Publié le 05/03/2003 à 00:00 | La Dépêche du Midi |
1930 : l'inondation du siècle
Le Tarn sous le pont vieux d'Albi lors de la crue de 1930 / DDM
En l'espace de deux jours, les eaux du Tarn, rejointes par celles de l'Aveyron et de la Garonne, provoquèrent une catastrophe qui ravagea tout le Tarn-et-Garonne. Jusqu'à ce jour, il n'y eut jamais un débordement d'une aussi effroyable ampleur, tant par les dégâts occasionnés que par le nombre de victimes.
POURQUOI ?
Un sol saturé, gorgé d'eau. « La Dépêche » de Toulouse indique « qu'il est tombé, en quatre jours, deux fois plus d'eau que dans les 28 jours précédents ».
Aux terres imbibées, il faut ajouter une quantité exceptionnelle de neige tombée sur les massifs dans les hautes régions où les cours d'eau prennent leur source. « 2 mètres en certains endroits dans les derniers jours de février », signale le même quotidien. Or, un vent chaud, provenant de la Méditerranée, se mit à souffler, entraînant une fonte rapide et massive de cette épaisse couche de neige.
En ce dimanche 2 mars 1930, l'eau monte considérablement. Les deux principaux cours d'eau, l'Agout et le Tarn, sont déjà en train de déferler sur Castres, Lavaur et Saint-Suplice-la-Pointe.
Dans cette dernière commune, l'Agout monte jusqu'à 22 mètres. A Rabastens, le Tarn atteint 18 mètres. Respectant le repos dominical, « les bureaux de poste, et le télégraphe sont, bien sûr, fermés. Mais le téléphone n'est pas d'un grand secours », témoigne Philippe Delvit (« Montauban, la ville vue du fleuve », Accord).
L'historien toulousain ajoute: « Le téléphone est, à l'époque, un objet rare mais surtout nombre de lignes ont été sectionées ou mises hors circuit par les intempéries, les chutes d'arbres et de branches, glissement de talus ». Mais même dans cette éventualité, l'alerte téléphonique ou télégraphique n'aurait pu éviter le pire tant la montée des eaux fut foudroyante, fatale. Comme un jeu de poupées russes, ce qui rendit plus implacable cette inondation du siècle, fut l'union des cours d'eau en crue: l'Agout déjà débordant, puis l'Aveyron se jetant dans le Tarn ont englouti Moissac et la vallée de la Garonne.
REYNIES, VILLAGE MARTYR
Le premier bourg de Tarn-et-Garonne qui subit cette vague déferlante est un petit village de 516 habitants: Reyniès, au bord du Tarn. Le dimanche soir,
l'eau arrive « en trombe ». Le garde-champêtre lance l'alerte à grands roulements de tambour. Un grand nombre d'habitants incrédules ne perçoit pas le danger. Seules l'église et la mairie demeureront debout après le passage de l'hydre. Une centaine de maisons s'écroule et les flots emportent quatorze personnes. Reyniès est l'un des villages tarn-et-garonnais les plus éprouvés par cette inondation. Le président Gaston Doumergue, qui parcourut toute la zone du sinistre, s'attarda longuement dans ce village.
L'APOCALYPSE MONTALBANAISE ET MOISSAGAISE
Au déluge fracassant d'eau et de boue qui s'avance aux portes de la cité d'Ingres et de Bourdelle, s'ajoute un affluent du Tarn, le Tescou, qui le grossit un peu plus. Le cauchemar débute pour les Montalbanais le lundi 3 mars. Dans la journée, les eaux opaques du Tarn s'agitent, mais pas suffisamment pour que l'on s'alarme. C'est finalement dans la nuit que les rues de Sapiac, Villebourbon et de Gasseras sont inondées. Ce n'est qu'à cet instant que l'alerte est donnée, mais il est déjà trop tard. Les Montalbanais vont connaître une nuit apocalyptique, dans la plus grande obscurité, l'usine électrique ayant été inondée.
Le Tescou a submergé le quartier bas de la rive droite et toute la rive gauche; seule la gare de Villebourbon émerge comme une île. Au bout de quelques heures, des centaines de maisons commencent à s'écrouler dans un fracas assourdissant, amplifié par le vacarme des eaux turgescentes. L'eau atteint 11,90 m dans la traversée de la ville. Au matin, les quartiers de la rive droite sont littéralement détruits. L'état de la ville rose est tel que l'on aurait pu croire à un bombardement.
Suivant sa longue chevauchée, le Tarn, gonflé par l'apport des flots boueux de l'Aveyron, également en crue, envahit le chef-lieu d'arrondissement: Moissac. « En cinq minutes, des vagues d'un mètre de haut déferlent, après que le Tarn ait rompu la digue de la Palissade », témoigne un conseiller municipal de l'époque, « envahissant le canal » et « engloutissant les quartiers Saint-Benoît, Sainte-Blanche et Poumel ». Ce mardi 4 mars, la lumière luit à peine sur le tympan de l'église Saint-Pierre, et le spectacle est saisissant; seulement quatre heures après Montauban, on dénombre, à Moissac : 120 morts, 1.400 maisons détruites, 5.896 sans abris.
Publié le 03/03/2020 à 10:03 | La Dépêche du Midi | Analie Simon
Inondations de 1930 en Tarn-et-Garonne : Moissac paye le plus lourd tribut
Un corps est sorti des ruines d’une maison à Moissac au lendemain de la crue./photo issue du hors-série de L’Illustration publié le 15 mars 1930. / DDM
En cette terrible journée du 3 mars 1930, 131 personnes perdent la vie à Moissac. Sur les 7 400 habitants, on dénombre 5 896 sans-abri, 1 400 maisons à reconstruire et 75 % de la surface de la ville sont inondés. Là aussi, tout se passe très vite. Lundi 3 mars au matin, le Tarn commence à monter. Les habitants n’expriment pas d’inquiétude, pensant que la crue atteignait son maximum (6m50).
Quelques personnes observent la situation depuis le pont Napoléon. Dans la soirée, beaucoup de monde s’est rendu au cirque Hagenbeck, installé sur la place des Récollets. Dès la fin du spectacle, les premières alertes sont données. Le Tarn atteint 8m10 à 18 heures.
Les eaux approchent du quartier Sainte-Blanche, puis la digue de la Cartonnerie. En peu de temps, l’eau atteint deux mètres de profondeur entre les deux digues (NDLR : l’actuel quartier du Sarlac).
Vers 22 heures, l’eau continue de monter à 8m90. Une heure plus tard, le remblai du chemin de fer était emporté au nord du pont et percé de trois brèches.
Des dégâts considérables
L’eau poursuit sa course dévastatrice vers les quartiers Sainte-Blanche et Saint-Benoît. Les maisons tombent une à une. Tout s’écroule, sauf quelques murs extérieurs qui arrivent à rester en place par on ne sait quel moyen. La puissance de l’eau entraîne même la chute du pont Cacor. La crue atteint son apogée dans la nuit du lundi au mardi, le nivellement étant fixé à 9m10 dans le lit de la rivière et 11m10 dans le faubourg Sainte-Blanche. Les secours interviennent très rapidement malgré les conditions (la ville n’était pas éclairée).
Après des heures de cris, de stress et de peur, le pire est passé. La décrue s’amorce très lentement, trop lentement. Il a fallu attendre le 5 mars à 18 heures pour que le niveau redescende à 6m80, l’équivalent des crues des 50 dernières années. Les habitants ayant réussi à s’échapper avant cette course folle découvrent avec effroi le lendemain matin la scène qui se dresse devant eux. Certains sont à la recherche d’éventuels survivants, d’autres essaient de trouver des objets personnels. Cette nuit du 3 mars a été terrible dans le département (voir chiffre), mais surtout pour Moissac, qui paie le plus lourd tribut de cette catastrophe avec 131 personnes décédées.