Pyrénées : la dernière frontière sauvage
Publié le 11/05/2014 à 11:06 | La Dépêche du Midi | S.D.
Pyrénées : la dernière frontière sauvage
Les Pyrénées offrent un panel très diversifié de randonnées où les paysages, le climat, la diversité biologique... varient d'un bout à l'autre de la chaîne.Comme ici au col des Tentes dans les Hautes-Pyrénées. / Photo DDM, Laurent Dard.
On y trouve plus de 2 500 lacs, des sources de promenades inépuisables, des animaux sauvages en quantité, une flore exceptionnelle. On y fait du sport extrême ou des activités plus douces. Accessibles à tous, les Pyrénées offrent un panel de loisirs quasiment illimité. Mais ce pays se respecte et se protège. Entre les utilisateurs de ce domaine, les touristes, les professionnels, les habitants bipèdes ou quadrupèdes, la cohabitation n'est pas toujours facile.
«On est passé de 0 à 25 ours en 15 ans»
Souvent pointés du doigt, les chasseurs revendiquent avec ardeur leur amour du massif : «La cohabitation ce n'est pas l'exclusion du chasseur», explique Jean Guichou, directeur de la fédération de chasse d'Ariège. «Nous aussi nous parlons de gestion de la nature, nous veillons à ne rien casser, à protéger ce qui doit l'être. Je souligne qu'on est passé de 0 à 25 ours en 15 ans et qu'on n'a pas gêné leur développement. Et je remarque aussi que de l'autre côté de la frontière les choses se passent mieux. Pour tout dire, nous ne sommes pas opposés au retour des espèces, si ce retour est naturel .»
/ Photo DDM
Christophe Popelin, naturaliste et guide, insiste sur ce côté sauvage : «Voir les grands prédateurs est révélateur d'un écosystème complet. Concernant l'ours, si la problématique des «pour ou contre» existe bel et bien, j'invite les gens à la dépasser. Les Pyrénées, c'est un super-patrimoine, une montagne qui a moins souffert qu'ailleurs de l'aménagement du territoire et qui conserve des aspects sauvages. Ce qui est un gros atout. Je reçois de plus en plus de demande pour des séjours thématiques sur les traces de l'ours.
Claude Dendaletche, universitaire et écrivain, attiré comme un aimant par ce prestigieux massif comprend cette attraction, la partage et note qu'elle existe depuis très longtemps. L'empreinte de l'homme, il ne faut pas la surestimer dit-il en substance, «il y a beaucoup plus de terres sauvages que de terres aménagées tout le long du massif».
Claude Dendaletche, universitaire et écrivain :
«Un vieux mythe qui a toujours attiré»
Claude Dendaletche en son royaume : sa bibliothèque abritée dans sa maison de Cambo-les-Bains, garnie de 3 000 ouvrages sur les Pyrénées. C'est l'une des plus riches bibliothèques pyrénéennes de France. PHOTO BERTRAND LAPÈGUE (Sud-Ouest)
Quelles sont les spécificités de la faune et de la flore dans les Pyrénées ?
On parle des espèces donc que ne trouve que dans le massif. La particularité très étonnante, c'est une zone parmi les plus riches d'Europe, bien plus riche que les Alpes, compte tenu de la petite surface du massif, (450 kilomètres de long et un peu moins de large). Il faut citer deux espèces qui ont disparu, l'ours et le bouquetin, ce qui est une forme d'échec social très important. Pour le bouquetin personne n'en parle. Il faut aussi souligner que des deux côtés de la frontière, il y a la même volonté d'agir pour garder les espèces.
Quelles sont selon vous les zones les plus intéressantes ?
Les zones de karst, le pic d'Annie et la partie navaro-aragonaise. J'ai toujours aimé les parties les plus hautes, le pic d'Anéto, le Monte Perdido, et curieusement elles ont été très peu étudiées.
Quels sont les dangers ?
On a souvent exagéré ou minimisé l'influence de l'homme. Elle est forte autour des stations de ski mais ça représente 10 % de la surface quand on est objectif. Quelques gros projets devaient se faire en Aragon mais ils ne se réaliseront pas faute d'argent.
Comprenez-vous la fascination qu'exerce le massif ?
Bien sûr, je vois des jeunes qui ont inventé des métiers modernes liés aux sports d'aventures. En Catalogne, de plus en plus de jeunes recolonisent de vieux villages. J'avais écrit il y a une trentaine d'années que l'avenir passait par le repeuplement. La frontière sauvage, c'est un vieux mythe qui a toujours attiré. Je viens d'écrire un livre qui raconte la traversée des Pyrénées de Viollet le Duc, il avait 19 ans quand il a effectué Bayonne- Luchon à pied.
L'ours a repris sa place mais...
/ Photo DDM
Selon les chiffres de 2013, 25 ours vivent dans les Pyrénées. Un chiffre à quelques unités près explique Sabine Matraire, du réseau Férus : «Il reste 4 ours qui font partie des 8 fondateurs de la réintroduction et ce nombre s'est divisé en deux groupes, il y a deux individus mâles qui vivent isolés entre le Béarn et les Hautes - Pyrénées.» Des ours qui ne connaissent pas de frontières et qui passent donc d'un versant à l'autre. Le sujet reste cependant source de tensions régulières entre éleveurs et défenseurs de l'ours : «Avec le temps, on montre que la cohabitation est possible il y a de moins en moins de zones concernées par la prédation», explique Jean Guichou, directeur de la fédération de chasse d'Ariège . Un nouveau plan ours devrait être mis en place d'ici la fin de l'année. Jean Guichou, souligne : «En 15 ans, on est passé de 0 à 15 ours, ils sont là, vivent leur vie et se développent on ne les gène donc pas.»
Le mythe du lynx invisible
/Photo DDM B. Tauran
Christian Riols n'a plus aucun doute. Le vice-président de la LPO Aude (Ligue de protection des oiseaux) collectionne les signes de la présence du lynx boréal dans les Pyrénées. Des deux côtés de la frontière. «Nous avons des indices pour une zone qui va du Béarn jusqu'à la Méditerranée. Mais curieusement pour les services de l' État, cette espèce n'est pas censée exister. Nous sommes comme qui dirait en conflit d'opinion. J'ai donc décidé d'en parler parce que j'en ai ras le bol de l'omerta, je souhaite que la présence du lynx soit reconnue, ça simplifiera les choses. En 2012, on l'a vu dans les Corbières, à 25 km du littoral. On a un signe visuel également en 2013. Sur les seuls départements de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, nous avons relevé 200 indices en deux ans.»
Pour autant Christian Riols ne veut pas donner une estimation en nombre de la population. «On ne peut pas chiffre, ce serait trop hasardeux. Mais on a des indices qui prouvent qu'il y a des mâles,d es femelles et mêmes des petits, ce qui nous fait penser qu'il y a quand même une population relativement importante.»
Fin observateur de la vie sauvage dans les Pyrénées, il avance deux explications de sa présence avérée : «D'une part la déprise agricole, d'autre part la reforestation. Ces deux éléments ont permis au lynx de se développer d'une manière favorable, au lynx et à ses proies.»
Selon lui, un des points les plus intéressants est l'amplitude des scènes sur lesquelles on a pu récolter des indices. «On a retrouvé des traces à plus de 2000 mètres d'altitude comme dans les garrigues à 300 mètres».
La marmotte vous surveille
/Photo DDM P.M.
La marmotte est une des rares espèces qui avait disparu des Pyrénées, sans qu'il y ait d'ailleurs d'explications précises. Un programme lancé avec succès dans les années 50 a permis sa réintroduction et elle coule depuis des jours heureux sur les pentes des Pyrénées. Heureux sauf quand ses couvées servent de pâture à l'aigle royal… mais ça, c'est le cycle naturel. On peut l'apercevoir mais c'est en général elle qui vous verra en premier lors de vos randonnées. Vous entendrez alors un cri perçant, la sentinelle donne l'alerte et la bande va se cacher. Si vous êtes patients elle ressortira prudemment.
Lacs, rivières et torrents
Lac de Gaube / Photo DDM
Oô, Gaube, Aumar, Issaby, Bethmale. le pyrénéiste Louis Audoubert a recensé dans le massif plus de 2500 lacs. Son dernier livre «Pyrénées, à la découverte des montagnes lacs et canyons» est un formidable guide pour les découvrir. La pêche, la rando, en hiver, en été, à l'est ou à l'ouest… il y a l'embarras du choix.
Les citadelles du vertige
Château de Roquefixade / Photo DDM
Montségur, Quéribus, Lapradelles-Puilaurens... les châteaux cathares font la fierté des Pyrénées audoises et ariégeoises. Ils trônent fièrement sur des éperons rocheux. Symbole de résistance, lieux chargés d'histoire, ils sont aussi de formidables sites pour découvrir un pays autrement, en toucher du doigt ses racines, son esprit et ses spécificités . Et l'effort de l'ascension est toujours récompensé par une émotion intense. Montez à Duilhac-Peyrepertuse par exemple, contemplez et laissez aller votre imagination
Plusieurs loups rôdent dans les massifs de l'est pyrénéen
/ Photo DDM
Selon le décompte des spécialistes il n'y a plus aucun doute pour la présence des loups dans les Pyrénées Orientales. Des traces de sa présence ont été également relevées en Ariège et dans l'Aude. Mais les chiffres varient d'une dizaine d'individus à plusieurs dizaines. Une présence qui serait avérée depuis une quinzaine d'années. Mais le loup s'aventure désormais en plaine et mardi matin un couple d'éleveur de Ribouisse, un petit village de l'Aude, a eu la désagréable surprise de découvrir sept de leur brebis égorgées par un loup.
De l'autre côté de la frontière, le «cheptel» semble plus important et rien n'empêche selon les spécialistes une éventuelle migration par les Albères. Pas de panique, le loup ne s'attaque jamais aux humains, et évite même de s'en approcher de trop près.
Le loup est une espèce qui voyage beaucoup. Il faut donc s'attendre à le voir un jour ailleurs dans les Pyrénées. Mais les indices relevés dans les Pyrénées Française orientent les recherches vers un loup d'origine italienne. «Cela nous fait douter sur l'aspect naturel de la réintroduction quand on connaît la population des loups espagnols de l'autre côté des Pyrénées», estime le chasseur Jean Guichou.
Randonnées et sports extrêmes
/ Photo DDM
Bien sûr, il y a le GR 10, trace devenue mythique qui relie l'océan atlantique à la mer Méditerranée par les sommets pyrénéens. Une distance de plus de 800 kilomètres que l'ultra trailer catalan Kilian Journet a bouclé en huit jours de course à pied, mais qui se fait en une quarantaine de jours de marche quand on est normalement entraîné. Un GR qui peut se déguster par bribes avec le même plaisir.
Qu'on soit marcheur, vététiste cavalier ou cycliste, les Pyrénées offrent un superbe terrain de randonnée. Et une mine de sensation quasi inépuisable. Été hiver, printemps ou automne, la palette est complète des deux côtés des Pyrénées. Pour les sportifs aguerris ou les débutants, la sensation de plonger dans un monde à part est quasiment identique.
Hydrospeed, canoë, rafting, alpinisme, via ferrata, ski avec toutes ses variantes, en toute saison donc on peut tenter la grande aventure. Adrénaline garantie mais les pratiques plus douces sont également possibles tout le long du Massif. Une petite randonnée à La Rhune, une nuit au Pic du Midi, une marche dans les Albères ou au lac de Cap de Long ne nécessitent pas forcément un entraînement intensif et apportent leur lot de sensations dépaysantes.
Et c'est une des caractéristiques majeures des Pyrénées, d'est en ouest, elles offrent un panel d'activités qui restent accessibles à tous, en toute saison et pas forcément en payant. Un luxe rare de nos jours.
L'aigle et les autres rapaces
/ Photo DDM
Signe qui ne trompe pas sur la bonne santé du massif, toutes les espèces de rapaces ont été conservées sans avoir besoin d'un programme de réintroduction comme ce fut le cas dans les Alpes ou le Massif central. A tout seigneur tout honneur, on peut observer l'aigle royal mais aussi le gypaète barbu (qui avait pratiquement disparu en France, sauf dans les Pyrénées), les vautours, les milans, le faucon, la buse…ou le très discret Grand tétras. Toutes ces espèces ont profité de certaines mesures d'aide au nourrissage pendant l'hiver, prises dans des secteurs précis pour aider au maintien de l'espèce.
/ Photo DDM
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