Les 60 ans de Serre-Ponçon

20/11/2019



Dimanche 17/11/2019 à 10H14  | La Provence | 

Il y a 60 ans naissait le lac de Serre-Ponçon


/ Photo LP

Il y a 60 ans, naissait le lac de Serre-Ponçon.
Le 16 novembre 1959 débutait le remplissage de la retenue de Serre-Ponçon.
Dix-huit mois plus tard, le 18 mai 1961, la vallée de la Durance, totalement ennoyée entre la clue de Serre-Ponçon et la plaine du Roc d’Embrun, offrait un nouveau monde, entraînant la disparition de deux villages, Savines et Ubaye.

Si le temps requis pour atteindre la cote optimale fut long, c’est que le lac était le plus grand en Europe de ceux contenus par une digue en terre. L’ouvrage créé par le génie de l’homme et a inspiré le fameux film de Giono, "L’Eau vive", répondait à trois missions : maîtriser les crues de la rivière Durance, "cette chèvre folle" ; produire de l’électricité ; irriguer la basse Provence. 


Par Sylvaine ROMANAZ - 04 août 2019 à 06:20 | mis à jour à 08:15  | Le Dauphiné Libéré |

Mars 1957, le jour où la Durance a changé de lit


Chaque dimanche, le Dauphiné plonge dans ses archives et vous fait revivre un évènement du passé. Retour en 1957 à Serre-Ponçon, à l'heure des grands travaux. / Photo Archive Le DL

Cette année-là le 31 mars tombait aussi un dimanche. Et dans les Hautes-Alpes, en ce 31 mars 1957 l'idée de balade était toute trouvée pour nombre de familles: aller observer la Durance. Histoire de voir de ses propres yeux la nouvelle incroyable annoncée la veille: la rivière avait changé de lit. 


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Avant que le Dauphiné Libéré ne consacre sa Une à cette information, ils n'étaient que quelques-uns à avoir pu assister à l'évènement le 29 mars. Parmi ces témoins de l'histoire, deux avaient retenu l'attention. 

Le premier se tenait un peu éloigné. Jean Giono observait son cher paysage être bouleversé. 
Le second était aux premières loges. Célestin Turlèque, ouvrier anonyme, transformait à lui seul "l'eau vive" de l'écrivain. 


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En ces années 50, le monde d'après-guerre n'avait qu'une idée: développer l'énergie électrique. Avec un leitmotiv: dompter les cours d'eau en construisant des barrages. Dans les Hautes-Alpes ce fut donc Serre-Ponçon, projet reconnu d'utilité publique en janvier 1955 et premier barrage en terre d'Europe. 


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Depuis, avec des milliers d'hommes arrivés sur place avec femmes et enfants, les Hautes-Alpes vivaient au rythme du chantier titanesque. Pour nourrir les ouvriers, une cantine servant 750 repas par jour sous la houlette d'un Chambérien, François Chirpaz. Pour les motiver, des "tacots", sortes de primes versées selon les conditions de travail.

Et pour loger tout ce monde, deux villes nouvelles, apparues comme des champignons: des baraquements de Chaussetives sur la rive gauche (pour les célibataires) et une ville familiale sur la rive droite près d'Espinasses. Au milieu la Durance, autour les montagnes, les deux étant priées de s'incliner face aux hommes.


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Pour les montagnes, on fit parler les explosifs et les marteaux piqueurs pour transformer les profondeurs en usine, poste de transformation et conduites. L'équivalent d'une cathédrale et de sept lignes de métro imaginait-on à l'époque.    
Mais pour la Durance, au moment clé, ce fut beaucoup plus simple. Juste Célestin et sa pelle mécanique. 

Aux commandes de sa "Bucyrus 110B  numéro 605", soyons précis, le 29 mars à 10h30 Célestin Turlèque eut ainsi l'avenir d'une rivière entre ses mains.


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Sous les yeux de Giono, le conducteur d'engin fit donc ce qu'on fait avec une pelle mécanique: il enleva méticuleusement des mètres cubes de terre. Et Célestin et sa pelle furent si efficaces que le filet d'eau qu'ils libérèrent fut rapidement un ruisseau avant de se transformer en torrent.

C'en était fait, l'eau vive de Giono ne coulait plus comme elle le faisait depuis des millénaires mais s'engouffrait dans un tunnel de 10 mètres de diamètre sur environ un kilomètre, dans la "dérivation numéro 2" du chantier. La Durance avait changé de cours.


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Histoire d'être sûr qu'il ne lui prenne pas idée de  changer d'avis, d'autres pelles et d'autres "Célestin" entrèrent aussi en action sur la rive droite, jetant dans l'ancien lit de la rivière rochers et alluvions pour fermer le passage. Et les poissons diront certains?

Ceux qui survécurent à l'opération furent relâchés en amont ou en aval. Rien n'allait entraver l'opération de toute façon. A 17 heures l'affaire était bouclée, la Durance était domptée. 


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Ce n'était là qu'une étape. De Serre-Ponçon jusqu'à l'étang de Berre, barrages, usines et  autres réalisations allaient se multiplier. Irriguer au mieux le sud de la France et produire de l'électricité : le progrès passait par là. On espérait développer ainsi l'agriculture, on se rassurait en mesurant le niveau des nappes phréatiques, et on soulignait que le tout était d'une sûreté maximale: la preuve, les turbines de Serre-Ponçon étaient à l'abri des bombardements atomiques précisait-on dans la presse. 

A l'abri et efficaces. Le 1er avril 1960, la mise en eau du barrage de Serre-Ponçon eut lieu devant des dizaines d'invités. On ignore ce que firent Célestin et Giono ce jour-là.


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