Montagne Noire : invention de l'ardoise souple

16/4/2014

Publié le 07/04/2014 à 08:30 | La Dépêche du Midi |  Pierre Challier
 
A Dourgne, Benoît Delmé invente l'ardoise souple et sur mesure


Une feuille d'ardoise de 2 mm d'épaisseur qui se plie : une révolution./ Photo DDM, P. Challier

Installé à Dourgne depuis 1998, l'ardoisier Benoît Delmé a breveté un processus de fabrication permettant de produire de fines feuilles de schiste. Sa technique intéresse les architectes du cabinet Jean Nouvel.

Au pied de la Montagne Noire, Dourgne, dans le Tarn… et l'atelier où Benoît Delmé polit un évier d'ardoise. «L'une des meilleures ardoises qui soit, l'ardoise de Dourgne. On en retrouve qui ont été posées il y a 300 ans et qui tiennent toujours. C'est avec elle qu'on a couvert la cité de Carcassonne au moment de son sauvetage au XIXe siècle, mais aussi le château de Foix. à l'époque, la règle des «circuits courts» était simple, il fallait qu'il n'y ait pas plus de deux jours de mule entre l'ardoisière et le chantier», commence l'artisan, toujours sous le charme de son matériau, «alors que rien ne me prédestinait au métier d'ardoisier», sourit-il.

De fait, né à Nancy et grandi en Guyane où servait son père militaire, Benoît Delmé, 45 ans, n'était pas parti pour s'intéresser aux schistes, dans la vie. «Jusqu'au jour où on m'a envoyé en pensionnat à Mende, en Lozère. Là-bas, je suis devenu copain avec David Rocher, un Lozérien dont le père était carrier. Et comme pour moi, il n'était évidemment pas question de rentrer à Kourou le week-end, on passait des heures dans les carrières de lauzes, c'est là qu'est née la passion pour ce métier», explique-t-il.

Bac gestion, école de commerce à Toulouse… «J'ai commencé à bosser dans une direction financière mais il me fallait un travail en extérieur», reprend-il. Lorsqu'en 1997, David l'appelle, il ne réfléchit pas longtemps. Fermée depuis 1991 et ne servant plus qu'à des raves sauvages, l'ardoisière de Dourgne est à reprendre. Banco. Ils se lancent en 1998.

A David la partie technique, à lui la partie financière. «Mais j'en ai profité pour apprendre le métier avec les anciens tout en parcourant la planète pour connaître toutes les ardoisières du monde», poursuit-il, soulignant son besoin de contact physique, avec la pierre. «De la finance, je suis alors passé au façonnage de tradition, en créant Les Ardoisiers» reprend Benoît, attaquant le clivage, la séparation en deux d'un bloc, et écoutant «l'ardoise tinter car c'est le son qui guide».

Vuitton, Citroën
Vasques jusqu'à 450 kg, plans de cuisine, podium de présentation pour Louis Vuitton ou pour la C6 de Citroën à Genève, et même support de platine pour un DJ très connu, «parce que l'ardoise restitue parfaitement le son», il fabrique, donc, mais enchaîne aussi les salons.

Et c'est à Vérone qu'il rencontre l'un de ses vieux confrères italiens, en septembre 2011, lequel lui raconte un drôle de truc qui lui est arrivé en essayant de réparer une table en ardoise… «Il avait coulé de la résine dessus et le lendemain, la résine avait décollé une fine couche d'ardoise. Le principe m'a donné l'idée, je l'ai reprise, améliorée avec de la fibre, brevetée et maintenant regardez» Sur la table à découper, Benoît Delmé prend une feuille d'ardoise de 2 mm d'épaisseur et la roule en longue-vue… «Voilà, c'est le principe de Flexipierre et ça marche sans altérer l'aspect, la qualité et le toucher de la matière. évidemment, ce n'est pas prévu pour la couverture, mais pour le placage ou pour les intérieurs puisqu'on livre le produit découpé sur mesure, selon les plans», poursuit-il.

Deux kilos le mètre carré, ce qui permet d'en charger 9 000 m2 dans un container au lieu de 300 m2 en plaques «classiques»… La solution de l'ardoise souple et allégée séduit visiblement puisque les cabinets d'architectes parisien et barcelonais de Jean Nouvel l'invitent désormais sur un gros projet dans les Pyrénées.

Idée française, production brésilienne
«Aujourd'hui, le problème ce n'est pas de vendre, c'est de produire», constate Benoît Delmé. Et pour cause, en Midi-Pyrénées, ils ne sont plus que trois ardoisiers, lui, dans le Tarn et deux de ses collègues au-dessus de Bagnères, à Labassère, dans les Hautes-Pyrénées. Pour Flexipierre, son brevet déposé et le prix de vente étant fixé à 133 € HT le mètre carré, l'artisan a donc opté pour une solution internationale. Comme son procédé s'adapte à tous les schistes, ce qui permet une large palette avec un nuancier de dix couleurs, il s'est tourné vers le Brésil pour la production, le pays pouvant fournir en quantité et en qualité.

Aux Brésiliens le marché sur le continent américain, mais lui garde l'exclusivité de la diffusion sur l'Europe entière. Quant à l'ardoise de tradition, il n'y renonce évidemment pas et moins que jamais, puisqu'il travaille également avec Jean-François Burgeat, en Corrèze, grand producteur d'ardoises 100 % françaises.

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