Eaux de source ou minérales de notre grande région

27/4/2016

Publié le 24/04/2016 à 07:16  | La Dépêche du Midi |  Jean-Marie Decorse

L'eau, un marché qui pétille !

Les eaux de la nouvelle grande région / Photo DDM

On sait qu'en réunissant leurs territoires, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées forment la plus grande région viticole de France. Mais l'eau est aussi source de revenus pour l'économie régionale, avec des marques distribuées et connues en France et dans le monde, jusqu'en Chine. Perrier, à Vergèze, dans le Gard vend chaque année 1,2 milliard de cols (bouteilles et cannettes). Plus modestement, deux autres eaux gazeuses, Salvetat, dans l'Hérault (190 millions de bouteilles) et Quézac, en Lozère (90 millions de litres) figurent en têtes de gondoles, tout comme, parmi les eaux plates, la Tarnaise Mont Roucous (115 millions de litres). Eau plate sur un marché qui ne l'est pas...

C'est ainsi que Mont Roucous vient d'entrer en négociation exclusive avec Nestlé Waters pour acquérir Quézac, cette grande marque suisse ayant par ailleurs le projet d'agrandir les capacités de Perrier à Vergèze, qui lui appartient.

Sur les pistes de ski et dans les commerces bio
La consommation d'eau en bouteille ne cesse d'augmenter. Quatrième buveur d'eau d'Europe avec 118 litres par an, le Français consomme toujours plus, et en s'hydratant il fait aussi travailler ses muscles puisqu'il faut porter des packs de près de 10 kilos !

L'image sportive, la Pyrénéenne Ogeu (Pyrénées-Atlantiques), l'a inscrite sur son étiquette en devenant cette année partenaire des stations de ski gérées par Altiservice : de la neige à l'eau, le rapport coule de source.

Associant leur image à la nature, à la santé et à l'activité, les eaux de source ou minérales ne souffrent pas de la méfiance qui touche les autres produits alimentaires. Et pour cause : aucun additif ni traitement chimique n'est toléré dans les eaux «de source» ou «minérale», toutes deux devant être souterraines et à l'abri de la pollution humaine. L'eau minérale doit, en plus, garantir la stabilité de sa composition en minéraux et oligo-éléments. On venait et on vient encore «prendre les eaux» dans les Pyrénées (riches en sulfates, bicarbonate, calcium ou magnésium), aujourd'hui, les Pyrénées voyagent en bouteilles.


/ Photo DDM

De l'eau changée en limonade
Devenue accessoire du quotidien, la bouteille est l'objet de tous les soins, compactable ou recyclable. Sur ce dernier point, l'eau ariégeoise de Montcalm, dans la vallée d'Auzat, est en pointe : entièrement recyclée, elle a franchi la porte des commerces bio et des hôpitaux.

Si la nouvelle région est l'un des premiers fournisseurs d'eau du pays, ses habitants n'en sont pas pour autant les premiers consommateurs. L'eau servie au robinet est plus appréciée dans le Sud-Ouest qu'elle ne l'est dans les zones de fortes ventes que sont les Hauts de France (nord), la région parisienne et le Sud-Est.

Mais de l'extraction à la distribution, l'exploitation des eaux n'est pas un long fleuve tranquille. L'eau d'Alet, près de Limoux dans l'Aude, n'est plus commercialisée depuis cinq ans. Ce qui n'ôte rien à ses qualités, recherchées par un limonadier artisanal en cours d'installation. Première livraison attendue cet été? ça va faire pschiit en terrasse.


Ces eaux tarnaises s'exportent en Lettonie


Pascal Valéra devant la chaîne de production / Photo DDM

Dans un bruit assourdissant, la chaîne d'embouteillage tourne à plein régime depuis 8 heures du matin. Ce soir, ce sont 80 000 nouvelles bouteilles, estampillées «La Fontaine de La Reine » qui viendront garnir les palettes destinées à l'exportation.
Installé dans le Tarn, entre Castelnau-de-Brassac et Lacaune, à une trentaine de kilomètres de Castres, Pascal Valéra gère la production de deux eaux régionales : la Fontaine de la Reine Frédegonde (eau minérale) – qui a donné son nom à l'entreprise – mais aussi La Tarnaise (eau de source). Crée il y a 20 ans, cette petite entreprise de 5 employés produit 14 millions de bouteilles par an.

C'est vraiment le Petit Poucet, en comparaison à l'autre marque concurrente Mont Roucous, située à 6 km de là, qui emploie 50 personnes.
«Nos eaux proviennent de deux forages différents, situés dans les bois à 2 km de l'usine d'embouteillage», reprend Pascal Valéra. La Tarnaise est captée à 45 mètres de profondeur et La Fontaine de la Reine à 70 mètres. «À l'extérieur de l'usine, nous avons six cuves de stockage de 60 000 litres chacune.»

Ces eaux faiblement minéralisées sont facilement assimilées par le corps. Elles sont recommandées pour les nourrissons, les femmes enceintes, les sportifs et les personnes âgées.

9 800 bouteilles à l'heure
La petite entreprise tarnaise fabrique ses propres bouteilles à partir de «préformes» qui ressemblent à des pipettes. «On les chauffe à 160 °C pour les ramollir, puis on les souffle deux fois – en longueur puis en largeur – pour arriver à la forme définitive de la bouteille.» Que ce soit la fabrication de la bouteille, son remplissage, la pose du bouchon, puis de l'étiquette, le regroupement en pack de six, le collage de la poignée, puis le conditionnement en palette : tout est automatisé. «Une palette comprend 504 bouteilles de 1,5 litre. Il en sort une toutes les trois minutes».


Les cuves de stockage de 60.000 litres d'eau chacune (2011)./ Photo DDM, S. F.

Lettonie, premier client
La plupart des bouteilles sont exportées en Lettonie. «On est à 500 camions par an. Soit plus de 8 millions de bouteilles», précise le directeur après avoir tapoté sur sa calculatrice.
Depuis l'an dernier, la Chine commence à apparaître timidement sur leurs carnets de commandes.

La Fontaine de la Reine est également bien implantée dans le tissu local. On trouve la marque dans tous les rayons des supermarchés. Elle sponsorise aussi de nombreuses manifestations sportives régionales : rencontres de football et de rugby, tournois de pétanque, courses cyclistes, concours de majorettes… afin d'acquérir une certaine «visibilité».

Avec un chiffre d'affaires «intéressant et en constante augmentation», la Fontaine de la Reine ne connaît pas la crise. «On fait du positif, ce qui n'est pas trop mal par les temps qui courent. Le problème avec l'exploitation de l'eau, c'est sa faible valeur ajoutée. Si je faisais du Cognac, la marge serait plus importante, conclut Pascal Valéra. Il faut donc compenser en misant sur le volume». N'empêche, le whisky Black Mountain produit à Anglès, dans le Tarn, est allongé avec son eau !


L'eau du grand sud, quelle histoire !


Boussan (31), établissement thermal / CPA

Quand on observe la carte de France du thermalisme et de l'hydrologie médicale, deux grandes régions sautent aux yeux : celle du centre de la France avec ses eaux emblématiques comme Vichy-Célestins ou Badoit, et puis le Sud-ouest et une large partie de sa façade languedocienne. Pas étonnant que ce soit précisément dans ces régions que se sont développés les usines d'embouteillage, qu'il s'agisse d'eaux de source ou d'eaux minérales.

La France, premier exportateur mondial d'eaux minérales naturelles, trouve dans son sol et sous-sol des eaux aux vertus bénéfiques connues depuis l'Antiquité, des Romains au Second Empire. L'impératrice Eugénie a largement contribué à la renommé des stations pyrénéennes, de Biarritz à Luchon.


Miers-Alvignac (46) : Buvette de la source / CPA

De ce passé pas si lointain, il reste bien sûr cette architecture de villégiature propre aux villes d'eau, avec ses promenades largement inspirées des aménagements haussmaniens. Et il y a toujours la présence de ce petit patrimoine longtemps ouvert à tous les vents et que la collectivité cherche à restaurer à grands frais. C'est le cas d'Alvignac-Miers, dans le Lot avec son pavillon des eaux, son kiosque du bouillon, son bâti en balcon, qui aimerait bien recouvrer sa forme, si les normes sanitaires en vigueur, aussi sévères qu'indispensables, ne venaient régulièrement la condamner à l'isolement en lui retirant les agréments de l'administration.

Pourtant le thermalisme et les chaînes d'embouteillage sont toujours un enjeu en termes d'aménagement du territoire. Ils introduisent de l'activité économique dans des régions progressivement abandonnées par la vieille industrie, sidérurgique ou électrométallurgique qui reposait sur la force hydraulique.


Seintein (09), établissement des bains / CPA

Eaux sulfatées ou bicarbonatées sodiques, magnésiennes ou calciques, sulfurées sodiques silicieuses ou chlorurées, Le Sud-ouest offrait un choix ouvert à toutes les thérapies. Bains de boue à Barbotan (32) ou Molitg (66), pulvérisations, inhalations et brumifications à Ax-les-Thermes ou Usson (09) ou encore Luchon, Barèges, Cauterets ou Saint-Sauveur… Devant de tels bienfaits, on comprend que les mercenaires d'Hannibal, les praticiennes romaines, ou encore des hôtes illustres comme Edmond Rostand, François Coppée, Chateaubriand ou Alphonse Daudet, aient voulu faire étape dans nos vallées.


Trébas (81), établissement thermal / CPA
 

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