Décès de Jacques Chancel, originaire des Hautes-Pyrénées
26/12/2014
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Publié le 23/12/2014 à 11:00 | La Dépêche du Midi |
L’homme de télévision Jacques Chancel, originaire des Hautes-Pyrénées, est mort
Jacques Chancel. - DR
Journaliste, écrivain, producteur mais avant tout figure de la télévision française, Jacques Chancel est décédé dans la nuit de lundi à mardi à Paris, comme l’a annoncé sur Twitter le PDG de Radio France, Mathieu Gallet. Il avait 86 ans.
Jacques Chancel, de son vrai nom Joseph Crampes, était né en 1928 à Ost, dans les Hautes-Pyrénées. Il y a d’ailleurs gardé ses racines et a toujours revendiqué son enfance montagnarde. Le journaliste avait d’ailleurs acheté le château de Miramont, sur les hauteurs d’Adast, où se sont succédées des personnalités politiques comme Nicolas Sarkozy ou François Bayrou.
Deux émissions cultes
Jacques Chancel était devenu chroniqueur télé et radio dans les années 50 pour Télémagazine puis à Paris-Journal, devenu Paris-Jour. Il s’est ensuite lancé dans la radio et la télévision. Pour France Inter, il produit et anime ce qui deviendra l'une des émissions les plus célèbres de l'histoire de la radio : Radioscopie, dont il présente plus de 6 000 numéros de 1968 à 1982 puis de 1988 à 1990. Il y reçoit la plupart des grands noms de l'époque mais aussi des anonymes.
A la télévision, il lance en 1971 Grand Amphi qui devient un an plus tard Le Grand Echiquier. Là encore, dans cette émission sur Antenne 2, il reçoit de 1972 à 1989 des personnalités du monde du spectacle, des peintres, des chercheurs...
L'annonce de son décès a immédiatement suscité des réactions sur les réseaux sociaux. « Jacques Chancel m'a élevé avec Radioscopie et Le Grand Echiquier. Merci monsieur », a par exemple écrit le comédien François Morel.
Jacques Chancel, passeur de culture sur les ondes, s'est éteint
Jacques Chancel, à Paris Francois Guillot / AFP
Jacques Chancel, voix historique de la radio et de la télévision publiques françaises qui a su rendre la culture populaire avec les émissions "Radioscopie" et "Le Grand Echiquier", est mort dans la nuit de lundi à mardi, une disparition qui a suscité un hommage unanime.
"Et Dieu dans tout ça?" Cette question devenue culte, ce maître de l'interview la posa au patron du parti communiste français Georges Marchais le 8 février 1978.
Amoureux de la musique classique et de la littérature autant que du Tour de France, le journaliste a interrogé pendant plus de 20 ans les plus grands noms de la culture et de la politique.
Voix enveloppante et sourire bienveillant, il est mort à l'âge de 86 ans d'un cancer à son domicile parisien, selon un proche qui a requis l'anonymat.
"Je fais partie des gens qui l'ont écouté tous les soirs à la radio. Il posait toujours la question juste, il savait accoucher ses interlocuteurs", a confié à l'AFP le journaliste politique Ivan Levaï. "Il a vécu toutes les souffrances du XXe siècle, et il les a vues en Indochine. Plus qu'un journaliste, il était devenu un passeur de mémoire."
"Jacques Chancel, c'est un monument de l'histoire de la radio publique", a déclaré, des sanglots dans la voix, le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, sur l'antenne de France Inter. "C'était l'exemplarité de ce qu'est le service public dans (...) cette capacité à rendre accessible les plus grands intellectuels, les grands artistes."
Pour France Inter, Jacques Chancel a produit et animé l'une de ses émissions les plus célèbres: "Radioscopie", dont il présente plus de 6.000 numéros de 1968 à 1982 puis de 1988 à 1990.
La station lui rendait hommage ce mardi en rediffusant en intégralité ses interviews avec Jacques Brel, Marguerite Yourcenar, Dali, Patrick Modiano, Serge Gainsbourg ou l'abbé Pierre.
Une télévision 'intelligente'
A la télévision, Jacques Chancel avait lancé en 1971 "Grand Amphi" devenu un an plus tard "Le Grand Échiquier". Là encore, dans cette émission sur Antenne 2, il reçoit de 1972 à 1989 des personnalités du monde du spectacle, des peintres, des chercheurs...
"Il a été un grand serviteur du service public, à la radio et à la télévision", a salué Bernard Pivot, autre icône d'une télévision "intelligente". "On représente tous les deux une sorte de nostalgie de la télévision, le Grand Echiquier, Apostrophes…"
"C'est d'ailleurs lui qui m'a passé le coup de fil depuis sa maison des Pyrénées pour me demander si je voulais passer de la première à la deuxième chaîne pour faire une émission littéraire", raconte Bernard Pivot, un "intime" de Jacques Chancel qui venait de lire le dernier volume de son journal ("Pourquoi partir?" paru cette année chez Flammarion)".
Dès l'annonce du décès, les hommages ont été unanimes. Philippe Bouvard a salué "l'inventeur du partage culturel" sur le site du Point.
Sur Twitter, le comédien François Morel, chroniqueur sur France Inter, s'est fendu d'un "Merci monsieur" alors que le parolier et scénariste Jean-Loup Dabadie s'est exclamé: "Jacques Chancel était un Monsieur". Pour le violoniste Renaud Capuçon, c'était "une personnalité culturelle insensée qui couvre plusieurs générations".
"Chancel avait une passion pour la musique classique. Beaucoup d'entre nous, nous lui devons cette passion qu'il a diffusée au maximum, dans le bon sens du terme", a souligné avec émotion la soprano Patricia Petitbon sur France Info.
François Hollande a rendu hommage à un homme qui a "incarné le service public de l'audiovisuel" et dont les émissions "ont marqué des générations de Français".
"Enfant de Bigorre, insatiable curieux et passionné, Jacques Chancel restera cet inégalable passeur de culture, une voix chère à tous", a écrit le Premier ministre Manuel Valls.
"Il disait avoir toujours essayé d’offrir au public non ce qu’il aimait, mais ce qu’il pourrait aimer. Il y sera parvenu avec un rare bonheur", retenait pour sa part la ministre de la Culture Fleur Pellerin dans un communiqué.
L'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy s'est joint à cet hommage unanime en saluant, sur le site du Point, la mémoire d'un homme d'une "immense culture": "Je ne connais pas un seul sujet qui ne l'ait pas passionné"."
L'ex ministre de la Culture Jack Lang (PS) a déclaré:"J'ai seulement envie de lui dire merci. Merci pour votre talent, votre élégance,votre ouverture aux autres."
"Il rapprochait les gens et une certaine élite, ce qu'on voit aussi avec le Tour de France, a déclaré à l'AFP le directeur de cette course, Christian Prudhomme
Publié le 24/12/2014 à 08:03 | La Dépêche du Midi | Marc Bélit, fondateur de la Scène nationale du Parvis
La Bigorre pleure Jacques Chancel
Jacques était un être profondément joyeux / Photo DDM
Amis intimes ou habitants de la vallée qui ont côtoyé de près ou de loin Jacques Chancel, ils rendent tous hommage à la mémoire du Pyrénéen passionné.
Jacques Chancel était un ami de la famille Saint-Martin, restaurateurs de père en fils au Viscos à Saint-Savin. «Mon fils de 5 ans a fait ses premiers pas dans ses bras», se rappelle Alexis, qui a succédé en cuisine à son père Jean-Pierre. Ce dernier est «très affecté» par la disparition de celui qu'il «considérait comme un père. D'ailleurs, il me le rendait très bien. Il m'avait offert son amitié depuis des années. Nous nous baladions souvent sur les routes de son enfance. Il avait un sens du récit incroyable, avec la richesse du langage qui l'accompagne. J'ai eu la chance de le connaître depuis mon enfance. Lorsqu'il était à Adast, il faisait un saut tous les matins au restaurant. C'était un chantre des Pyrénées, un ambassadeur brillantissime qui n'hésitait jamais à faire la promotion de son pays. On ne soupçonne pas le nombre de sommités qu'il a fait venir dans les Pyrénées, toujours dans la discrétion. Il ne s'est jamais servi de sa notoriété médiatique pour son propre compte mais au contraire pour servir les autres. Il a inventé un nouveau style d'interview qui repose sur l'art d'écouter, trop rare aujourd'hui».
Ami de longue date, le docteur Pierre Hèches (qui témoigne également ci-contre) le considérait comme «un grand frère. C'était quelqu'un de très humain, très simple, très attaché à sa vallée. Son père est enterré au cimetière d'Argelès-Gazost. Je ne doute pas qu'il voudra le rejoindre».
De la même manière, Georges Azavant, conseiller général du canton, a «été surpris de voir sa proximité» lorsque, élu à Argelès, il s'était porté volontaire pour aider à l'organisation du Rallye des Gaves : «Il n'avait rien d'affecté et entretenait des relations faciles et sincères avec les gens. Il traitait tout le monde d'égal à égal». Quand il était adjoint au maire d'Argelès, Georges Azavant se souvient du «précieux coup de main amical, direct et spontané» que Jacques Chancel lui avait donné pour médiatiser l'épreuve cyclosportive L'Isard. Il gardera aussi l'image d'«un homme cultivé au sens profond du terme. Il m'avait fait visiter son salon-bibliothèque au château de Miramont. Pour lui, la culture, ce n'était pas une posture. Il ne tenait pas à l'étaler comme beaucoup de cultureux. Enfin, il se faisait un point d'honneur de participer chaque année à la fête du village d'Adast». Le sénateur François Fortassin l'a très bien connu aussi, notamment grâce au Tour de France. «C'est un grand pyrénéen qui disparaît, quelqu'un qui a porté haut les couleurs du département grâce notamment à ses chroniques sur le Tour et à son émission «Radioscopie». C'était un homme de grand talent, à l'esprit très vif et en même temps quelqu'un qui a toujours su rester modeste, à l'écoute des autres».
Une volonté de partager, d'échanger et de transmettre
Le sport, notamment le Tour de France, constituait l'une des matrices de ses amitiés locales. Henri Abadie, alors jeune cycliste professionnel, a vécu son premier Tour de France au plus près de Jacques Chancel. «Il m'avait pris comme mascotte de son émission d'après-Tour, raconte le Tarbais. Pourtant ,on ne se connaissait pas. C'est le manager de notre équipe qui lui a parlé de moi. Le fait que je sois bigourdan a dû jouer en ma faveur. C'était un supermec, qui mettait en valeur et en avant les autres personnes plutôt que lui. Dans ce milieu, ça faisait la différence. Dans l'émission, je devais raconter tous les soirs comment j'avais vécu l'étape. En termes de popularité, pour moi qui étais tout jeune, ça a été un atout incroyable. Malheureusement, je n'ai pas gardé de lien avec lui car il n'était pas souvent en Bigorre. On devait organiser un rendez-vous avec Alain Tani qui était un de ses amis. Nous n'avons pas eu le temps de le faire.»
Autre sportif à s'être lié d'amitié avec l'animateur, Jean Gachassin savait Jacques malade. «Mais avec sa compagne Martine, on espérait. Ce matin, ça m'a foutu un coup. On se voyait toutes les semaines à Paris ou à Argelès. On s'est connus avec le rugby. Jacques m'avait pris sous son aile. Grâce à lui, j'ai été invité dans toutes les émissions. En août 1979, pour notre jubilé avec Michel Crauste, on a monté une revanche de la finale entre Bagnères et Narbonne. Jacques m'a tout simplement offert quatre heures d'antenne en direct sur «France 2», avec comme consigne de simplement me débrouiller. C'est un moment qui témoigne de toute l'amitié qui nous liait. Il était régulièrement mon invité d'honneur à Roland-Garros. Jacques était un des plus grands défenseurs de la Bigorre.»
Originaire et longtemps membre du comité des fêtes d'Adast, Noël Pereira, aujourd'hui maire de Pierrefitte-Nestalas ,loue «sa disponibilité, son écoute, son hospitalité. Il avait une volonté de partager, d'échanger et de transmettre. Quand j'étais correspondant de «La Nouvelle République des Pyrénées», il avait eu la gentillesse de nous inviter avec mon homologue de «La Dépêche du Midi» Lionel Crampe, sur son plateau télé lors de l'arrivée de l'étape du Tour de France à Cauterets, en 1989 C'était quelqu'un qui rayonnait, sans se mettre en avant».
«Pourquoi partir?»
Il venait de publier son dernier livre (son journal des années 2011/2014) sous ce titre énigmatique : «Pourquoi partir ?» et c'était là tout l'homme qui transformait en question ce qui est pour chacun une évidence puisqu'il faut bien partir un jour.
Il y a un an à peine, je venais de le recevoir pour son dernier livre : «La nuit attendra», un beau titre pour une expérience douloureuse de cécité vécue dans sa jeunesse indochinoise après avoir sauté avec son véhicule sur une mine du Viet-Minh et il m'avait dit : «Tu vois, j'ai attendu des années avant d'écrire ce livre, saisi de je ne sais quel pressentiment et lorsque j'ai fini par le faire, c'est au moment où je retrouve des problèmes de vue (il avait en effet des difficultés à lire et à écrire et il lui fallait une énorme loupe pour le faire). Mais de ses problèmes intimes, Jacques Chancel ne parlait jamais, trop élégant pour accabler son visiteur ou son interlocuteur de secrets intimes. Il préférait célébrer la vie, l'amitié, avec ce rire complice qui le faisait aimer de tous. Car Jacques Chancel faisait l'unanimité de sa profession. D'abord en raison de son parcours exceptionnel et de ses indéniables réussites journalistiques et culturelles : «Radioscopie» d'abord, vingt-deux ans d'émissions quotidiennes où il a reçu tout ce que la France comporte d'écrivains, de savants et d'hommes et femmes remarquables à divers titres et puis «Le Grand Échiquier» qui durera dix-huit ans avant de se terminer en apothéose un 21 décembre 1989 avec Ruggero Raimondi. Jacques Chancel signait là son rare talent d'interviewer, son goût pour la musique et sa façon unique de rendre la culture populaire.
Ce que l'on sait moins, c'est que son jardin secret, cependant, était l'écriture, car durant toutes ces années de travail trépidant de construction d'émissions, de reportages et de direction d'antenne («Antenne 2» avec Marcel Jullian), il n'aura cessé de lire et d'écrire : «Le temps d'un regard» qui aura le prix de l'Académie française en 1978, «Tant qu'il y aura des îles» en 1980, «Franchise postale» encore un beau titre sur sa correspondance avec Marcel Jullian, «Le Guetteur de rives» en 1985, puis son journal à partir des années 2000 au rythme d'un tous les deux ans, son «Dictionnaire amoureux de la télévision» qui sortira en 2011, sans compter les innombrables éditions de «Radioscopie», des albums dont un remarquable sur «Le Tour de France» qu'il aimait tant voir passer le col du Hautacam tous les étés fidèlement. En tout une trentaine d'ouvrages, depuis ce premier roman paru en 1950 à Saïgon («L'Eurasienne») jusqu'à ce dernier opus qui se clôt sur un point d'interrogation.
Le point d'interrogation dit beaucoup de ce qu'était Jacques Chancel, tout son être, son visage, son regard, son air, son sourire, étaient d'interrogation. Il avait une façon de vous regarder, de s'adresser à vous, une telle curiosité de l'autre des autres que nul ne résistait à sa façon de faire. Cet homme avait le don de la communication et le talent de la convertir en conversation. On ne dira pas ici le succès et l'intérêt de ses innombrables «Radioscopies» où tant de gens se livrèrent de manière inattendue et on brocarda sa façon de faire, résumée dans une formule : «Et Dieu dans tout ça ?» Longtemps Jacques Chancel déclara que c'était une fable et qu'il n'employait jamais cette expression, mais voilà que dans son dernier livre, il confesse que dans les archives de l'INA, on trouve cette expression dans une «Radioscopie» de qui ? De Georges Marchais ! Et Chancel de conclure, je m'apercevais que tous mes interlocuteurs, à un moment ou l'autre, me parlaient de Dieu, surtout les athées. Voilà un point de légende levé.
Un homme de parole donc et d'écriture, un homme de communication et de réflexion, voilà qui était Chancel et un homme de son pays enfin, totalement. Lui qu'on pouvait imaginer le plus parisien des Parisiens, qui était comme un poisson dans l'eau dans tous les lieux et événements de la capitale, qui avait eu longtemps sa table au Fouquet's ou au Flandrin, que tout le monde venait saluer à sa table (jamais loin de l'entrée) n'aimait rien tant que revenir dans ses Pyrénées, dans sa belle demeure de «Miramont» à mi-colline de Saint-Savin d'où il partait quotidiennement pour de longues marches dans la montagne ou des balades à ski par temps de neige. Car cet homme était resté un enfant de la montagne, de cette vallée d'Argelès où il revenait se ressourcer avec constance, parlant sans fin de ce père berger et menuisier qu'il aimait tant, ému par une cascade, un chevreuil qui détale ou un flocon de givre accroché à une branche et qui reflète le soleil. Il me parlait encore, il y a peu, de son bonheur de voir sa petite fille chérie Philippine (celle qui l'appelait «Papija») avoir son premier flocon de neige. On n'imagine pas un homme plus affectueux et amical avec sa famille et ses enfants.
Et avec ses amis. Je dois confesser ici l'amitié qui me lia à ce grand frère dont je n'avais à aucun titre à requérir une marque d'attention. Nous nous étions rencontrés sans nous connaître, aux débuts du Parvis, et nous ne nous sommes jamais perdus de vue, tantôt de loin en loin, ces dernières années plus souvent. Nous avions, il me semble, tiré parti d'une connivence sans explication, un même regard sur les choses de la vie, une même provenance pyrénéenne peut-être, ce rien inexplicable qui fait qu'on se sent d'un même pays d'enfance et d'horizon. C'est cet homme-là que je pleure aujourd'hui. «Pourquoi partir ?» disait-il, en effet, cela attriste tellement de monde.
Publié le 24/12/2014 à 03:52 | La Dépêche du Midi | Viktoria Telek
Bagnères-de-Bigorre : Quand Jacques Chancel signait encore Jo Crampes…
« Cruelle rencontre » ou « Invitation à la neige » sont des papiers signés Jo Crampes dans les pages de « L'Omnibus » , conservées par l'association du lycée./Reproduction V.T.
Ses camarades du lycée Victor-Duruy de Bagnères l'ont connu sous le nom de Joseph Crampes, son nom d'origine, que le futur journaliste a dû changer quand il était correspondant de guerre pour RDF en Indochine. Mais tous ont suivi avec admiration le parcours de Jacques Chancel, une personnalité marquante de ce qui était, à l'époque, un collège de garçons. Dans le local de l'association Victor-Duruy, regroupant d'anciens élèves de l'établissement, un panneau rappelle ainsi ses débuts journalistiques.
De formidables souvenirs
«Il était à l'initiative, en 1946, du premier journal de Duruy qui en a inspiré d'autres plus tard», explique non sans fierté Arlette Lafforgue, présidente de l'association, nous montrant quelques exemplaires de «L'Omnibus», un bimensuel de 4 pages, imprimé chez Péré à Bagnères, qu'il a dirigé avec deux autres élèves pendant sa courte présence. Un an seulement. Mais celui qui a voué un véritable amour pour les Pyrénées de son enfance garde de «formidables souvenirs» de son passage dans le Haut-Adour, comme il l'a confié à Hervé Pauchon lors d'une interview sur «France Inter» en 2011, évoquant le terrain de rugby, les bords de l'Adour et bien sûr «L'Omnibus». «On était très à l'avance sur le temps, on était quelques-uns à vouloir pénétrer le monde du journalisme. En réalité, c'était pour nous une manière de fuite, une grande évasion», confiait-il non sans exprimer son bonheur d'avoir relu quelques numéros il y a quelques années. «C'était tellement ridicule que c'était beau».
Publié le 24/12/2014 à 08:46 | La Dépêche du Midi | Pierre Challier
Jacques Chancel, le Pyrénéen
Jacques Chancel, le Pyrénéen / Photo DDM
Abel Latapie pointe la maison à côté de l'église. «Il était né là, à Ost, le 2 juillet 1928», rappelle-t-il, l'index magistral. «Et son père, escaliériste, avait l'atelier juste à côté de chez nous. On allait à l'école ensemble, il avait trois ans de plus que moi. Après, il a fait le séminaire à Saint-Pé, le lycée à Bagnères et puis il s'est engagé pour l'Indochine à 17 ou 18 ans et il a fait deux campagnes. Il était costaud et courageux, bon en classe. Je ne sais pas si vous savez, mais son père, Auguste, est mort en écoutant radioscopie», poursuit-il…
Hier à Ayzac-Ost, en vallée d'Argelès, au pied du Pibeste. Ici, «ceux de la classe» l'appelaient Joseph, les plus hardis «Jojo», le jeune Joseph Crampes. «Mais Jacques Chancel, c'était notre fierté au village et pour nous tous à l'école qui étions avec lui», reprend Abel. «Il aimait tant sa Bigorre, ses Pyrénées… Dans les années 60-70, il a fait vivre Argelès pendant dix ans avec son rallye des Gaves où, grâce à lui ne venaient que des vedettes», souligne alors Daniel Moulié, l'autre voisin du village natal.
Jacques Chancel… Voix historique de la radio et de la télévision françaises qui s'est donc éteinte dans la nuit de lundi à mardi, à 86 ans. En plus de 6 000 Radioscopies et combien de Grand Echiquiers de janvier 1972 à décembre 1989, pour des millions de Français, elle avait fini par se confondre avec celle de l'ami courtois et cultivé qui venait s'asseoir en toute simplicité à la cuisine, au salon, avec… Karajan, Rubinstein, Menuhin, Lodéon, Brassens, Brel, Cora Vaucaire, Barbara, Juliette Gréco ou Isabelle Adjani. Mais aussi avec l'écrivain tarbais David Mata pour son Mirador Aragonais ou Evelyne-Jean Baylet, la «patronne» de La Dépêche, devant son micro, pour faire découvrir, par amitié, par fidélité…
Chancel le passeur ? Lui se référait volontiers à Pierre Desgraupes : «Je ne veux pas donner aux téléspectateurs ce qu'ils aiment, mais ce qu'ils pourraient aimer. Je veux leur donner l'envie d'aimer et leur offrir». De l'ancienne école, il respectait donc l'intelligence qu'il prêtait à autrui et qu'autrui lui rendait, reconnaissant, avec intérêt… Et l'exceptionnel franchissait alors l'espace, le halo de l'écran pour s'installer voire passer à table en toute simplicité. Au fil des questions complices, précises ou incisives, Chancel révélait alors l'humain dans le génie. Jusqu'à devenir une référence de l'interview… «Savez-vous que 10 ans après la fin du Grand Echiquier, je reçois encore 10 à 30 lettres par jour me demandant de reprendre», nous confiait-il ainsi, en 1998. à la fois flatté, amusé et un brin… agacé d'être résumé à ces deux émissions phares.
Parce que Jacques Chancel, c'était aussi l'écriture, quantité de livres et bien d'autres productions ou chaînes portées sur les fonts baptismaux, un directeur général, un conseiller. Un sacré parcours, aussi, qui avait vu passer le jeune Bigourdan de sa vallée d'Argelès aux rizières d'Extrême-Orient, opérateur radio à Saïgon, puis correspondant de guerre pour Paris-Match avant de devenir journaliste à Paris-Jour. Boulimie de vie, d'art, de connaissance, curiosité insatiable, toujours en mouvement, la flamme à l'œil, «un livre par jour, c'est une question d'hygiène» – disait-il, avec un seul grand regret, avoir «raté Picasso», cloué au lit par la fièvre alors que le peintre l'attendait en studio…
Sur la fenêtre au-dessus de l'entrée de son manoir de Miramont (ayant également vu passer Nicolas Sarkozy) dans les Hautes-Pyrénées, belvédère donnant sur le Pibeste et Hautacam acheté au début des années 70 à côté de Saint-Savin, une moderne statuette et des piles d'ouvrages le rappelaient, aussi, hier. Longue allée, pièce d'eau frissonnant sous deux ou trois colverts, demeure aux harmonies classiques entourée d'un haut parc à l'anglaise… de là il arpentait inlassablement ses lieux d'enfance et, bien sûr, partait pour ne rater aucun Tour de France – sa belle et forte passion.
Sur la route surplombant le domaine, un monument à la mémoire de Despourrin (1698-1749) dit : «C'est auprès de ce site enchanteur que le poète populaire des Pyrénées, inspiré par la nature qui l'entourait, a composé ses poésies les plus gracieuses». Le refuge de Jacques Chancel pouvait-il être ailleurs ? «On le voyait à toutes les vacances, il écrivait ici, mais, cet été, il était reparti plus tôt à cause de la maladie», se souvient Sophie Cazajous, la sœur de Nicolas, le gardien. «La seule chose que je peux vous dire, c'est que Monsieur Chancel reviendra dans les Hautes-Pyrénées», confie ce dernier. La chapelle, le parc ? Cela reste à déterminer et ce ne sera pas dans l'immédiat. Mais ce sera. «Parce qu'il l'a toujours voulu ainsi». Miramont l'attend désormais, face à ses Pyrénées et pour l'éternité.
«La seule chose que je peux vous dire, c'est que Monsieur Chancel reviendra dans les Hautes-Pyrénées»
Publié le 24/12/2014 à 08:41 | La Dépêche du Midi | P.C.
L'émotion de son ami à Saint-Savin
Jean-Pierre Saint-Martin, l'ami restaurateur, à Saint-Savin./Photo DDM, Pierre Challier.
La table réputée du Viscos, à Saint-Savin. Jacques Chancel y venait pour la chère, un foie poêlé, une tarte de saison et pour l'ami chef, Jean-Pierre Saint-Martin. «Il m'avait connu enfant puis m'avait offert son amitié», résumait hier ce dernier, marqué par sa disparition. «Grâce à lui, j'ai rencontré des gens extraordinaires, des sommités du monde médical, de l'art, du show-biz et cela se faisait toujours dans la discrétion», poursuit-il, reconnaissant aussi de ce que Jacques Chancel avait apporté à la vallée avec son fameux rallye des Gaves, «Johnny, Claude François, Sylvie Vartan en concert à Argelès, ou José Artur et le Pop Club au casino, incroyable» et de ces moments privilégiés partagés. «Il passait me chercher et on partait faire un tour sur les lieux de son enfance. Il aimait beaucoup le Bergons, Hautacam. Sa conduite était sportive mais très agréable et au moment du Tour, il adorait faire une boucle qui le conduisait la veille de l'étape à Bagnères puis au Tourmalet avant de redescendre chez lui». Aujourd'hui ? «La tristesse est immense et les Pyrénées ont perdu leur ambassadeur»…