Tarn : piscicultures, invasion de cormorans

11/2/2025

Tarn : piscicultures, invasion de cormorans

Publié le 18/01/2025 | La Dépêche du Midi | Cyrille Masson

L’oiseau marin qui ravage les piscicultures du Tarn : l’invasion des cormorans vire au fléau

Jonathan Mehal avec un cormoran mort, pris dans les filets de protection de sa pisciculture. DDM - CM

Un oiseau marin qui quitte son milieu traditionnel pour s’installer dans le Tarn ? Cette situation qui était jusqu’à récemment assez marginale est en train de prendre une tournure préoccupante. Les professionnels de la pêche lancent l’alerte.

Le Tarn est envahi par les cormorans. Vous pouvez relire cette phrase, car elle semble incroyable, et pourtant ! Cet oiseau migrateur, habitué au milieu marin, fait vivre des moments bien difficiles aux pêcheurs et aux professionnels du secteur piscicole, en France et en particulier dans le Tarn.

Le Conseil d’Etat a tranché : l’arrêté ministériel établissant les plafonds de grands cormorans pouvant être chassés sur la période 2022-2025 ne sera pas suspendu / DDM

Alain Cousinié, le président de la Fédération de Pêche du Tarn, explique : "il n’y a pas une assemblée de pêcheurs où la question n’est pas évoquée ! Le grand cormoran était jusqu’à récemment cantonné au milieu marin.

Mais la pêche industrielle, entre autres, a causé des dégâts, et le cormoran s’est mis à remonter les estuaires. Ils se sont adaptés, et une sous-espèce est née, celle qu’on trouve maintenant dans le Tarn." L’animal est un prédateur, et par conséquent, un "concurrent du pêcheur et du pisciculteur".

Le grand cormoran est de la taille d’un canard, il a des pattes jaunes et palmées.
Son plumage est noir avec des reflets irisés.
Son cou sinueux est surmonté d’un bec effilé au bout rabattu.
Ses yeux à la pupille noire entourée d’un cercle doré ressemblent à ceux des aigles et sont aussi perçants. / DDM, Benoît Sauphanor

"Pour eux, c’est buffet à volonté"
Surtout, le cormoran n’a rien à faire dans le Tarn : il n’a pas de prédateur, et ses capacités de pêche – il peut plonger profondément et retenir longtemps sa respiration sous l’eau – en font une machine à attraper les poissons locaux. Ainsi, à Jaladieu, au-dessus de Brassac, la pisciculture de Jonathan Mehal s’est transformée en terrain de jeu pour ces oiseaux.

"Ils vivent autour des lacs, au Laouzas ou à la Raviège. Et pour eux, les piscicultures, c’est le buffet à volonté, se désole le professionnel. Un cormoran, ça vit longtemps, ça fait 4 petits par an… Et on n’a pas le droit de les chasser, alors ils prolifèrent !"

Le grand cormoran, la bête noire des pêcheurs / DDM

Depuis le mois d’octobre, Jonathan Mehal subit les attaques de ces oiseaux marins qui se sédentarisent dans le Tarn.
"J’en ai vu jusqu’à 26 en même temps, au-dessus de moi. Au lever du jour, ils arrivent, et c’est la razzia. Ils m’ont pris jusqu’à 150 kg de poisson par semaine, ça représente 1500 euros de pertes à chaque fois !"

"Il peut engloutir jusqu’à 500 grammes de poissons par jour" / DDM, Antony Bianco

"C’est devenu un fléau"
Alain Cousinié est bien conscient du problème, qui ne peut pas se régler uniquement au niveau local. "Deux extrêmes s’affrontent sur ce sujet : les défenseurs des oiseaux, qui ne veulent pas qu’on touche à une plume des cormorans, et ceux qui veulent les voir totalement disparaître. La Fédération ne soutien aucune de ces positions. Nous voulons une régulation.

" Il y a quelques années, des arrêtés de régulation avaient été pris. Tous annulés suite au recours d’associations de défense des oiseaux. "Mais depuis juillet 2024, les préfectures ont de nouveau la possibilité de prendre ces arrêtés de régulation. Mais on attend encore."

En Californie, un cormoran plonge dans l'océan pour récolter sa pitance / DDM, Andrea Izzotti ( Hot Spot Media )

Dans le Tarn, l’impact est économique : les pisciculteurs subissent des pertes, et doivent en plus dépenser pour protéger leurs bassins. La problématique concerne aussi la pêche loisir, touchée par la baisse du nombre de poissons. "Je suis blasé, raconte Jonathan Mehal. C’est devenu un fléau.

" Du côté de la Fédération, on annonce le lancement d’un comptage des cormorans dans le Tarn, en 2026. On espère aussi que la situation administrative évoluera. "Ce qui est certain, conclut Alain Cousinié, c’est qu’aujourd’hui, ils sont des milliers dans notre département…"

Le cormoran, un prédateur dangereux / ML