Tarn et affluents : Inondations de mars 1930

4/3/2020


Publié le 02/03/2020 à 11:28  | La Dépêche du Midi |  Philippe Cahue

Les 90 ans des inondations de 1930 dans le Tarn-et-Garonne : une catastrophe historique


Carte postale de la crue du Tarn en 1930 / DDM

Les inondations survenues du 1er au 4 mars 1930 dans le bassin du Tarn sont la pire catastrophe naturelle que la région a connue. Rien qu’en Tarn-et-Garonne, on dénombre 204 morts. Des survivants livrent leur témoignage.

 
Il y a tout juste 90 ans, il n’existait pas de prévisionniste des crues ni même de plan d’urbanisme limitant les constructions en zone inondable. Les maisons étaient construites en pierre et en terre. Quand les eaux rouges de l’Agout viennent grossir le Tarn à Saint-Sulpice-la-Pointe, l’eau monte à 22 mètres et emportent le pont situé un mètre plus bas. Personne ne donne l’alerte en aval. Dans les heures qui suivent ce 3 mars 1930, le pont de Villubrumier va être emporté par les flots, une vague va littéralement raser le village de Reyniès où seule la mairie et l’église resteront debout.


 
À Montauban, personne ne s’inquiète. Le samedi 1er mars à la mi-journée, le Tarn marque 1,70 mètre et le débit est important avec plus de 400 m3/s (le double que d’habitude). Le dimanche 2 mars midi, l’eau atteint les 4,10 m et le double est atteint à minuit. On dépasse alors la crue de mars 1927 mesurée à 7,10 m, la seule crue du Tarn que les Montalbanais avaient connu.
 
À Montauban, le Tarn est resté à 11,5 m durant cinq heures
Le Tarn monte de 40 cm par heure et à midi le lundi 3 mars, les échelles du Pont Vieux (de 10,5 m) sont alors dépassées et les cotations se font désormais au juger. À 18 heures, on atteint les 11,50 m à Montauban et le niveau d’eau restera au plus haut pendant 5 heures. Les quartiers de Sapiac et de Villebourbon sont submergés. Des familles se réfugient sur le toit de leur maison pour attendre les secours. L’inorganisation est totale. Le jeune industriel Adolphe Poult sauve, au péril de sa vie, des centaines de personnes sur son canoë.1092 maisons seront détruites dans ces deux quartiers.



La crue continue sa progression mortelle en aval. Elle détruit 102 maisons à Albefeuille-Lagarde, 195 sont emportées aux Barthes et Lizac. Mais le plus grand drame est à venir à Moissac où dans la nuit du 3 au 4 mars, 131 personnes perdront la vie après la rupture d’une digue. « Sur les 204 morts recensés dans le département, il faut savoir que la majorité des victimes a été écrasée par la destruction de leur maison, explique Nicolas Viaud, chef-adjoint du service Connaissance et risques de la Direction départementale des territoires. À cette époque, la population n’était pas consciente d’un tel danger et avait surtout le réflexe de rester confiné chez soi plutôt que de quitter la zone pour se mettre en sécurité. »

Baptisée dans un premier temps « crue centennale », elle a été depuis 1996 recataloguée « crue cinq centennale ». D’un point de vue météo, il faudrait donc retrouver un épisode de pluies océaniques de plusieurs mois saturant les sols en eau auquel s’enchaînerait un épisode cévenol avec des forts cumuls de pluies sur la Montagne Noire. Selon les statistiques des prévisionnistes, nous avons chaque année 1 chance sur 500 de connaître un phénomène similaire.

 


204 morts recensés en Tarn-et-Garonne
La crue du Tarn a fait dans le département 194 morts dont 131 rien qu’à Moissac. Le bilan à Montauban atteint les 29 morts et aurait pu être bien plus lourd sans le dévouement d’Adolphe Poult qui sauva des centaines de personnes. À Reyniès on compte 14 victimes. Le Tarn fait aussi des morts à Albefeuille-Lagarde (6 personnes), Barry-d’Islemade (5) et aux Barthes (7). Dans les eaux de Garonne, on dénombre 1 victime à Castelsarrasin et 2 à Valence-d’Agen. La crue de l’Aveyron fait aussi des morts à Albias (3), Bioule (1), Villemade (1) et Saint-Antonin (4).
(Sources?: registres préfectoraux AD82-1MMS-3003)


 
Publié le 20/01/2000 à 00:00   | La Dépêche du Midi |    Jacques AUCLERT

Inondations de 1930 à Castres : «Personne ne s'y attendait»

Le pont neuf à Castres sous les eaux de l'Agout

«Ce qui m'a le plus interpellé lors des inondations dans le Tarn et dans l'Aude en novembre dernier [1999] , c'est de voir autant d'images, d'être parfaitement informé, avec des témoignages alors que la crue gigantesque de 1930, que j'ai vécu de très près, me semble avoir beaucoup moins fait parler d'elle, du moins au moment», explique d'emblée Pierre Bouytaud et il poursuit son récit.

 
«J'avais 8-ans, un âge où les choses marquent. Ce soir-là, un dimanche, mes parents s'apprêtaient à partir au cinéma. Nous habitions rue de Strasbourg à moins de cent mètres de la rivière et la dame qui nous gardaient, mon frère et moi, en l'absence des parents arrive tranquillement et dit : «C'est pas sûr que vous puissiez traverser le pont, l'Agout monte et le passage est interdit», mon père, un caractère, réplique : «Ça m'étonnerait, je n'ai jamais vu une chose pareille et on va pas m'empêcher d'aller au cinéma». Il enfile son manteau et il part, quelques minutes plus tard, il avait dû se raviser et faire demi-tour.


 
Sauver le vin
La crue de 1930, Pierre Bouytaud en a reparlé cent fois, mille fois, à chaque repas de famille, mais son sourire s'élargit toujours lorsqu'il raconte une anecdote : «A peine rentré, je m'en souviens comme si c'était hier, mon père n'a pensé qu'à une chose, sauver le tonneau de vin. . Dans la rue, c'est le ruisseau du Travet qui ne pouvait s'écouler qui faisait le plus de dégâts, il ressortait de partout jusqu'à la place de l'Albinque, à 100-m de là.

L'épicier du coin voyait ses marchandises partir sans rien pouvoir faire. Un peu plus loin, c'était la quincaillerie qui était dévastée. Un peu plus tard, on a appris que deux personnes avaient laissé la vie dans cette catastrophe, que des gens avaient passé la nuit réfugiés dans les étages.


 
Ce qui m'a frappé aussi, c'est de voir deux jours plus tard les commerçants sortir sur le trottoir les marchandises qu'ils avaient pu récupérer, les laver comme ils pouvaient et les vendre à bas prix. Si je devais faire un rapprochement avec les inondations récentes, c'est peut-être qu'autrefois, on ne comptait pas sur les assurances, que les gens se débrouillaient avec les moyens du bord avec une grande solidarité de l'entourage. Et puis surtout, c'est la surprise avec laquelle la crue a frappé, personne ne s'y attendait, de nos jours, il y a des moyens d'alerte et pourtant les victimes sont encore nombreuses».
 
 
Publié le 05/03/2003 à 00:00  | La Dépêche du Midi | 

1930 : l'inondation du siècle


Le Tarn sous le pont vieux d'Albi lors de la crue de 1930 / DDM

En l'espace de deux jours, les eaux du Tarn, rejointes par celles de l'Aveyron et de la Garonne, provoquèrent une catastrophe qui ravagea tout le Tarn-et-Garonne. Jusqu'à ce jour, il n'y eut jamais un débordement d'une aussi effroyable ampleur, tant par les dégâts occasionnés que par le nombre de victimes.

 
POURQUOI ?
Un sol saturé, gorgé d'eau. « La Dépêche » de Toulouse indique « qu'il est tombé, en quatre jours, deux fois plus d'eau que dans les 28 jours précédents ».
Aux terres imbibées, il faut ajouter une quantité exceptionnelle de neige tombée sur les massifs dans les hautes régions où les cours d'eau prennent leur source. « 2 mètres en certains endroits dans les derniers jours de février », signale le même quotidien. Or, un vent chaud, provenant de la Méditerranée, se mit à souffler, entraînant une fonte rapide et massive de cette épaisse couche de neige.
 


En ce dimanche 2 mars 1930, l'eau monte considérablement. Les deux principaux cours d'eau, l'Agout et le Tarn, sont déjà en train de déferler sur Castres, Lavaur et Saint-Suplice-la-Pointe.
Dans cette dernière commune, l'Agout monte jusqu'à 22 mètres. A Rabastens, le Tarn atteint 18 mètres. Respectant le repos dominical, « les bureaux de poste, et le télégraphe sont, bien sûr, fermés. Mais le téléphone n'est pas d'un grand secours », témoigne Philippe Delvit (« Montauban, la ville vue du fleuve », Accord).

 
L'historien toulousain ajoute: « Le téléphone est, à l'époque, un objet rare mais surtout nombre de lignes ont été sectionées ou mises hors circuit par les intempéries, les chutes d'arbres et de branches, glissement de talus ». Mais même dans cette éventualité, l'alerte téléphonique ou télégraphique n'aurait pu éviter le pire tant la montée des eaux fut foudroyante, fatale. Comme un jeu de poupées russes, ce qui rendit plus implacable cette inondation du siècle, fut l'union des cours d'eau en crue: l'Agout déjà débordant, puis l'Aveyron se jetant dans le Tarn ont englouti Moissac et la vallée de la Garonne.
 


REYNIES, VILLAGE MARTYR
Le premier bourg de Tarn-et-Garonne qui subit cette vague déferlante est un petit village de 516 habitants: Reyniès, au bord du Tarn. Le dimanche soir,
l'eau arrive « en trombe ». Le garde-champêtre lance l'alerte à grands roulements de tambour. Un grand nombre d'habitants incrédules ne perçoit pas le danger. Seules l'église et la mairie demeureront debout après le passage de l'hydre. Une centaine de maisons s'écroule et les flots emportent quatorze personnes. Reyniès est l'un des villages tarn-et-garonnais les plus éprouvés par cette inondation. Le président Gaston Doumergue, qui parcourut toute la zone du sinistre, s'attarda longuement dans ce village.

 


L'APOCALYPSE MONTALBANAISE ET MOISSAGAISE
Au déluge fracassant d'eau et de boue qui s'avance aux portes de la cité d'Ingres et de Bourdelle, s'ajoute un affluent du Tarn, le Tescou, qui le grossit un peu plus. Le cauchemar débute pour les Montalbanais le lundi 3 mars. Dans la journée, les eaux opaques du Tarn s'agitent, mais pas suffisamment pour que l'on s'alarme. C'est finalement dans la nuit que les rues de Sapiac, Villebourbon et de Gasseras sont inondées. Ce n'est qu'à cet instant que l'alerte est donnée, mais il est déjà trop tard. Les Montalbanais vont connaître une nuit apocalyptique, dans la plus grande obscurité, l'usine électrique ayant été inondée.

Le Tescou a submergé le quartier bas de la rive droite et toute la rive gauche; seule la gare de Villebourbon émerge comme une île. Au bout de quelques heures, des centaines de maisons commencent à s'écrouler dans un fracas assourdissant, amplifié par le vacarme des eaux turgescentes. L'eau atteint 11,90 m dans la traversée de la ville. Au matin, les quartiers de la rive droite sont littéralement détruits. L'état de la ville rose est tel que l'on aurait pu croire à un bombardement.

 


Suivant sa longue chevauchée, le Tarn, gonflé par l'apport des flots boueux de l'Aveyron, également en crue, envahit le chef-lieu d'arrondissement: Moissac. « En cinq minutes, des vagues d'un mètre de haut déferlent, après que le Tarn ait rompu la digue de la Palissade », témoigne un conseiller municipal de l'époque, « envahissant le canal » et « engloutissant les quartiers Saint-Benoît, Sainte-Blanche et Poumel ». Ce mardi 4 mars, la lumière luit à peine sur le tympan de l'église Saint-Pierre, et le spectacle est saisissant; seulement quatre heures après Montauban, on dénombre, à Moissac : 120 morts, 1.400 maisons détruites, 5.896 sans abris.

 
Publié le 03/03/2020 à 10:03   | La Dépêche du Midi |   Analie Simon

Inondations de 1930 en Tarn-et-Garonne : Moissac paye le plus lourd tribut


Un corps est sorti des ruines d’une maison à Moissac au lendemain de la crue./photo issue du hors-série de L’Illustration publié le 15 mars 1930. / DDM

 
En cette terrible journée du 3 mars 1930, 131 personnes perdent la vie à Moissac. Sur les 7 400 habitants, on dénombre 5 896 sans-abri, 1 400 maisons à reconstruire et 75 % de la surface de la ville sont inondés. Là aussi, tout se passe très vite. Lundi 3 mars au matin, le Tarn commence à monter. Les habitants n’expriment pas d’inquiétude, pensant que la crue atteignait son maximum (6m50).
 
Quelques personnes observent la situation depuis le pont Napoléon. Dans la soirée, beaucoup de monde s’est rendu au cirque Hagenbeck, installé sur la place des Récollets. Dès la fin du spectacle, les premières alertes sont données. Le Tarn atteint 8m10 à 18 heures.
 


Les eaux approchent du quartier Sainte-Blanche, puis la digue de la Cartonnerie. En peu de temps, l’eau atteint deux mètres de profondeur entre les deux digues (NDLR : l’actuel quartier du Sarlac).
Vers 22 heures, l’eau continue de monter à 8m90. Une heure plus tard, le remblai du chemin de fer était emporté au nord du pont et percé de trois brèches.

Des dégâts considérables
L’eau poursuit sa course dévastatrice vers les quartiers Sainte-Blanche et Saint-Benoît. Les maisons tombent une à une. Tout s’écroule, sauf quelques murs extérieurs qui arrivent à rester en place par on ne sait quel moyen. La puissance de l’eau entraîne même la chute du pont Cacor. La crue atteint son apogée dans la nuit du lundi au mardi, le nivellement étant fixé à 9m10 dans le lit de la rivière et 11m10 dans le faubourg Sainte-Blanche. Les secours interviennent très rapidement malgré les conditions (la ville n’était pas éclairée).



Après des heures de cris, de stress et de peur, le pire est passé. La décrue s’amorce très lentement, trop lentement. Il a fallu attendre le 5 mars à 18 heures pour que le niveau redescende à 6m80, l’équivalent des crues des 50 dernières années. Les habitants ayant réussi à s’échapper avant cette course folle découvrent avec effroi le lendemain matin la scène qui se dresse devant eux. Certains sont à la recherche d’éventuels survivants, d’autres essaient de trouver des objets personnels. Cette nuit du 3 mars a été terrible dans le département (voir chiffre), mais surtout pour Moissac, qui paie le plus lourd tribut de cette catastrophe avec 131 personnes décédées.
      

 

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