Sites UNESCO d'Occitanie : Pyrénées Mont-Perdu

20/8/2016

   Sites UNESCO d'Occitanie (2/6) : Pyrénées Mont-Perdu   

Publié le 03/08/2016 à 08:47  | La Dépêche du Midi |  Pierre Challier

Pyrénées Mont-Perdu : Joseph Canerot et les grands cirques


Sur l'autre versant du massif du Mont-Perdu, Joseph Canerot à Gavarnie/ Photo DDM, P.C.

à cheval sur le Parc national des Pyrénées, côté français, et le Parc national d'Ordesa, côté espagnol, le site Pyrénées-Mont Perdu a été classé au Patrimoine Mondial de l'UNESCO en 1997. Voyage dans le temps avec le géologue Joseph Canerot, historien de ces paysages grandioses

Qui n'a pas vu Gavarnie n'a rien vu, prévenait en substance Victor Hugo. Devant le cirque, confronté à ce «Colisée de la nature» qui lui inspirerait pour partie “Dieu” -poème inachevé-, le poète n'admira d'ailleurs rien moins là que «l'édifice le plus mystérieux du plus mystérieux des architectes».


Joseph Canérot, un chercheur pyrénéen dans le secret des roches / Photo DDM

Et de fait, Hugo ne connaissait pas Joseph Canerot… L'homme qui lit à livre ouvert les secrets de cette montagne, celui qui, vous pointant du doigt ses verticales vertigineuses, ses gradins horizontaux et ses replis vous rappelle à présent qu'elle n'est qu'un pan d'un édifice encore plus vaste et pas moins spectaculaire : le site Pyrénées Mont-Perdu, patrimoine mondial naturel et culturel classé depuis 1997 par l'Unesco.

«Soit pour simplifier cet immense ensemble qui rayonne sur la crête franco-espagnole des Pyrénées centrales et couvre les quatre cirques de Gavarnie, Estaubé, Troumouse et Barroude, côté français, mais aussi les canyons d'Ordesa et d'Anisclo, la vallée de la Piñeta et les gorges d'Escuain, côté espagnol, et dont le Mont-Perdu est le point culminant, à 3 350 mètres», résume-t-il, le doigt sur la carte multicolore du géologue, l'écorché de ces reliefs, en quelque sorte.


Mont Perdu, Gavarnie, site d'exception ! / Photo DDM

La Terre sens dessus dessous
Professeur émérite de géologie à l'université Paul Sabatier de Toulouse, Joseph Canerot siège en effet au Conseil scientifique du Parc national des Pyrénées et possède donc l'art de faire parler les pierres. Ce qui lui permet de voyager loin dans le temps et de vous dévoiler les mécanismes puissants qui ont sculpté les Pyrénées, bref l'histoire de ces formes cyclopéennes qui autrefois faisaient trembler le commun des mortels devant «les mystères de la création». Car voyez-vous, lorsqu'en 1802, Ramon de Carbonnières trouva des fossiles marins à plus de 3 300 mètres en faisant la conquête du Mont-Perdu, c'est son latin que perdit la communauté scientifique de l'époque. Comment l'océan avait-il pu aller si haut ?


Au fond le Mont Perdu et le Soum de Ramond / Photo FB, Ordesa.com

«C'est qu'en fait les Pyrénées se sont d'abord soulevées sous la mer…», explique le scientifique. Ses deux mains réunies en boule forment la Terre. à l'intérieur, une énergie phénoménale chauffe à coup de milliers de degrés la croûte terrestre, «ce qui crée un mouvement de convection comme dans une casserole d'eau qu'on chauffe, faisant bouger ce qui flotte à la surface» poursuit-il. Et commence la grande collision…

«Nous sommes au crétacé, il y a environ 70 millions d'années. Les dinosaures vont s'éteindre dans cinq millions d'années. La croûte ibérique qui est en fait une partie mobile de l'Europe est alors poussée vers le nord par l'Afrique et sa plaque passe sous l'Europe.»... Comme un couteau soulève un copeau de beurre et le roule, elle crée alors les Pyrénées, sans oublier au passage de mettre anciennes et nouvelles couches géologiques “cul par-dessus tête”, au cœur de cette gigantesque «galipette» tellurique qui va porter les roches calcaires du fond de la mer jusqu'au-dessus de 3 000 m.. pour faire de Gavarnie et du Mont-Perdu le massif karstique plus haut d'Europe.


Le Cirque de Gavarnie / Photo DDM

La nappe “trois étoiles” de Gavarnie
«Mais cela va aussi créer des «écailles» de différentes couches géologiques et du fait du charriage, des terrains anciens, entre -250 millions et -300 millions d'années, vont aussi glisser et passer par-dessus des terrains récents de -80 millions d'années : c'est la fameuse “nappe de charriage de Gavarnie” qu'identifiera Arthur Bresson en 1903, nappe qui a été classée en 2015, sous le patronage du Muséum d'histoire naturelle de Paris, n° 1 des sites géologiques d'intérêt patrimonial de Midi-Pyrénées avec 3 étoiles, le maximum, ce qui souligne sa valeur au plan international.» poursuit le géologue pointant cette ligne ondulée, prise en sandwich dans le paysage. Puis l'eau, le gel, les glaciers tailleront par l'érosion les cirques à partir de -40 millions d'années mais creuseront aussi en ruisselant les canyons espagnols…

«La nature des roches, leur structure et cette géomorphologie, le caractère unique de cette nappe de Gavarnie, c'est également cela que reconnaît le classement de l'Unesco avec la beauté incomparable de cet ensemble», rappelle Joseph Canerot, prévenant que… «l'érosion continue» et qu' «un jour, il n'y aura plus de brèche de Roland au-dessus du cirque». Quand ? «D'ici quelques siècles ou milliers d'années». Encore le temps d'en profiter.


La Brèche de Roland / Photo DDM, L.Marquis

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