Les grandes heures du rugby tarnais -4-

7/2/2019

   Les grandes heures du rugby tarnais -4-  



  S.C. Mazamet  

Publié le 09/08/2018 à 07:58  | La Dépêche du Midi |   Bernard Roussille

Sporting Club Mazamétain 1958 : l'année de la finale


L'équipe de la finale / Photo DDM

C'est en 1898 que le rugby fait son apparition à Mazamet. Une section rugby est créée au Véloce Club Mazamétain, présidé par Célestin Bourguignon.
Après l'essoufflement de l'industrie du textile, la ville est alors en pleine renaissance grâce à la révolution industrielle que constitue le délainage.

En 1905, sous la houlette d'Albert Vidal qui restera président pendant trente ans, le rugby prend son envol sous l'appellation Sporting Club Mazamétain et adopte les couleurs bleu et noir.
C'est dans les années 1950, avec l'arrivée à la présidence de Jean Fabre, que commence la grande époque du Sporting. Lucien Mias, Aldo Quaglio, Dominique Manterola, Jacques Lepatey, pour ne citer que les plus connus, portent le Sporting au plus haut niveau du rugby français.

Le Sporting en finale du championnat de France
Le club connaît son heure de gloire en 1958. Cette année-là, Lucien Mias et ses coéquipiers atteignent la finale du championnat de France. Le Sporting élimine Vichy en 16e, l'Aviron bayonnais en 8e, Grenoble en quart et le Paris université club en demi avec 80 points marqués pour seulement 9 concédés. Il atteint ainsi la finale du championnat.
Cette finale oppose, au Stadium à Toulouse, les bleu et noir à Lourdes. Le club de la cité mariale joue les terreurs dans les années 1950 avec deux titres en 1952, 1953, une finale perdue en 1955, et deux nouveaux titres, en 1956 et 1957.


Mias sur la pelouse du stade de Sauclières, à Béziers. Avec son coéquipier de Mazamet G. Lacoste (L'Equipe)

Cette finale soulève les passions. Elle est d'abord vue par les médias de l'époque comme l'opposition de deux styles : le jeu à la «lourdaise» fait de mouvement et le rugby plus «académique» des Mazamétains qui s'appuie sur le combat, le franchissement et la technique du jeu d'avants.
Elle est aussi l'opposition de deux des plus grands «leaders» de jeu que le rugby français ait jamais connu : Jean Prat, «monsieur rugby», et Lucien Mias «docteur pack».

Le Sporting battu en finale par Lourdes 25 à 8
Le 18 mai 1958, devant près de 40 000 spectateurs, le «miracle» attendu ne s'est pas produit. Le Sporting s'incline sur le score de 25 à 8.
Pourtant dans cette finale, ce sont les Mazamétains souvent dominateurs par leurs avants qui feront le jeu.
Le journal «La Montagne noire» dira : «Le Sporting succombe avec panache» et fustigera le rugby lourdais : «Les bleu et noir sont malheureux dans leurs tentatives, pour une large part imputable à la position à l'extrême limite du hors-jeu voire carrément hors jeu des Lourdais.»


Mias dans son bureau. Avec la photo de l'équipe de 1958. (Photo Caron/L'Equipe)

À la sortie des vestiaires, Lucien Mias interpellera Jean Prat : «Toi, ce n'est pas Monsieur Rugby qu'on devrait t'appeler. Tu es Monsieur Anti-Rugby.» On prête à Jean Prat cette réponse révélatrice : «Regarde le planchot !»
En guise de consolation le Sporting remportera cette année-là le prestigieux Challenge Yves du Manoir en battant en finale Mont de Marsan et après avoir, en demi-finale, éliminé… Lourdes !

L'équipe de la finale
Face aux «stars» lourdaises, Mazamet alignait : Dominique Manterola, Guy Lacoste, Georges Bienes, André Masbou, Lucien Mias, Yvan Duffour, Aldo Quaglio, Jean Arrambide, Jacques Serin, Emile Duffaut, André Fort, Maurice Pastre, Guy Roques, Jacques Lepatey, Etienne Jougla.
Rappel des phases finales
Le Sporting club mazamétain avait battu Vichy en 16e de finale, l'Aviron bayonnais en 8e de finale, Grenoble en quart de finale et le Paris université club en demi-finale.

   
Publié le 09/08/2018 à 07:51  | La Dépêche du Midi |   B.R.

Lucien Mias : «Nous n'avons pas pu exprimer nos qualités»


Lucien Mias ici avec un fidèle supporter André Lucas (à gauche) évoque avec le sourire cette épopée mazamétaine. / DDM

La formidable décennie du rugby mazamétain, dont cette finale est l'apogée, est avant tout une œuvre collective dans une ville en plein essor économique.
On pourrait citer le président Jean Fabre, qui avait su réunir une pléiade de très bons joueurs : Lepatey, Quaglio, Serin, Arrambide, Masbou, Jougla, pour ne citer qu'eux. Ils étaient tous à leur poste des références du rugby de l'Hexagone.
Mais cette réunion de talents n'aurait sans doute pas été ce qu'elle a été sans cet extraordinaire fédérateur, ce meneur d'hommes incomparable qu'était Lucien Mias, le capitaine du Sporting.

Lucien mias : «Docteur pack» et meneur d'hommes
Lucien Mias dit parfois haut et fort ce qu'il pense ! C'est vrai pour le rugby pour lequel, 60 ans plus tard, il est encore une référence. C'est vrai aussi pour sa vie professionnelle, qui a fait de lui un spécialiste unanimement reconnu de la gériatrie humaniste.
L'instituteur du début des années 50 avait quitté son poste pour démarrer tardivement des études de médecine et terminer major de sa promotion à la faculté de Médecine de Toulouse.


Lucien Mias : «En 1958, le Sporting a raté sa finale» / Photo DDM

Joueur charismatique, il est l'instigateur de quelques innovations techniques qui ont à leur époque révolutionné le jeu d'avants. Mais il est avant tout un grand meneur d'hommes, qui sait s'appuyer sur la force d'un groupe, d'un collectif.
Avec son compère de l'ombre André Masbou, avec Aldo Quaglio et tous les autres, le pack mazamétain était redoutable.

Lucien Mias sera un peu plus tard l'un des héros du livre écrit par Denis Lalanne, «Le Grand Combat du quinze de France», racontant l'épopée de la tournée en Afrique du Sud.
L'équipe de France dont il était capitaine terrasse les Springboks sur leurs terres.
La presse sud africaine le qualifie de «meilleur avant international ayant jamais joué sur le sol sud-africain».


Victorieux des All Blacks : Gérard Dufau, Robert Baulon, Lucien Mias, Paul Labadie (L'Equipe)

«Nous n'avons pas pu exprimer nos qualités»
Lucien Mias nous a livré son analyse de la finale perdue du championnat de France : «Nous étions confiants. Un peu trop peut-être ? La semaine précédente nous avions fait match nul en demi-finale du «Du Manoir» et c'est nous qui avions été qualifiés. Nous les avions dominés en touche, mais ils avaient retenu la leçon et ils s'étaient bien préparés. Ils nous ont embêtés dans ce secteur. Derrière, nous n'avons pas joué à notre niveau habituel. Mais surtout ils étaient habitués à ce genre de rencontres : c'était leur sixième finale consécutive ! Et ils possédaient à tous les postes de très grands joueurs.»

De sa retraite audoise, Jacques Lepatey, l'ailier dynamiteur du Sporting, nous a confié sa frustration : «On avait fait une saison magnifique. On y croyait, on avait de très grands joueurs et un grand fédérateur Lucien Mias. Mais ce jour-là, on n'a pas donné notre pleine mesure.»
Étienne Jougla, le Mazamétain, regrette encore son coup de pied contré qui a amené le premier essai lourdais : «Jean Prat était hors-jeu, c'est évident. Ils ont mené au score d'entrée et cet essai a peut-être tué le match.» Mais il garde d'excellents souvenirs de cette époque : «J'ai eu la chance de jouer avec un grand monsieur, Lucien Mias. Nous sommes restés amis et il nous arrive quelquefois d'évoquer ces souvenirs mais avec le sourire…»


Publié le 09/08/2018 à 07:51  | La Dépêche du Midi |   

Kiki se souvient d'une «fête monstre»


«Kiki» Vaissières, 70 ans de Sporting, n'oubliera pas cette grande épopée !

Dans «Un siècle d'histoire à Mazamet», la Montagne noire raconte : «Une fois la déception passée, le «tout Mazamet» ne tarissait pas d'éloges pour son équipe qualifiée de «fière, héroïque, courageuse et pleine de panache».

Un mouton bleu et noir sur la pelouse
André Lucas est un supporter indéfectible du Sporting Club mazamétain : «Depuis 1947, j'ai assisté à toutes les rencontres du Sporting à La Chevalière !» Alors la finale il ne l'aurait manquée pour rien au monde : «On avait rendez-vous devant le Café de France. On est parti le matin. Il y avait au moins une dizaine de cars. J'avais comme tout le monde mon drapeau noir et bleu. Jacqueline, devenue depuis son épouse, était elle aussi à la finale. Elle avait même un bonnet aux couleurs noir et bleu qu'un artisan local avait confectionné.

L'ambiance au stade était extraordinaire : «Nous étions beaucoup plus nombreux que les Lourdais, peut-être dix mille ou quinze mille, car c'était une partie du Tarn qui était Mazamétaine. On avait même amené un mouton peint en bleu et noir qui a fait le tour du stade !»


/ Photo DDM

La déception a été à la mesure de l'espoir suscité par cette finale. «Tout le monde pensait qu'on allait gagner. Mais voilà, les Lourdais étaient constamment hors-jeu ! Quant à l'arbitre, c'était un des plus mauvais que j'ai jamais vu. Il ne pouvait pas courir…» Jacqueline se souvient que la déception était si grande que le car est reparti très vite : «On était une dizaine, il ne nous a même pas attendus !»

«Cette équipe nous a fait rêver…»
«Kiki» Vaissières avait 9 ans quand il a vu son premier match de rugby. Excepté pendant les quatre mois de son opération, il a toujours assisté à tous les matchs… Il a maintenant 79 ans ! Depuis plus de quarante ans, il vend les billets de bourriche à l'entrée du stade. Ce supporter inconditionnel était bien sûr à la finale : «Quelle ambiance, on a fait une fête monstre. On y croyait vraiment et on a été très déçus. Mais cette équipe nous a vraiment fait rêver pendant plusieurs années avec des joueurs extraordinaires.»


Publié le 09/08/2018 à 07:51 | La Dépêche du Midi |   

Le Sporting en 2018 : Une ambition raisonnée


Le Sporting en 2018 / SCM

Après l'apogée de 1958, le Sporting a continué pendant quelques années à jouer les premiers rôles. Mais en 1970, le club est relégué en 2e division. En 1985, sous la présidence de Claude Pujol, aujourd'hui encore responsable du secteur sportif, le Sporting est sacré champion de France de 2e division. L'équipe comptait dans ses rangs quelques très bons joueurs avec à leur tête un capitaine que bien des clubs plus huppés convoitaient : Patrick Ruiz.

Il y avait aussi un certain Jean-Bernard Bergès qui sera quelques années plus tard champion de France avec les «grands» du CO. Après quelques passages en fédérale 1, le club s'est aujourd'hui stabilisé en fédérale 2.
Au cours des trois dernières saisons, la qualification est venue récompenser l'excellent parcours. Lors des deux dernières saisons, c'est pour le match de la montée que les «bleus et noir» ont échoué, mais l'objectif avait été atteint.


/ Photo DDM, S.G.

Après un très long bail à la présidence, Patrick Ruiz a pris un peu de recul. Laurent Cabrol est arrivé appuyé par Daniel Rouanet qui reprend du «collier» pour la saison prochaine. Le duo de présidents fait toujours de la qualification pour les phases finales l'objectif majeur. Le passage à l'échelon supérieur fait toujours aussi peur, les moyens économiques étant aujourd'hui, à ce niveau, indispensables à la réussite sportive.

La qualification et après ? La montée apparaissait comme un épouvantail annonciateur de jours sombres. Le discours semble avoir quelque peu évolué : «si ça arrive on prendra et on assumera», entend-on du côté des dirigeants.
Solide sur ses bases, le Sporting semble avoir retrouvé une ambition... raisonnée.


/ Photo DDM

 

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