150 ans La Dépêche : Grippe espagnole
150 ans La Dépêche : Grippe espagnole
Publié le 29/03/2020 à 14:29 | La Dépêche du Midi | Pierre Mathieu
1918, l’appel au confinement de La Dépêche face à la propagation de la « grippe espagnole »
Archives de la Dépêche du Midi de 1918. / Otis Historical Archives, National Museum of Health and Medicine
En 1918, face à la propagation de la « grippe espagnole », La Dépêche proposait des mesures de confinement, fermeture des lycées, théâtres et cinémas. Et proposait une allocation pour les chômeurs.
Avant-propos : tous les dimanches, retrouvez notre page spéciale consacrée à l’anniversaire de La Dépêche du Midi, qui célèbre cette année ses 150 ans. Jusqu’en octobre, nous allons décliner les unes historiques, les grands événements, les signatures qui ont marqué l’histoire du journal.
La Première Guerre mondiale n’a plus que 10 jours devant elle. Près de 19 millions de soldats et civils n’en reviendront pas. C’est la plus grande catastrophe humanitaire de ce début du XXe siècle. Mais une autre se profile. Le 3 novembre 1918, alors que la victoire militaire française et alliée ne fait plus de doute, le quotidien de Toulouse titre en première page : « L’autre bataille à gagner ».
Archives de la Dépêche du Midi de 1918.
L’article s’inquiète : « On nous dit bien pour nous rassurer que la grippe de 1918 est moins meurtrière que celle de 1890, mais d’une part la grippe de 1890 ne revêtait pas le caractère foudroyant qu’a parfois celle de 1918, d’autre part rien n’indique qu’elle a atteint son apogée ».
On ne parle pas ici de « grippe espagnole », terme relevé dans L’Intransigeant, sept mois plus tôt, avec un diagnostic rassurant du Dr Legoux de l’Institut Pasteur : « Les symptômes sont une fatigue générale, une certaine élévation de la température pendant 3 à 5 jours, et parfois un rhume de cerveau, une angine et c’est tout, elle est très contagieuse. »
Une zone de couchage avec ses écrans anti-éternuements à San-Francisco. / DDM
Il est dès lors question d’un fléau. La Dépêche cherche les causes de sa propagation dans l’alimentation modifiée pendant la guerre. Le pain n’est plus « l’aliment complet qu’il était », le sucre est rationné, le prix du vin a conduit « beaucoup d’entre nous à se faire buveurs d’eau… ».
L’hygiène des villes, faute de personnel a été négligée, « et enfin il y a le mélange de tant de races accourues sur notre sol pour combattre ou travailler. »
En 1918, l’épidémie n’est pas venue d’Espagne (c’est simplement le pays qui en a parlé le premier) ni d’Asie, mais de l’ouest. « On pense que la grippe espagnole est apparue d’abord au Kansas où elle a contaminé de jeunes soldats américains, avant de traverser le pays et de prendre la mer pour l’Europe », rappelait « Le Figaro » en 2014.
Cette grippe espagnole qui venait des USA : 1919, paysans canadiens, port du masque obligatoire.
Quand l'histoire bégaie !...
Démobilisons les médecins, fermons les lycées !
En novembre 1918, dans la France aux campagnes décimées et aux villes appauvries, on cherche des remèdes. Pour freiner la propagation de la maladie, le chroniqueur de La Dépêche demande qu’on démobilise des médecins (que le front absorbe depuis quatre ans), et « qu’on ferme, pour un certain temps, les lycées et lieux de réunion, théâtres, cinémas, etc. (lire l’extrait ci-contre). Un avant-goût de confinement. Pour les « braves gens réduits au chômage, rien n’empêcherait de leur accorder une allocation spéciale, puisqu’il s’agit ici de l’intérêt public ».
Une fois l’armistice du 11 novembre signé, le pays se console de ses enfants disparus en érigeant des monuments aux morts. La grippe en fait tomber toujours plus, dans le silence. Des dizaines de millions de morts dans le monde, 240 000 en Fran ce, « On a cherché à ne pas trop en parler, pour ne pas provoquer une désorganisation », résumait l’historien Jean-Marc Moriceau dans La Dépêche du 22 mars dernier. Un silence meurtrier.
Un camp de l’armée américaine à Aix-Les-Bains accueille des malades de la grippe espagnole en 1918/ Photo U.S. Army Medical Corps, National Museum of Health & Medicine.
Extrait : « L’autre bataille à gagner », extrait de La Dépêche…
« Pour repousser ce nouvel ennemi, dont nous aurions dû prévoir la visite, sommes-nous suffisamment armés ?
Disons-le, les mesures prises par le gouvernement pour enrayer le fléau semblent quelque peu timides. Nous manquons par exemple de médecins. Que n’en démobilise-t-on provisoirement un certain nombre ? Que ne ferme-t-on, pour un certain temps, tous les lieux de réunion, théâtres, cinémas, etc ? On sait bien qu’une foule de braves gens se trouveraient du coup réduits au chômage.
Mais rien n’empêcherait de leur accorder une allocation spéciale, puisqu’il s’agit ici de l’intérêt public et que, n’est-il pas vrai, il vaut mieux souffrir un peu que mourir ? Pourquoi également ne licencierait-on pas les lycées et les écoles, sauf à retarder, si les études en souffrent, l’époque des vacances ?
Londres 1918. Les opératrices d’un standard téléphonique en pleine séance de bain de bouche désinfectant.
Il y a beaucoup d’autres mesures, strictement médicales qui paraissent s’imposer. C’est au conseil d’hygiène, c’est au corps médical qu’il appartient de les indiquer. Mais, pour Dieu, qu’on fasse vite, qu’on agisse, au lieu de se pencher sur les statistiques de mortalité et de proclamer que le fléau a disparu dès qu’à la fin d’une journée, on a constaté une diminution légère du nombre des cas. Il n’y faut qu’un peu de prévoyance et beaucoup de décision, et c’est, en somme, une autre bataille à gagner. »
De Toulouse à Paris, « La Dépêche » est au cœur des villes
De 1892 à 1979, le siège de « La Dépêche » était situé au 57 de la rue Bayard à Toulouse. Mais le journal s’étend en ville, retrouvant la rue d’Alsace-Lorraine de ses débuts (1ère installation de lumière électrique en 1881)…
Sur cette artère est inauguré, au 65, un hall commercial en 1912. En 1932, c’est au 42bis que s’élèvera l’immeuble commercial de Léon Jaussely couvert des mosaïques de Gentil et Bourdet.
Dès que La Dépêche inaugure son immeuble amiral rue Bayard à Toulouse, en 1892, une rédaction parisienne est installée, rue Feydeau. Et c’est en 1900 que de nouveaux bureaux sont investis au cœur battant de la capitale, 4 rue du fg Montmartre, face au restaurant Chartier.
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