Libération du Tarn : Renée Taillefer
Libération du Tarn : Renée Taillefer
Publié le 10/08/2024 | La Dépêche du Midi | Pierre Challier.
Il y a 80 ans, la Libération : Jeune résistante, Renée Taillefer fait 17 prisonniers allemands à Gaillac
Renée Taillefer (3e à partir de la gauche) avec ses camarades résistantes à la Libération. / DDM, collection privée
À Gaillac, le collège porte son nom : Renée Taillefer. Résistante à 15 ans, cette jeune Tarnaise multiplie les faits d’armes, s’illustre à la Libération et se battra jusqu’en Allemagne. Exemplaire.
Dans un coin de son bureau, Pierre Mège entretient son musée familial. En haut de la vitrine, le portrait de sa mère y côtoie celui de Pierre Vandeven, dit " Vendôme ", chef de la résistance. Sur la photo, Renée Taillefer n’a pas vingt ans. Mais déjà une vie de roman. " Comment parler d’une légende ? ", s’interroge son fils.
2011 : Renée Taillefer (à g) donne son nom au dernier collège de Gaillac / DDM, J.M. Lambolley
Une vingtaine de décorations tentent un résumé, entre Légion d’honneur et médaille du combattant " à 17 ans ". Renée Taillefer : monument du Tarn. " Mais elle ne disait rien, maman. Avec papa, ils ne parlaient jamais du maquis ni de la guerre, sauf quand ils retrouvaient des amis, pour les commémorations. La résistance de mes parents, je l’ai apprise en écoutant les autres ", reprend son fils.
Chevalier de la légion d'honneur, Croix de guerre, titulaire de nombreuses décorations soulignant son exceptionnel engagement. © FR3, Collection Renée Taillefer
La fille du maçon
Pour "l’avant" ? " Elle était née à Montans, en 1927. Mon grand-père était maçon, il avait déjà deux filles et rêvait d’un fils, alors il l’a élevée comme un garçon ". En pantalon – au grand dam du curé — elle apprend ainsi à manier la truelle et le mortier avec son père et l’aide à la vigne familiale.
1 940. Elle a 13 ans. Et vit l’humiliation de la défaite dans les yeux embués de ce dernier, ancien combattant de 14-18. Peu importe Pétain, le héros de Verdun. " Dans la famille, on était républicain et on n’aimait pas les Allemands. Son père avait la Somme, Notre Dame de Lorette, et un oncle avait été tué en 1918 ", résume Pierre.
Carte FFI / © FR3, Collection Renée Taillefer
Agent de liaison à 15 ans
Novembre 1942. Débarquement américain en Afrique du nord, l’occupant envahit la zone sud, 700 Allemands cantonnent à Gaillac. La Résistance se développe et s’organise. Professeure d’histoire, Cécile Desdoits a documenté la vie de Renée qu’elle a souvent fait intervenir devant les élèves de " son " collège gaillacois. Elle qui avait leur âge, quand elle a risqué sa vie.
" Un soir du printemps 43, on frappe chez eux. Le Mouvement uni pour la résistance, le MUR, cherchait des volontaires. Son père dit aussitôt " oui " et elle, elle devient l’agent de liaison du Corps franc Roger, entre le maquis et le commandement de Gaillac ", détaille l’enseignante.
Pierre Vandeven dit "Vendôme". / DDM, DR
À 15 ans, elle n’attire pas l’attention aux barrages. La nuit, elle distribue des tracts. " 1943, c’est aussi l’arrivée de Vendôme ici. Officier de l’armée de l’Air, il a refusé de bombarder Gibraltar puis a été viré par Vichy parce que Franc-maçon. Il avait déjà échappé à la Gestapo. Pour maman, il devient un deuxième père ", pointe Pierre.
2010 : Renée Taillefer-Mège intervient auprès d'élèves / DDM,
Elle passe les armes avec sang-froid
" C’est un homme de terrain. Il transforme les résistants en combattants, forme 14 corps francs et sept Maquis ", précise Cécile Desdoits. Les premiers parachutages arrivent. Maintenant, ce sont aussi des armes et des explosifs que Renée fait passer.
Renée Taillefer lors d’une remise de médaille pour ses actions menées durant la Seconde guerre mondiale © FR3, Collection Renée Taillefer
" À Brens, elle fait preuve d’un sang froid extraordinaire. Au fond du grand sac de prunes accroché à son guidon, elle rapporte à Roger 4 kg de plastic pour saboter la voie ferrée. Les Allemands barrent la route, vérifient les papiers. Elle reste tout sourire, laisse le chef prendre quelques prunes et passe. Mais elle sait aussi faire des bombes et s’en servir ", raconte la professeure.
10 juin 1944 : deux avions parachutent armes et explosifs au maquis. Problème à la réception. " C’est elle qui a tout déplacé sous des sacs de ciment, dans sa carriole attelée à la jument ". Les Allemands rient quand passe cette gamine habillée en maçon.
2021 : Madame Medge née Renée Taillefer lors d'une cérémonie d'Anciens Combattants / DDM
Pistolet au poing
Le lendemain, elle participe l’attaque de la prison de Gaillac. _" Quatorze détenus du camp de Saint-Sulpice y transitaient, déportés vers l’Allemagne. Dès l’ouverture de la porte, les prisonniers ont entonné la Marseillaise, tout le monde pleurait mais elle leur disait aussi de se taire pour ne pas alerter les Allemands ", poursuit Cécile Desdoits.
Le fait d’armes qui l’immortalise, se passe le 16 août 1944, la veille du repli général ordonné par Hitler. " Avec son camarade Rousseau et un pistolet chacun, ils sont allés à la gare de Gaillac, et au culot, ils ont braqué un wagon de 17 Allemands dont un lieutenant. Elle les tenait en respect le temps que lui s’empare de leurs armes. Heureusement, le chef de gare a prévenu Vendôme pour qu’il envoie des renforts. Vendôme a engueulé maman, vu le risque pris, mais il en était fier et ces prisonniers lui ont permis de négocier la libération de Joseph Bronzini qui devait être pendu, à Albi ", raconte Pierre.
Le lendemain sera plus tragique, 16 maquisards sont tués au combat de Marssac, " elle est allée récupérer les corps ". Fin août, la région est libérée. Mais Renée Taillefer entend poursuivre le combat. Vendôme rejoint l’armée de Lattre de Tassigny. Elle suit. " Elle a fini adjudant-chef en Allemagne, en 1946, et mon père… sergent ", sourit Pierre, s’assombrissant soudain. " Ils refusaient le fascisme, l’extrême droite. Ils en seraient malades de voir ce qui se passe aujourd’hui ".
2011 : Raymond Aubrac, la maire de Gaillac et Renée Taillefer / DDM
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