Mort de Maïté, reine des fourneaux
Mort de Maïté, reine des fourneaux
Publié le 22/12/2024 | La Dépêche du Midi | Philippe Rioux
Mort de Maïté : c’était la reine des fourneaux de la cuisine des Mousquetaires
Maïté (1938 - 2024) aux fourneaux / DDM
Marie-Thérèse Ordonez, plus connue sous le nom de Maïté, qui anima des émissions culinaires à succès durant quinze ans à la télévision, dont "La cuisine des Mousquetaires", est décédée samedi 21 décembre.
Retour sur le parcours hors normes de celle qui fut la cuisinière préférée des Français.
Elle a porté haut la cuisine traditionnelle du Sud-Ouest au point de devenir une star du petit écran et aujourd’hui encore des vidéos qu’on se partage sur internet.
L’histoire commence dans les Landes profondes, le 2 juin 1938 à Rion-des-Landes, où naît Marie-Thérèse Badet, fille de paysans.
Repérée à l’occasion d’un documentaire sur le rugby / Pascal Saura, Sipa
Après avoir quitté l’école à 14 ans, elle devient bonne puis employée à la SNCF, où elle annonçait à coups de trompe l’arrivée des trains aux ouvriers travaillant sur les voies.
« J’ai fait ça 22 ans », confiait-elle lors d’un portrait pour FR3 en 1989, évoquant ses années à la SNCF. « Je partais le matin jusqu’au soir avec mon mari, toute la journée. »
Un métier rude qui l’a menée de voie ferrée en voie ferrée, d’Ychoux jusqu’aux portes de Bayonne.
Cette vie de labeur, loin des projecteurs, a forgé son caractère bien trempé qui allait faire sa renommée.
Toute sa vie, Maïté a aimé pousser la chansonnette – ici en octobre 2016. / Janette Lamarque, SO
De la troisième mi-temps aux plateaux de FR3
C’est dans une troisième mi-temps de rugby, que le destin de Maïté a basculé. Cuisinière bénévole pour les joueurs de Rion-des-Landes, elle régalait une centaine de convives de ses plats généreux quand Patrice Bellot, réalisateur pour FR3 Aquitaine, la repère, en 1983.
Il cherchait alors un personnage capable d’incarner l’esprit des festins pantagruéliques du « Grand Dictionnaire de cuisine » d’Alexandre Dumas pour une émission qui allait devenir « La cuisine des Mousquetaires ».
La rencontre providentielle propulse Maïté sur le devant de la scène télévisuelle, dans le sillage de Raymond Oliver qui présenta la première émission de télévision consacrée à la cuisine, « Art et magie de la cuisine », avec Catherine Langeais.
Dans la cuisine des Mousquetaires / DDM
Maïté commence alors à animer l’émission culinaire en compagnie de Micheline Banzet-Lawton, qui joue la parisienne-bordelaise néophyte. La Landaise, qui a appris la cuisine par transmission, par observation, par amour des bons produits et des recettes qui mijotent, fait de l’absence de formation classique une vraie force. Le duo fait un tabac sur FR3 Aquitaine et l’émission se retrouve vite à l’antenne nationale en 1991, où la gouaille et l’accent de Maïté font des miracles sur l’audimat.
Maïté donnant un cours de découpe de canard gras lors d’une visite touristique à Rion-des-Landes, le 2 août 2006. / David Le Deodic, SO
« D’abord, de l’armagnac ! »
« D’abord, de l’armagnac ! » Cette formule, devenue sa signature, résonne alors comme un cri de guerre contre la nouvelle cuisine qu’elle exècre.
« C’est une horreur, c’est même honteux », déclarait-elle sans détour dans son portrait sur FR3. « On voit des choses servies dans des grandes assiettes, ils ne prennent même pas la précaution de le passer au beurre.
C’est affreux, vous sortez des boîtes, vous décorez, ça fait de la couleur, c’est du rouge, du vert, du jaune et du blanc, c’est très joli mais ça n’a aucun goût. »
Avec une anguille récalcitrante, scène culte, reine des bêtisiers TV / DDM
Tout le contraire de ce qu’elle veut faire dans sa cuisine-plateau télé ornée d’oiseaux empaillés, de casseroles en cuivre et de fusils de chasse. Derrière son plan de travail encombré de produits toujours frais, Maïté présente des recettes simples, traditionnelles, populaires et… très goûteuses, pour lesquelles on ne lésine jamais sur les quantités.
Plus d’un million de fidèles suivent cette messe rabelaisienne quotidienne où les flambages explosifs côtoient les découpes de sanglier, où les anguilles vivantes sont estourbies sous les yeux médusés des téléspectateurs.
À la foire internationale de Bordeaux en 2006. / DDM
Succès international
Du « burger landais », création iconoclaste garnie de foie gras poêlé et de magrets, aux recettes traditionnelles de cailles farcies au foie gras et de pigeons flambés à l’armagnac, Maïté célèbre ainsi une – sa – cuisine sans compromis, riche en saveurs et en caractère.
Cette humilité, cette simplicité désarmante font d’elle bien plus qu’une simple cuisinière de télévision : l’incarnation d’une France qui refuse de voir disparaître ses traditions culinaires, un symbole de résistance aussi face à la standardisation gastronomique.
Son succès dépasse d’ailleurs largement les frontières de l’Hexagone. De la Belgique au Canada, via TV5 Monde, ses recettes roboratives ont conquis les amoureux d’une cuisine authentique et généreuse.
Maïté avait quitté les fourneaux depuis la fin des années 2000. / Philippe Salvat, SO
Jean-Pierre Coffe et la bistronomie
Les années 1990 marquent d’ailleurs l’apogée de cette cuisine du terroir à la télévision. Maïté a ouvert la voie à d’autres personnalités hautes en couleur comme Jean-Pierre Coffe, pourfendeur de la malbouffe sur Canal +.
Cette période correspond aussi à l’émergence du mouvement « bistronomique », porté par des chefs comme Yves Camdeborde, qui prônaient un retour à une cuisine plus authentique et accessible.
Maïté dans son restaurant Chez Maïté à Rion-des-Landes / DDM
"Une ambassadrice de notre cuisine traditionnelle"
Touchée par une maladie neurodégénérative, Maïté s’était retirée des projecteurs, mais pas du cœur des Français, qui, à l’heure des repas de fête de fin d’année, se souviendront encore longtemps de la générosité, du talent et de l’authenticité de celle dont ils tenteront, peut-être, de refaire les succulentes recettes.
Une figure incontournable de la gastronomie du Sud-Ouest à la télévision / AFP
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