Georges Spénale, ancien président du Parlement Européen

13/11/2018


Publié le 29/09/2018 à 08:58  | La Dépêche du Midi |  Richard Bornia

Georges Spénale, ce Tarnais qui fut président du Parlement Européen


Ses fonctions européennes ne l'ont jamais détourné de ses attaches tarnaises. Ici, au premier rang, au centre, lors d'une cérémonie, en 1972, au Moto Club de Lavaur./ Photo DDM, Jacques Esparbié.

A quelques mois des élections européennes, beaucoup ne savent pas qu'un Tarnais a été président du Parlement Européen de 1975 à 1977. Inconnu du grand public, Georges Spénale, maire de Saint-Sulpice de 1965 à 1981, a présidé aux destinées de l'Europe pendant 2 ans.

Georges Spénale, ce nom n'a jamais fait la Une des journaux. Il fut pourtant président du Parlement Européen de 1975 à 1977, maire de Saint-Sulpice de 1965 à 1981, député du Tarn de 1962 à 1977, puis sénateur jusqu'à sa mort en 1983. Malgré ce parcours politique qui rendrait vert de jalousie bon nombre d'élus, il est un parfait inconnu pour beaucoup de monde. «Seuls le connaissaient les responsables des institutions, les hommes qui font le monde sans discours superflus», lit-on dans l'ouvrage qui lui est consacré, paru en 1993 lors de l'inauguration de sa stèle à St-Sulpice.


Georges Spénale à Graulhet lors d'une cérémonie-hommage à Guy Laporte, Marie-France Chaumeil et Sam Revallier (Avec Claude Rigaud, Directeur Jeunesse et Sports ; Jean-Henri Argelès, Maire de Graulhet ; Marcel Batigne, Président du SCG Omnisport)

Gouverneur de la France d'outre-mer
De 1947 à 1960, il est administrateur des colonies, gouverneur de la France d'outre-mer et comme chef de cabinet du ministre Gaston Deferre, sous le gouvernement Guy Mollet, il est l'instigateur de la loi sur l'accession à l'indépendance des états africains. Il participe activement à l'émancipation de l'Afrique. «Cet homme, élu dans la circonscription de Jaurès, dont la vie était discrète en toutes circonstances mais exceptionnelle en tous points», disait de lui Alain Poher. Dès 1966, il intègre le Parlement Européen. Son credo : réconcilier l'individu avec le collectif des nations : «Lorsqu'on sert l'Europe, on sert à la fois l'homme et son pays». 


Au Parlement à Strasbourg avec Pierre PFLIMLIN

Il persuade les états de la nécessité d'une élection au suffrage universel. En 1979, Simone Veil lui succédera, élue au suffrage universel. Politiquement, les socialistes s'accordent pour affirmer qu'il était socialiste. Son chef de cabinet à Strasbourg écrira : «Faisant foin du libéralisme de pacotille, celui du renard libre dans un poulailler libre, il savait qu'entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre la maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit». Enfin, Georges Spénale est un homme du Tarn.

À 46 ans, avec la décolonisation, il est retraité : «En 1962, les gens de chez nous ont pensé que ce n'était pas pour moi l'âge de débrancher. Alors ils ont fait de moi un député». De son adolescence à sa mort, Spénale a écrit des poèmes sur l'amour, l'Afrique, la mort, mais aussi sur son pays tarnais : «Mais ici, le roi c'est l'Autan ; le Cathare à la foi violente ; au souffle sec, aux joies hurlantes, aux délires de fou chantant».


«Il a fait beaucoup pour la commune»


L'hôtel de ville de Saint-Sulpice / Photo DDM

Raphaël Bernardin est maire de Saint-Sulpice. Il a également rencontré Carmen Spénale à la maison de retraire de Saint-Antonin-Noble-Val. «C'est un moment d'échanges plein d'émotion, de malice et de simplicité. Quand Georges Spénale était maire de la ville et Président du Parlement Européen, je n'étais pas né. Ce sont les anciens qui m'ont parlé de lui en soulignant qu'il avait fait beaucoup pour notre commune. La piscine pour permettre aux fils d'ouvriers qui ne pouvaient pas partir en vacances de profiter tout de même de la période estivale, de la construction des premiers lotissements. Je me suis procuré le livre qui lui est consacré et je l'ai lu avec attention. 

On apprend beaucoup avec cet homme. Il a construit l'identité de Saint-Sulpice et nous pouvons tous être fiers qu'il ait vécu ici et qu'il ait été le maire. Un des plus beaux compliments que l'on m'ait fait vient d'une dame : «Sur bien des aspects vous lui ressemblez». J'ai en mémoire une réflexion d'une employée municipale. Alors que nous changions le mobilier de la salle du conseil municipal, il y avait dans un coin un vieux bureau dont je ne savais que faire. «Il faut le garder, c'était le bureau de Georges Spénale», précise-t-elle. Nous sommes en train de le faire restaurer et ça deviendra mon bureau».


Carmen Spénale, 106 ans, raconte son mari



«Comment allez-vous ?». Le sourire aux lèvres, l'air malicieux, elle répond du tac au tac : «Vous savez, je vis au jour le jour». Carmen Spénale, 106 ans, est déjà prête. Bien mise, nous partons à pied déjeuner dans un restaurant sur les rives de l'Aveyron à Saint-Antonin-Noble-Val. «Jusqu'à 103 ans, je vivais à St Sulpice, dans la maison familiale. Je me suis cassé la cheville et je réside désormais en maison de retraite, près de mon fils». Son gendre Jean-Paul Gex et sa compagne Josy Bouquet ont organisé cette rencontre en précisant : «elle ne veut pas qu'on la photographie». Elle se fera une joie de les contredire. 

«J'ai connu Georges à Rabastens où il venait passer ses vacances. Il m'écrivait des poèmes à n'en plus finir». Le début d'un grand amour, d'un long séjour en Afrique pour le couple avant de rejoindre, début des années 60, Saint-Sulpice pour une retraite bien méritée. «Il élevait des pigeons et passait du temps à les contempler», se souvient-elle. Mais l'épisode fut de courte durée. «Ils sont venus le chercher pour se présenter comme député. Quand il m'a dit ça, je me suis offusquée : tu ne vas pas faire de la politique tout de même !» 


Président du Parlement Européen - 1977 / Photos © Communautés européennes

Ben si, Georges Spénale en a fait et pas qu'un peu : député, conseiller général et départemental, sénateur, président du Parlement Européen et maire de Saint-Sulpice. 

«Il aimait son village et l'Europe», elle rectifie «il aimait surtout les gens. C'était un humaniste qui voulait rendre service». Un humaniste de gauche ? «Je ne fais pas de politique, mais il n'était pas de droite. Il avait tendance à favoriser les plus défavorisés. Mais il serait triste de voir l'Europe dans cet état». Tout à trac, elle lance : «Je ne voudrais pas réséructionner», éclate de rire, «Réssusciter ! Parfois je perds les mots», s'excuse-t-elle. Il est l'heure de se quitter et de promettre de revenir : «qui sait ?», ponctue-t-elle, avec toujours ce diable de sourire.


 

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