Les poupées géantes de Campan
Les poupées géantes de Campan
Publié le 24/08/2025 | La Depeche du Midi | Claire Vilard
Les poupées géantes de Campan perpétuent une tradition séculaire : ces 150 poupées géantes attirent curieux et passionnés du monde entier

Danses et chants avec les mounaques, durant la fête des Mariolles. Claire Villard
Autrefois, les mounaques de Campan (Hautes-Pyrénées), ces poupées de taille humaine participaient de la tradition du charivari dans sa version bigourdane. La coutume a disparu depuis longtemps, mais elles sont restées. Reportage pour le magazine MiDi.
Tout sourires et bien installés dans leur charrue décorée pour l’occasion, les mariés s’apprêtent à rejoindre la rue, cornaqués par leurs proches. Les officiants précèdent le cortège qui s’est formé sous le cloître de l’église, un accordéoniste les accompagne, ainsi que deux petites filles et le reste de la famille. La famille "mounaque".
C’est le nom de ces grandes poupées ("monaca" en occitan) de chiffon qui n’existent que dans le village de Campan (Hautes-Pyrénées), et qui sont postées aux fenêtres des habitations, à l’entrée d’un commerce, sur un coin d’herbe ou au détour d’une ruelle. Toutes différentes, vêtues à la mode d’aujourd’hui, tee-shirt-baskets, ou bien arborant une tenue particulière permettant d’identifier sa profession ou son hobby, ainsi les pompiers ou le berger.

Elles sont devenues l’emblème de Campan / DDM, . Claire Villard
Cent cinquante mounaques peuplent le paisible village bigourdan, et lorsque le touriste le traverse pour monter randonner au lac de Payolle au petit matin, pour peu que le ciel soit bas et le jour pas tout à fait levé, ces personnages de taille humaine procurent un curieux effet…
"C’est sûr que beaucoup sont surpris !, confirme Brigitte Bascaules, hyper active dans sa commune et dévouée à son patrimoine. Mais elles sont toutes sympathiques. Nos enfants à nous n’en ont jamais eu peur, au contraire. Ils ont grandi avec, les dames de la crèche les emmènent les voir, leur font toucher, ils les connaissent par cœur."

Mounaques à la Maison Brau / DDM, VT
Scène de mariage, sous le cloître de l’église
Elles sont devenues l’emblème de Campan, si elles finissent désormais sur les réseaux sociaux à la faveur d’un ou deux selfies, leur existence remonte à… très longtemps. Difficile de dater leur apparition. Une de ces traditions dont l’origine se perd à mesure que les anciens disparaissent. Mais si celle-ci est quasi impossible à situer dans le temps, leur histoire, elle, est bien connue des habitants.

Scène de mariage dans la cour de l'église / DDM, V.T.
Caricatures des fiancés
"Elles sont liées à la tradition du charivari, qui avait lieu lorsqu’un mariage ne plaisait pas aux jeunes de Campan", résume Brigitte Bascaules. En effet, quand un garçon d’un village voisin se fiançait avec une Campanoise, il devait s’acquitter d’un tribut, et la maison de la future épousée était dérangée par tout un tintamarre, cloches de vaches et orchestre de casseroles chaque soir, dans le but de pousser le père de la jeune fille à forcer le futur gendre à payer.
Payer pour se faire, en quelque sorte, pardonner d’avoir désavantagé un potentiel Campanois, car, ici, comme le voulait la coutume locale, c’est l’aînée de la famille qui héritait de tous les biens. Charivari était aussi le lot des veufs et des veuves qui se remariaient, ainsi que celui des filles-mères qui prenaient époux. Dans ce joyeux – mais très sérieux- bazar, les mounaques occupaient une place de choix.

Le porteur de flamme au balcon. NR - ANDY BARREJOT
Elles étaient confectionnées en chiffons et en foin par la jeunesse du village qui s’amusait à caricaturer les futurs mariés. Elles représentaient ce qui leur était reproché, une fille enceinte bien avant d’y être autorisée par la morale d’alors était par exemple figurée avec un ventre démesuré.
"Mon père nous a souvent raconté qu’il avait assisté à cela en 1947, c’est le dernier en date dont on se souvient ici". Elle-même, née à la fin des années cinquante, n’a pas connu ces charivaris, qui ont été interdits par la suite.

Claudine, Maya et Marie-José font vivre les mounaques de collection. Claire Villard
Faire revivre une tradition
Avec la fin de ce rituel, les mounaques ont disparu de la circulation. Jusqu’en 1993, au moment de la première édition de la fête des mariolles (lire encadré) et le festival folklorique qui y est attaché, crée par Paulette Baylac Serret, la mère de Brigitte.
Il n’était pas forcément question de ressusciter les anciennes poupées, plutôt de faire revivre les traditions chantées et dansées, mais l’élan donné par Paulette et quelques autres a donné envie à deux Campanoises de se mettre à la couture.

D’autres thèmes sont abordés dans la nouvelle collection, comme les miss et leur Jean-Pierre Foucault. NR - ANDY BARREJOT
"Maryse et Marie-Madeleine ont commencé à en refabriquer et un atelier s’est monté. Petit à petit, les nouvelles mounaques sont apparues. Aujourd’hui, il y a huit à dix personnes qui les fabriquent, des dames à la retraite pour la plupart, qui viennent deux fois par semaine à l’atelier, quelques-unes emmènent chez elles des pièces à coudre, le font au fur et à mesure, à leur rythme."
Comme il n’est plus question de perturber les projets de mariage des jeunes femmes de Campan, il a été décidé de les exposer purement et simplement durant les beaux jours, chez les particuliers, les commerçants et les espaces municipaux, et de les célébrer en particulier pendant les journées des mariolles, le deuxième week-end de juillet.

On danse aussi la capucine dans ce parc. NR - ANDY BARREJOT
À chacun sa mounaque
Elles apparaissent aux balcons dans leurs nouveaux costumes au début de l’été. Elles sont soigneusement habillées par les bénévoles de l’atelier de fabrication et de l’association des mariolles, dont Brigitte est présidente. "Les gens nous donnent de vieux vêtements, on fait le tri. On choisit chaque année des thèmes, ce n’est pas toujours évident de trouver des idées !
Certaines personnes nous réclament des choses spécifiques, veulent qu’un objet leur soit attribué, un instrument, etc." Les poupées restent la propriété de l’association, qui les prêtent à certains habitants qui en ont fait la demande. "Les commerces et les bénévoles qui nous aident ont bien sûr de le droit d’en avoir une."

Pendant les mois estivaux, le village se peuple de personnages hauts en couleur : les Mounaques. / DDM
Fin septembre, elles retournent hiberner. Durant trois mois, la pluie, le soleil, le vent, et sans doute quelques câlins plus ou moins appuyés des enfants de passage les ont mis à mal. "Elles sont alors déshabillées et sèchent jusqu’à la fin de l’année.
À partir de janvier, les couturières rapiècent, repeignent, recousent un bras ou une jambe… Il y en a toujours qui sont trop abîmées, et chaque année cinq ou six mounaques neuves sont fabriquées."

À Campan les Mounaques ont investi la crèche, parce qu’elles rythment la vie du village. / DDM
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