SENAUX plus petit village du Tarn

3/5/2024


Publié le 26/04/2024 | La Dépêche du Midi |  Richard Bornia

"À chaque départ, c’est une maison qui ferme" : 
Comment Senaux est devenu le plus petit village du Tarn



Dans les monts de Lacaune, Senaux est le plus petit village du département. / DDM - EMILIE CAYRE

Plus petit village du Tarn selon l’Insee, Senaux ne compte que 34 habitants. Ici, au cœur des monts de Lacaune, tout le monde se connaît. Reportage en porte à porte.

À 650 mètres d’altitude, Senaux niché au creux des Monts de Lacaune vit à l’écart des trépidations de la vie citadine. Dans la seule rue qui traverse le village, la première impression… c’est qu’il n’y a personne.


Senaux, vue d'ensemble / DDM

« L’été, les jeunes vacanciers s’allongent sur la route pour contempler les étoiles. C’est vous dire la circulation », sourit un octogénaire visiblement pressé de retrouver la chaleur de son foyer. Cette semaine, la neige est tombée par intermittence sur les monts alentour. « Quand en hiver la couche est trop importante, le maire dégage la chaussée avec son tracteur », précise Flavien Guillemain, 51 ans, architecte à Lacaune.

Le siège social de son cabinet d’architecture est à Senaux : « Après des années d’exercice à Marseille, c’est un véritable coup de cœur qui m’a poussé en décembre 2014, à venir m’installer ici. Ce qui nous a décidés mon épouse et moi ? C’est de voir grandir notre fille au calme, proche de la nature ». 


Puits de Senaux / Wikipedia

Dix ans plus tard, aucun regret dans sa voix : « Nous sommes à 15 minutes de Lacaune pour les courses et les activités de la gamine ». Seul bémol : « Il me manque un peu la lumière de Marseille ». Il ajoute. "Et puis c’est un désert médical. Et encore, il me semble que ça va un petit peu mieux".

Le couple a agrandi l’ancienne maison : "le dernier permis de construire délivré dans le village", plaisante-t-il. Et comme il n’y a plus de terrains de disponibles, il risque de garder ce titre longtemps. S’improvisant guide, l’architecte nous conduit chez un couple de voisins : Annick et Max Vigon.


En 2019, Aline Pézoux et Francine Bonnet, ont rédigé un ouvrage intitulé "Et si Senaux m’était conté…", / DDM

"L’intégration n’est pas facile"
Ils sont les derniers arrivés dans le village, en 2022. Des retraités qui quittent Nice pour les hauteurs du Tarn, il y a de quoi surprendre. Elle était fleuriste, lui créateur de jardins. Ils vivaient dans un coquet appartement sur l’une des plus belles collines de la cité des Anges. « Quand nous avons cessé notre activité, nous avons perdu des revenus », soupire Max. « Ce sont des amis qui habitent Viane qui nous ont fait connaître le coin », se souvient Annick.


Annick et Max sont arrivés à Senaux en 2022. DDM - EMILIE CAYRE

« La première fois que nous sommes venus c’était en janvier. Il y avait de la neige, des stalactites aux gouttières, du froid, du brouillard et c’était de nuit. Un pays de fadas que je me suis dit ». Après deux années à Senaux, le couple a des avis divergents :

« Je suis en paix avec moi-même. Je vis tranquillement », assure Annick. Max est plus mitigé : « On nous tolère. Le modernisme, ils n’en veulent pas. L’intégration n’est pas facile. Mais mourir ici ou ailleurs… »


Fontaine du pigeonnier à Senaux / cfmradio

Notre guide nous emmène ensuite chez Anne-Marie Maffre, une veuve de 88 ans, une personne du cru : « Je suis née en bas du village. Mon père était maçon et c’est lui qui a retapé la maison que j’habite depuis près de 60 ans », raconte-t-elle. Son mari était facteur dans le secteur :« Nous nous sommes mariés quand il est revenu de la capitale ».

Pendant des années elle a vu partir « en bas », c’est-à-dire à la ville, tous ses camarades de classe. Elle a usé les bancs de l’école communale, fermée depuis 1950, avec Monsieur le maire. « À chaque départ, c’est une maison qui se ferme. C’est triste ».


Anne-Marie habite le village depuis 60 ans. DDM - EMILIE CAYRE

"Le formica et le ciné"
Quant au maire élu depuis 1977, il s’inquiète pour sa succession. À 82 ans, Jacques Calvet a été agriculteur toute sa vie. « À Senaux au début du XX° siècle il y avait plus de 200 habitants », rappelle-t-il avec nostalgie.

La guerre de 14-18, « Le formica et le ciné », comme le chantait Jean Ferrat dans « La Montagne », mais aussi l’absence de boulot sur place expliquent cette fuite vers la plaine et les lumières de la ville.

Et demain ? « Peut-être faudra-t-il se regrouper avec les communes environnantes ? » s’interroge Bruno Barthes, 66 ans, installé au village depuis 2021.



Dans le village, tout le monde se connaît. DDM - EMILIE CAYRE


Pour sa compagne, Irène, pas d’états d’âme : « Ici, je suis bien. Nous vivons presque en autarcie. La viande vient de l’éleveur qui travaille là-bas tout en haut, le boulanger passe une fois par semaine, et nous avons tous des congélateurs ».

Ainsi va la vie à Senaux, dans cette montagne grave et lyrique "noueuse comme un pied de vigne", où la terre chérie des ancêtres côtoie le havre de paix des nouveaux arrivants.




 

Sur les chemins enneigés autour de Senaux / Tourisme Monts de Lacaune
 

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