Village englouti de Tignes
03 avril 2022 à 06:02 | Dauphiné LIbéré | Par S.F.
Village englouti de Tignes :
70 ans après, on n'a pas oublié...
L’ancien village de Tignes peu avant son engloutissement, en 1952. / Archives Photo Le DL
En 2023, Tignes fêtera les 70 ans du barrage de Tignes, inauguré le 4 juillet 1953 par le président de la République de l’époque, Vincent Auriol. Un ouvrage qui fait, aujourd’hui, la fierté de toute une vallée, que son exploitant ne manque pas de mettre en valeur dès qu’il en a la possibilité.
Pourtant, la construction du plus haut barrage-voûte de France (181 m de haut) ne s’est pas faite sans difficulté. Elle a notamment nécessité l’engloutissement du vieux village de Tignes, jusqu’alors totalement inconnu en dehors des frontières de la Savoie, au cours de l’année précédente.
Le barrage a noyé l’ancien village de Tignes, malgré l’opposition de ses habitants. / Le DL
Engagés dans le cadre d’un programme d’équipement hydroélectrique de grande ampleur à l’échelle nationale, les travaux de construction de l’ouvrage, entamés en 1946, amèneront au déplacement, parfois de force, de quelque 400 habitants en 1952, durant la phase finale.
Un événement qui marquait la disparition d’un village rural alors en plein développement touristique. Il sera reconstruit quelques kilomètres plus haut autour d’un lac naturel (2 100 mètres d’altitude) pour devenir la station de sports d’hiver que tout le monde connaît.
Le village de Tignes avant le barrage
Mais l’héritage de 1952 ne s’est jamais éteint. La preuve, puisque du 5 au 8 avril, la commune de Tignes a souhaité commémorer son histoire. Cela commencera mardi 5 avril par la projection du film Tignes la mémoire retrouvée de Laurent Guillaume du côté de Tignespace.
Inscrit dans le magazine de montagne Chroniques d’en Haut , ce documentaire de 26 minutes évoque le traumatisme des Tignards de l’époque, chassés de leur village, et interroge, 70 ans plus tard, le bien-fondé de ce vaste projet. Sa diffusion sera suivie d’un moment d’échange avec le producteur, Jean Lodato.
Chroniques d'en haut :
L'histoire du barrage de Tignes et du combat des habitants
https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/l-histoire-du-barrage-de-tignes-et-du-combats-des-habitants-contre-l-etat-francais-dans-chroniques-d-en-haut-dimanche-27-mars-a-12h50-2512024.html
04 nov. 2021 à 13:00 | Dauphiné LIbéré | Par Jeanne PALAY
Tignes : le village englouti sous les eaux
Achevé en 1952, le barrage de Tignes (Savoie) a donné naissance au lac du Chevril, à l’issue d’un chantier colossal. / Le DL
Même si aujourd’hui Tignes s’est forgée une autre identité, tournée vers l’or blanc, cette histoire poignante n’est pas effacée de la mémoire collective.
Le barrage de Tignes (Savoie) est celui de tous les superlatifs. C’est le plus haut barrage hydroélectrique de France, avec ses 180 mètres de hauteur. Large de près de 300 mètres, il retient les 235 millions de mètres cubes d’eau du lac artificiel du Chevril, en Tarentaise.
Son mur est orné d’une fresque, qui était la plus grande du monde à l’époque de sa création, dans les années 1980. Intitulée Le Géant, elle représente Hercule, symbole de force chez les Romains.
Fierté française de l’après-guerre, ce barrage cristallisa aussi une farouche opposition.
Le chantier a débuté en 1947 et rassemblé 5 000 ouvriers. / Photo DL, DR
Des conditions géologiques idéales
Pourquoi un barrage à Tignes ? Après-guerre, les besoins en énergie sont énormes. On recherche donc des endroits adaptés à l’édification de grands barrages hydroélectriques.
Parmi eux, sur le cours supérieur de l’Isère, la cuvette de Tignes présente des conditions géologiques idéales : d’abondants cours d’eau transportant peu d’alluvions, un étroit goulet en bas du vallon, une roche assez dure pour supporter la pression d’un barrage…
Avec un problème tout de même : la présence d’un village. Un rapport des Ponts et Chaussées balaye la question : “Les emplacements favorables à de grands barrages d’accumulation sont trop rares dans les Alpes françaises pour que l’on abandonne, sans raisons capitales, ceux qui peuvent être aménagés”. La présence de villageois n’est apparemment pas considérée comme une “raison capitale” !
Le vieux Tignes est finalement englouti en 1952. / DL
La résistance s’organise
Face à ce projet, la résistance s’organise. La commune multiplie les actions administratives et judiciaires. Même après le début des travaux, en 1947. Des actes de sabotage sont perpétrés. Par désespoir. La presse relaie ce combat. L’émotion est nationale.
Mais les travaux se poursuivent, envers et contre tous. Plus de 5 000 ouvriers, de différentes nationalités, participent à ce chantier colossal. Dans des conditions très difficiles, liées à l’altitude et au froid.
Construction du barrage de Tignes
Une fois le barrage achevé, les habitants refusent toujours de quitter le village de leur enfance. Ce qui oblige le préfet à faire appel à des CRS pour les expulser de force. Chaque maison évacuée est dynamitée.
Le vieux Tignes est finalement englouti en 1952. Et le barrage inauguré par le président de la République, Vincent Auriol.
Large de près de 300 mètres, il retient les 235 millions de mètres cubes d’eau du lac artificiel du Chevril, en Tarentaise. / DL
Une station de ski
L’évacuation, réalisée dans des conditions dramatiques, et la dispersion des familles qui a suivi, marquent très durement les mémoires. Elles sont commémorées par l’édification d’une statue-mémorial du sculpteur Livio Benedetti, en 2002.
Quelques années après la noyade du village, certains habitants donnent naissance à la station de Tignes, au-dessus du barrage. L’eau, qui a causé la destruction du village, est désormais la source de sa prospérité. Sous forme de neige. Mais la tristesse et la colère n’ont pas complètement disparu…
Tignes, la station / DL, Olivier Sauvat
Anciennes cartes postales et photos
Le village initial sous la neige
Le vieux Tignes en bord d'Isère
Mise en eau du barrage, derniers jours de l'ancien village
Emplacement du vieux village
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