Jacques Chirac, lui, poursuit son ambition personnelle. L’entourloupe faite à Chaban lui a donné un propulseur pour devenir Premier ministre. Mais il est temps pour lui de jouer cavalier seul. Il va, à la grande surprise de Giscard, qui lui aussi aura l’impression d’avoir été trahi, poser sa démission. Et partir conquérir la mairie de Paris... On connaît la suite.


Visite à Mazamet, le 17 novembre 1979 en tant que Président de la République / Photo AD81

Giscard va alors opérer un choix que d’aucuns trouveront toujours curieux. Il va choisir comme Premier ministre un certain Raymond Barre, professeur d’université, que personne à part les étudiants en économie ayant consciencieusement potassé « le Barre », ne connaissait. 
Premier ministre le 25 août 1976, et Valéry Giscard d’Estaing assure les Français qu’il est « le meilleur économiste de France ».

Peut-être. Mais pas le meilleur diplomate. Il entame tout de suite une politique de rigueur, serre les boulons, et fait la morale. « La France vit au-dessus » de ses moyens, claironne-t-il. L’œil mi-clos, la lippe dédaigneuse, le ton sentencieux, il va rapidement devenir impopulaire. Et à son départ, l’inflation sera de 16 % !

Giscard lui laisse les manettes et s’occupe du Monde. Il soutient la politique arabe de la France comme ses prédécesseurs. Lui qui autrefois était partisan de l’Algérie Française fera le premier voyage d’un chef d’État français sur le sol algérien. En Afrique, il donne son feu vert pour une opération sur Kolwezi, et les paras français libèrent 3000 otages.

En 1978, on a bien failli avoir... une première cohabitation, car la gauche n’a pas été loin de remporter les législatives. 
La fin de septennat est difficile pour Giscard, qui s’empêtre dans l’affaire des « diamants de Bokassa », un cadeau que lui aura fait le potentat de Centrafrique, à l’époque où il était ministre des Finances. L’histoire montrera que ces diamants avaient été rendus à des associations caritatives, mais à traiter l’affaire par le mépris, VGE se discrédite...


Valéry Giscard d'Estaing, en compagnie de Jean Bedel Bokassa.Valéry Giscard d'Estaing, en compagnie de Jean Bedel Bokassa. /  DDM, AFP

Ses safaris en Afrique scandalisent, les affaires louches - affaire de Broglie, affaire Boulin  - font tache. Malgré tout, quelques semaines avant l’élection présidentielle de 1981, les sondages le donnent gagnant, dans tous les cas de figures, face à François Mitterrand, qui une fois de plus a réussi à rassembler la gauche. La candidature de Coluche a fait long feu, torpillée de toutes parts par les émissaires discrets des candidats « sérieux ».

Au dernier moment, Jacques Chirac, qui décidément aura passé une décennie à faire et défaire les présidents, lui ouvre une chausse-trappe. Il dit qu’il votera pour lui, à titre personnel, laissant ses troupes libres. Pire ! En secret, il recommande aux membres du RPR de voter Mitterrand : Chirac vise évidemment le coup d’après.

Entre les deux tours, c’est le traditionnel débat. Et cette fois, c’est Giscard qui se fait cueillir lorsqu’il commence à aligner chiffres et statistiques : « Vous n’êtes pas le professeur et je ne suis pas l’élève », lui lance François Mitterrand, réponse du berger à la bergère, remâchée le temps d’un septennat.

Quelques jours après le 10 mai, Giscard revient à la télé. Lui qui, d’ordinaire, savait jouer de cet instrument de communication comme un virtuose, se plante. À la fin de son allocution, et après un sonore « Au revoir », il se lève de sa chaise, et sort ostensiblement du champ. À tout le moins théâtral, au pire pathétique.


Valéry Giscard d'Estaing : sa défaite de 1981, une libération pour les militants du Larzac / ML

Une vie après l’Elysée (1981-2020)
Le choc est rude. Il n’avait jusqu’alors pas connu d’échec. Il ressent une vraie blessure narcissique, lui, le séducteur, d’avoir été ainsi remercié par les Français. Sans doute n’avait-il pas vu que sa décontraction du début avait été petit à petit vécue comme une arrogance, sa distance comme un désintérêt. Il se retire au Mont Athos, au milieu des moines perchés, file se cacher dans les Rocheuses, au Canada...

Cela ne dure pas. Quand on a le virus de la politique comme lui, on revient toujours. Et VGE va revenir ! Il se fait élire au conseil général (départemental) dans le canton de Chamalières, son fief du Puy-de-Dôme, où il a été maire. Un score de sénateur lui souhaite la bienvenue. Giscard est de retour.

Malgré son élimination à la présidentielle, il reste un des ténors de l’opposition à Mitterrand. Un retour dans l’arène qui a un arrière-goût de couleuvre. Il lui faut bien retrouver, bon gré mal gré, le camp de Jacques Chirac ou Chaban-Delmas. Lors de la cohabitation, il veut devenir ministre des Finances. Refus de Chirac. Aux Affaires étrangères ? Mitterrand dit « niet ». Au « perchoir » ? C’est Chaban qui s’y colle... On ne peut s’empêcher de penser que là aussi, il y a des retours de services qui font mal.

Alors il va quitter la politique hexagonale pour mettre à la fois un pied sur l’Europe et un autre sur l’Auvergne ! Il sera à la fois député européen au début des années 90 et président de la Région Auvergne de 1986 à 2004. Sans oublier ses deux mandats de député de la deuxième puis de la troisième circonscription du Puy-de-Dôme, jusqu’en 2002. 


Valéry Giscard d'Estaing, en 1982. / DDM, AFP - PHILIPPE WOJAZER

Un observateur de la vie politique auvergnate se souvient de ces campagnes pendant les années 90... « Quand il se retrouvait à Rochefort-Montagne, il n’avait pas grand-chose à dire aux habitants. Alors il posait la question : « D’où venez-vous ? Et vous... Ah, de là, ah de là... » Et il enchaînait sur les routes, les difficultés de circuler l’hiver, le prix de l’essence... Et les gens l’écoutaient, le charme opérait entre l’ancien Président, et les paysans auvergnats... »

Il se battra ainsi pour le désenclavement de sa région, en y faisant bâtir pas moins de quatre autoroutes. Avec le temps, ses centres d’intérêt évoluent. Il se passionne pour des projets locaux, comme Vulcania, le parc de loisirs dédié au volcanisme dans le Massif Central, qu’il a porté à bout de bras. 
Quelques jours avant l’inauguration de Vulcania, un journaliste de la Montagne lui demande ce qu’il ressent : « Je suis comme un voyageur qui après de longs mois en mer, voit enfin les lueurs de son port d’attache ! »

L’Auvergne finit aussi par se lasser de lui. Il échoue à reprendre la mairie de Clermont à la gauche et perd la région en 2004. À 78 ans, il renonce à la bagarre politique et vient siéger au Conseil constitutionnel dont il était membre de droit, mais qu’il avait longtemps dédaigné.


Foix : en novembre 1979, Valéry Giscard d’Estaing chahuté lors de sa venue en Ariège / DDM, DR

La dernière grande aventure de VGE, ce sera l’Académie française. Pour tout dire, son œuvre littéraire reste assez limitée, et souvent sujette à critique. Enfin, « La Princesse et le Président » raconte ce qui pourrait être une « love story » entre la Princesse Diana et lui-même, et l’on devinait qu’à 82 ans, VGE n’avait rien perdu de son instinct de séducteur.

Séducteur ? Vraiment ? Ou harceleur ? Une journaliste allemande assure qu’il a eu un geste déplacé à son égard en 2018. Il ne s’en souvient pas...

Cela dit, celui qui apparaît au final comme un étrange personnage, a bien trouvé sous la Coupole, une place à sa démesure. 
Giscard constate : « Nos compatriotes réélisent ceux qui promettent beaucoup, et écartent ceux qui essaient de parler le langage de la vérité. La vertu du pouvoir est le miroir dans lequel les citoyens peuvent se regarder. »
Au fond des yeux.


En Aveyron, Estaing a perdu son châtelain / Photo DDM, Viviane Laporte


 

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