Il y a 30 ans disparaissait Roger Couderc
Publié le 03/03/2014 à 09:25 | La Dépêche du Midi | P.L.
Roger Couderc, du temps où la télévision parlait
Anniversaire : Il y a 30 ans, le 25 février 1984, le populaire journaliste décédait à Lyon. Le monde du rugby ne l'a pas oublié.
«Le rugby, à la télé, il faut le faire vivre, en essayant de l'expliquer… quelquefois.» / DDM
Trente ans après sa disparition, le seizième homme du XV de France, né à Souillac en 1918, est resté dans la mémoire de plusieurs générations.
Pierre, son père, l’avait imaginé au piano du Bellevue, l’hôtel familial de Souillac, interprétant la truffe, la truite et le canard dans tous leurs états. Mais si le lycée hôtelier de la cité lotoise est situé avenue Roger-Couderc, ce n’est par pour ses talents culinaires, mais grâce au journalisme. Roger Couderc, en montant à Paris, voulait exister à travers sa peinture. Il rêvait d’art mais pas encore d’essais, même s’il avait sous le maillot de «la Quercynoise», au lycée Gambetta de Cahors, goûté aux délicieux rebonds de la balle ovale.
«J’ai été un joueur misérable, mais dans ce sport, il n’y a pas de grands et de petits joueurs, il n’y a que des joueurs de rugby…»
Embauché par Mitterrand
Cours Simon, École Nationale Supérieure des beaux-Arts, «Zézé» surnom hérité de son enfance quand il disait s’appeler «Rozé» a laissé quelques traces, deux romans «Le nez de Siméon» et «La folle nuit de San Francisco» parus aux éditions du Masque, un scénario, «Le trésor des moines» adapté à la télévision avec Henri Genès, sans oublier le livret co-écrit avec son ami Paul Aïzri («La prière au soleil») et interprété par un autre complice, Armand Mestral…
Pour vivre mieux et vivre tout simplement, le Lotois entre à l’agence Fournier comme stagiaire, ses débuts en journalisme. Puis la guerre éclate et il rejoint, comme un de ses célèbres voisins, le Figeacois Charles Boyer, le 12e Régiment d’artillerie coloniale à Agen. Expédié au Stalag XIII où il s’occupe de la réfection d’un… stade, il est blessé au genou lors d’un bombardement puis renvoyé en France. Le temps de reprendre le journalisme, d’abord à «Libre», l’organe des prisonniers de guerre et déportés dirigé par un certain François Mitterrand qui lui remettra bien des années plus tard, la Légion d’honneur, puis dans plusieurs journaux comme «Le journal de la Nièvre», «Midi-Olympique» ou «La Dépêche». Roger Couderc obtient à cette époque un joli scoop avec la toute première interview de Marcel Ravidat, l’inventeur de la grotte de Lascaux.
C’est toutefois la télévision qui va définitivement le mettre en lumière avec des commentaires passionnés, et très vite adorés par le public. Le rugby bien sûr, mais aussi le catch avec des soirées épiques salle Wagram et au Palais des Sports, les 24 Heures du Mans, un peu de tennis, sa voix, son accent, son enthousiasme font de lui une vedette, puis, le «seizième homme du XV de France».
Photo L'Équipe
«Allez, allez les petits…»
Viré de l’ORTF par de Gaulle (comme Chapatte, Drucker…) après mai 68, il patiente sept longues années à la radio, inaugurant abec Pierre Albaladejo sur Europe 1, le concept du tandem journaliste-consultant pour les retransmissions en direct. Les puristes lui reprochent son manque de précision, ses exagérations, la pauvreté de ses analyses, mais les télespectateurs s’enthousiasment à ses «Oui, oui, ouiiiiiii…….»; «Mon Dieu….»; «Allez, allez, allez….» et surtout… «Allez les petits».
En 1983, au soir de son dernier match à l’antenne, Jean-Pierre Rives lui remet son maillot ensanglanté, le plus beau des cadeaux pour celui qui, depuis les années soixante, vit, rit et pleure dans la sueur et les larmes du quinze tricolore. Roger parlait d’une nouvelle vie, il n’a survécu que quelques mois à l’heure de la retraite.
Il a commenté l'essai en chantant !
«Avec Roger, je me suis amusé comme il n’est pas permis. Avec Pierre Salviac, je me suis instruit comme je ne l’espérais plus…» Les mots de Pierre Albaladejo au soir de sa dernière à la télé en direct.
«Roger, c’était la fantaisie, le 14 juillet 1979, à Auckland, pour la première victoire française en Nouvelle-Zélande, il a disjoncté. Il a commenté le dernier essai… en chantant. Avec lui, il fallait toujours que j’enlève une quinzaine de mètres sur les coups de pied, que je rajoute un nom, que je calme le jeu… Et ça fonctionnait comme ça, je crois que les gens aimaient bien…»
Les verts galants de l'Assoa (Saint Ouen l'Aumône) avec Roger Couderc / Photo : Copains davant
«Le seizième homme»
Christophe Duchiron. Une voix. Un ton. L’art de briser l’assommant ronron des reportages quotidiens dans les journaux télévisés. Pendant vingt ans, il a discrètement offert aux téléspectateurs du service public ses parenthèses colorées, redorant les buts ordinaires, décorant les essais foireux, enluminant gentiment les échappées trop tranquilles.
Il s’est souvenu de son enfance et des commentaires de Roger Couderc («à la fois personnage de BD et conteur épique, avec lui, c’était l’Iliade et l’Odyssée») pour monter un drôle de projet et le réaliser avec le concours de la région Midi-Pyrénées. L’occasion pour Martin Malvy, de conter, samedi lors de l’avant-première toulousaine (en présence de Michel Crauste et Walter Spanghero), ses baignades dans la Dordogne avec ce «Zézé», pas encore célèbre mais déjà très vivant…
Caméra invisible
«Le seizième homme», c’est un documentaire de 52 minutes constitué uniquement d’images d’archives. Cette fois, Duchiron ne puise pas dans son imaginaire, il ne torture pas l’histoire, il laisse couler le parcours d’un journaliste sportif supporter et adoré. Pour lui, ils étaient des milliers chaque samedi à couper le son de leur téléviseur pour suivre le match avec les commentaires «éclairés» du Souillagais. Deux énormes séquences dans le film que France 2 diffusera samedi avant Ecosse-France, Couderc transformé en poinçonneur du métro pour la caméra invisible, et Couderc invité (avec un gamin nommé Dominique Baudis !) entre les deux tours de la présidentielle de 1969, par Alain Poher qui lui promet, s’il est élu, de le réintégrer à l’ORTF… Une autre époque !
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