Cueillette des «repountchous» : C'est le moment !

4/4/2017

Publié le 02/04/2017 à 10:03   | La Dépêche du Midi |  Jean-Paul Couffin

Rouergue : Il pointe le bout de son nez


Sombre et craquant, le «repountchou» / Photo DDM

Il avait son coin. Caché et pentu. Aux portes de la ville. à deux pas de ses bases. Pentu, oui. Tellement que même les sangliers ne s'y aventuraient guère. Mais il savait que là, en surplomb du pont d'Alzou où les gamins tentaient de subtiliser quelques belles truites au cours d'eau, il trouverait assez de «repountchous» pour remplir d'abord sa musette couleur kaki. Une fois pleine, celle-ci, comme si elle constituait la mesure tip-top pour sustenter quatre personnes, il s'en retournerait vers la cuisine familiale. Mais avant d'en arriver là, en dépit de l'âge, les jambes alertes, il crapahuterait sang et eau dans des dénivelés qui, aujourd'hui, feraient rêver les fans des trails de l'extrême.

Car depuis les hauteurs de Penevayre jusqu'aux courbes de l'Alzou, là où les rochers affleurent la terre, la moindre liane se mérite. Autant dire qu'il ne fallait musarder pour être le premier à brandir sa «botte» secrète devant les attablés du café des Sports préférant siroter leur «tomate» ou leur «perroquet» que se lancer à l'aventure. Bien à l'abri des vents froids du début de printemps, après quelques pluies arrosant juste ce qu'il fallait les racines, il avait fière allure le «repountchou» qui passerait de vie à estomac. 

Sombre et craquant, moins amer que lorsqu'il grimpe vers les beaux jours de mai, le «légume» primeur allait faire la fierté de l'ouvrier. Certes, il ne rapporterait pas la totalité de sa quête au domicile conjugal. Préférant faire un détour par une dernière auberge de la rue Belle-Isle, où la maîtresse des lieux raffolait de la plante mythique du printemps. Une fois déposée une petite botte, elle pourrait lâcher ses limiers qui empliraient les besaces, avant de faire le bonheur de clients attendant leur premier plat de la saison avec l'impatience du… premier communiant. Mais ça, c'est une autre histoire.


Publié le 30/03/2017 à 07:43   | La Dépêche du Midi |  Dominique Delpiroux

C'est la saison des repountchous !


Cette sorte d'asperge sauvage se récolte en ce moment. On la trouve dans les fossés qui n'ont pas encore été stérilisés par les pesticides. / Photo DDM
 
Cette plante qui pousse au printemps est très prisée des amateurs qui la croquent ferme, blanchie et assaisonnée. Un livre pour la première fois, parle du répountchou!

Repountchous ! Voilà un nom à chuchoter, comme un savoureux secret ! Un nom qui ne dira pas grand-chose à la plupart de nos compatriotes, mais qui fait frémir les papilles des «happy few», tarnais, aveyronnais, gersois, qui connaissent cette plante magique.
Car c'est en ce moment que débute la récolte des répountchous. Cela ne durera que l'espace d'un printemps. Les délicieuses brindilles d'aujourd'hui produiront, si on les oublie, des baies rougeaudes et mortelles !

Voilà pourquoi depuis quelques jours, les amateurs de répountchous sont sur le sentier de la guerre, en chasse de leur herbe favorite, qui pousse le long des fossés. C'est là qu'il faut aller débusquer ces longues tiges, ces lianes qui ont survécu à la dernière glaciation et qui sont des cousines de l'igname africaine.
Une plante pourtant méconnue, ce qui a donné à deux passionnés, Michel Poux et Anne-Marie Rantet-Poux l'idée d'écrire un livre sur le sujet : l'ouvrage vient de fleurir, à la bonne saison ! (voir ci-dessous).

L'herbe des femmes battues
Son nom est le tamier commun, ou herbe aux femmes battues car en médecine populaire, on utilisait la racine pour faire disparaître les bleus.
Mais c'est surtout pour sa saveur et son amertume que le répountchou est tellement apprécié.

«Tout petit, dès l'âge de 5 ou 6 ans, j'allais avec mes parents cueillir les repountchous ! se souvient le chef Claude Izard, de l'Hostellerie du Parc à Cordes-sur-Ciel. On les faisait cuire tout simplement dans l'huile des lardons, avec un filet de vinaigre, à l'ancienne ! Moi, j'adore son amertume. Autant on a privé l'endive de son amertume naturelle, autant le répountchou, lui est resté naturel et sauvage !»

Claude Izard avait même organisé à Cordes une fête des Repountchous, mais qui n'aura pas lieu cette année, pour cause de difficultés techniques. Mais que l'on espère bien ressusciter un jour. En attendant, le chef trouve toujours l'occasion de glisser sa chère herbe dans ses savoureux petits plats.
Mais faut-il vraiment divulguer les petits secrets du répountchou? On pourrait bien s'en emparer et nous le copier ! Vous imaginez , du repountchou chinois ?

Comment les préparer ?
D'abord, il faut savoir qu'on peut les congeler, à condition qu'ils soient crus. Ensuite, il faut les blanchir, dans l'eau bouillante : «Pas plus de trois minutes, insiste le chef Claude Izard, sinon l'amertume augmente!» Lard grillé et œuf dur sont les compagnons naturels des repountchous. Autrement, le chef tarnais nous suggère de n'en garder que les pointes pour les incorporer à des œufs brouillés, ou de les laisser fondre dans de l'huile de noisette, avec une échalote hachée, une tomate concassée et un filet de vinaigre. Mmmm.....


Publié le 30/03/2017 à 08:34  | La Dépêche du Midi |  Recueilli par D. D.

Michel Poux : «Une tradition des bassins miniers»


Michel   Poux  / Photo DDM

Comment avez-vous eu l'idée d'écrire un livre sur les repountchous ?
C'est que lorsque j'ai commencé à m'y intéresser, j'ai constaté que rien n'avait été écrit là-dessus ! Alors qu'on trouve de nombreux livres sur les champignons, par exemple, il n'y a rien sur le repountchous ! Alors comme mon épouse est pharmacienne, nous avons écrit ensemble ce livre, qui est à la fois littéraire, mais qui apporte aussi des éléments scientifiques et botaniques. Cela nous a permis de mettre les choses au point.

Que sait-on de l'histoire de cette plante ?
Peu de chose. Repountchou est le nom occitan du tamier commun. Il y a eu souvent des confusions et des méprises. On parle d'asperges sauvages, alors que cette plante n'a rien à voir avec l'asperge. On le confond aussi avec le houblon ou les raiponses. On sait que la racine, qui est un tubercule énorme, a été consommé pendant les périodes de disette. Il fallait la faire cuire, car elle contient des saponides qui sont toxiques. 
D'ailleurs, quand la plante se développe elle finit par produire des baies rouges en fin de cycle, qui elles aussi sont extrêmement toxiques, voire mortelles. On appelle aussi cette plante l'herbe des femmes battues, car la racine a des vertus résolutives, pour faire dégonfler les ecchymoses. On trouve les répountchous le long des haies. Ils reviennent au même endroit d'une année sur l'autre. Mais pourquoi la plante pousse à tel endroit plutôt que tel autre ? Cela reste un mystère.

Quand commence-t-on à la consommer dans la région ?
On commence à avoir des signes de sa consommation au XIXe siècle autour des bassins miniers de Decazeville et Carmaux. On peut donc penser que ce sont les travailleurs émigrés qui ont apporté cette coutume de manger les repountchous.

Ce n'est donc pas une nourriture traditionnelle rouergate ?
Il s'agit selon moi d'un usage culinaire importé : les Croates en consomment, les Italiens en consomment, or, dès le XIXe siècle, une main-d'œuvre nombreuse est venue dans les bassins miniers, où l'on a compté plus de trente nationalités, venues d'Europe du sud ou d'Europe de l'est. Cela a suscité cette consommation dans les régions du Rouergue, du Tarn. En Midi-Pyrénées, cela a pris une sorte de dimension culturelle ! 
Cette plante est intimement liée à l'Occitanie et à l'histoire des bassins miniers. D'ailleurs, on raconte que pour gagner une grève, dans les bassins, il fallait la déclencher au printemps, parce qu'on trouverait toujours de la nourriture disponible avec le répountchou !

Avec quoi le manger ?
Il faut d'abord le blanchir trois minutes, et le manger avec ce que l'on trouve au printemps : lardons, ventrèche, œuf dur… En omelette, c'est dommage !


Publié le 02/04/2017 à 03:50   | La Dépêche du Midi |

Plantes du terroir : désormais, le «répountchou» a son livre


Anne-Marie Rantet-Poux et Michel Poux présentent leur dernier ouvrage sur le répountchou, plante emblématique de notre territoire. / Photo DDM

Jusqu'à présent, aucun écrivain régional n'avait pris la plume pour mettre à l'honneur le «répountchou», plante mythique de nos contrées locales qui pointe sa tête dès l'arrivée du printemps.

C'est chose faite depuis quelques jours, avec la parution du huitième ouvrage de la plume monteillaise Michel Poux, associé, pour l'occasion, à Anne-Marie Rantet-Poux, pharmacien et photographe, dont le titre «Le répountchou, qu'es aquo?» laisse à penser que leurs auteurs ont décortiqué la plante sauvage et rebelle. Aussi, en quelque 80 pages richement illustrées d'une cinquantaine de photos, l'ouvrage dépeint la plante emblématique d'Occitanie à travers plusieurs chapitres, notamment historique, scientifique, gastronomique.

Le tamier commun
La confusion la plus fréquente de la plupart des amateurs et chercheurs est d'associer la plante à l'asperge sauvage. Or, il n'en est rien, tout comme la confondre à la raiponce ou au houblon. De fait, le «reponchon», son appellation occitane, n'est autre que le tamier commun, seule dioscoréacée européenne ayant survécu aux différentes périodes glaciaires. Avant la préparation culinaire en omelette, ou mieux encore en salade chaude mariée à des œufs durs, des lardons ou de la ventrèche, il faut partir à sa découverte et en cueillir une belle botte. La liane précieuse tant recherchée pousse en lisière de bois, le long des haies, dans les fossés bordant les routes de Tarn-et-Garonne et de quelques départements limitrophes : Lot, Aveyron, Tarn.

Pour être complet, l'ouvrage s'appuie également sur plusieurs chapitres consacrés aux vertus, aux dangers potentiels de la plante, avec la conclusion du pharmacien Anne-Marie Rantet-Poux sur l'usage du tamier commun.
Michel Poux est né en Rouergue, de racines paysannes. Depuis quinze ans, son écriture s'attache aux hommes, dans leurs rapports avec le travail, l'histoire, l'art et la terre. Anne-Marie Rantet-Poux est secrétaire de la Société des sciences naturelles de Tarn-et-Garonne et spécialiste de la nature et de ses richesses.

«Le répountchou, qu'es aquo?», paru aux éditions Vent-Terral, est publié avec le soutien de la région Occitanie. Prix : 12 €.
 

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