Sites UNESCO d'Occitanie : Les Grands Causses
Sites UNESCO d'Occitanie (3/6) : Les Grands Causses
Publié le 04/08/2016 à 09:00 | La Dépêche du Midi | Sophie Vigroux
Marie Rouanet dans la beauté et le silence des Grands Causses
Un troupeau de brebis sur les Causses. / Photo DDM, DR.
Les Cévennes et Grands Causses ont été classés au patrimoine mondial de l'Unesco le 28 juin 2011, au titre de paysage culturel de l'agro-pastoralisme méditerranéen. L'écrivain Marie Rouanet vit là depuis 50 ans, dans ces espaces «pittoresques».
La région des Cévennes et Grands Causses attire tous les étés de nombreux visiteurs qui profitent de l'autoroute A 75, comme d'un itinéraire de délestage à la vallée du Rhône, pour rejoindre le soleil du sud.
Généralement, ils ne sont pas déçus du voyage.
Ce vaste ensemble de 302 319 hectares, à cheval sur quatre départements (la Lozère, l'Aveyron, l'Hérault et le Gard) offre un paysage de carte postale. Sur les bords d'autoroute, la nature jaillit avec force et beauté dans une succession de montagnes tressées de profondes vallées où alternent des étendues arides de ruines, des pelouses rases admirablement entretenues par les brebis, des vignobles en terrasses, des collines coiffées de blés, des plaines rouges, des vergers entourés de murets de pierres, le tout ayant été domestiqué par la main de l'Homme depuis belle lurette.
L'écrivain et chroniqueur de la Dépêche Yves Rouquette et son épouse Marie Rouanet fin 2013./ Archives DDM
Sa thébaïde dans le Rouge Rougier de Camarès
«Pittoresque», c'est un adjectif qu'elle n'aime guère quand il s'agit de qualifier cet ensemble parce que «trop touristique». L'écrivain Marie Rouanet a épousé la région des Grands Causses en même temps que l'occitaniste Yves Rouquette (chroniqueur «En langue d'Oc» dans nos colonnes et décédé en janvier 2015). Elle vit dans le Rougier, à La Serre, près de Camarès, «dans l'ordinaire des jours» depuis plus de 50 ans. Un «pays » qu'elle pratique au quotidien et dont elle connaît et reconnaît toutes les respirations et aspirations, les moindres coins et recoins, où elle distingue le chant du grillon noir de celui d'Italie «à ne pas confondre avec l'affreux crin-crin des cigales» et qui lui a inspiré un livre.
Dans ces rouges collines, Marie Rouanet s'est bâtie «une thébaïde de silence et de beauté», après avoir quitté son Biterrois natal. «Ce n'est pas la naissance qui vous rend d'un pays, c'est votre intelligence confrontée à ce pays. Moi, j'ai un usage moins pittoresque de cet espace composite, patrimoine mondial de l'Humanité», confie l'auteur.
Dans le Rougier de Camarès / Photo Blog Tourisme en Aveyron
«Le camp militaire va se refaire»
Pour Marie Rouanet , c'est avant tout l'homme qui façonne les paysages bien plus que le vent et l'eau qui érodent les roches. «C'est lui qui met les villages là et pas ailleurs. C'est lui qui s'en va quand il ne peut plus y vire. L'homme est à la fois prédateur et abandonneur de terres», dit-elle. Dans la région des Cévennes et Grands Causses, la présence humaine est rare en dehors des grandes villes que sont Millau, Lodève, Mende, Alès, Ganges… Sur le causse Méjean («Causse du Milieu») par exemple, la densité est inférieure à deux habitants au km2.
Terre d'histoire et de combats, marquée par deux Hérésies, par l'Inquisition, et plus près de nous, par la bataille du Larzac, les Cévennes et Grands Causses ont le vent en poupe. «Depuis la bataille des non-violents contre le camp militaire dans les années soixante-dix, ce territoire est resté à la mode. ‘‘Des moutons contre des canons'', ce sont des slogans qui marchent. Tout le monde était d'accord. Aujourd'hui, la décision a été prise, le camp militaire du Larzac va se refaire» , regrette Marie Rouanet.
Depuis 2004, la région a un atours supplémentaire avec le viaduc de Millau, sa pile P2 atteint une hauteur de 343 m, soit plus que la tour Eiffel qui mesure 302 m. «Je le trouve très beau, reprend Marie Rouanet. Passer sur le viaduc ne vous apprend rien. L'intéressant, c'est de descendre dessous et d'avoir cette vue qui vous domine. Je me régale de passer là sous un certain soleil.»
Les caves d'affinage du roquefort / Photo DDM
Mais revenons à nos moutons puisque c'est d'eux et de l'agropastoralisme dont il est question dans le classement Unesco. Sur les Causses, la brebis occupe une place de choix. Les paysages avec leurs drailles – chemins de transhumances – portent les cicatrices du passage des troupeaux. «A une certaine époque, il y avait plus de petits troupeaux, c'est terminé. On a d'énormes troupeaux. Prenez mon voisin, c'est un plaisir de voir sortir ses bêtes, grasses, en pleine forme. Autrefois, il y avait des laiteries presque dans chaque ferme importante, aujourd'hui avec le ramassage, elles se sont regroupées, l'affinage final se fait à Roquefort», poursuit l'auteur. Fromage de caractère au lait cru de brebis, le roquefort a contribué à forger l'identité de ce territoire.
Prochainement, avec les labours de l'automne, la thébaïde de Marie Rouanet va s'entourer d'un camaïeu de rouges. «Notre rivière Dourdou qui va rejoindre la Sorgue, de temps en temps, c'est du sang qu'elle porte.Puis, quand la boue d'argile tombe au fond, ça s'apaise.»
L'apaisement, c'est justement ce que vient chercher le visiteur dans ces paysages grandioses des Grands Causses et Cévennes.
« L'homme est à la fois prédateur et abandonneur de terres.»
Le Viaduc de Millau / Photo DDM, DR
«Mon rouge Rougier»
Dans cet ouvrage «Mon rouge Rougier», Marie Rouanet rend hommage à cette terre aveyronnaise qu'elle a embrassée 50 ans plus tôt grâce à Yves Rouquette, son défunt mari. De ses mots tendres, poétiques et précis et précieux, elle dit l'amour à la fois pour ce pays et son époux. Les photos d'Eric Teissèdre accompagnent ses textes étourdissants et sensuels.
Extrait : «Ce pays du Rougier, je l'ai rencontré l'année de notre mariage. Nous avons passé un mois entier de «voyage de noces» dans cette maison où nous vivons aujourd'hui.
Nous n'avions pas de voiture. Nous marchions à pied par des chemins de charretier ravinés, par des sentes à travers bois. C'est dire si nos promenades furent limitées.
Là, pourtant, dans ce premier temps de notre vie commune, j'ai découvert des réalités dont j'ignorais tout. La nuit d'abord, la vraie, sans aucune lumière artificielle, le ciel clouté d'étoiles vives, les phases de la lune : depuis la serre menue d'oiseau de l'astre jeune, jusqu'à la lune pleine dont la lumière et le sombres portées, bleu-noir, transformaient la nuit en féerie.»
La petite cité fortifiée de la Couvertoirade / Photo DDM Partagez sur les réseaux sociaux
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