Le Pic du Midi en période covid

9/3/2021


Publié le 07/03/2021 à 13:37  | La Dépêche du Midi |  Andy Barréjot

Fermé administrativement, le Pic du Midi vit sur un fil


En ce jeudi matin, on embarque dans la télécabine le personnel et les marchandises qui peupleront le Pic jusqu’à lundi. À bord de la cabine, la viande pour tenir tout le mois, mais aussi de l’eau pour faire face à la panne d’une pompe qui l’achemine depuis le lac d’Oncet. / Photo DDM

Voilà bientôt six mois que le Pic du Midi n’accueille plus de visiteurs. Pour autant des agents continuent à œuvrer en continu pour le maintien de ce phare touristique et scientifique.

Imperturbables face à la léthargie ambiante, les machines s’ébrouent, goûtant de nouveau à la vie après des jours de sommeil. Quelques allers-retours par semaine quand, à cette période de l’année, les télécabines charrient ici des milliers de personnes, avec jusqu’à 80 rotations quotidiennes. Cela fait cinq mois désormais que le Pic du Midi n’a plus accueilli le moindre visiteur. Le Vaisseau des étoiles n’embarque plus qu’une poignée de privilégiés : certains pour veiller sur les lieux, d’autres, les scientifiques, pour les utiliser. 

Une situation inédite sur une si longue fenêtre qui n’est pas sans conséquences pour les finances du Pic du Midi, soumis au régime sec des remontées mécaniques. "On a cru longtemps qu’on pourrait rouvrir si les lieux culturels étaient autorisés à le faire, mais c’est passé, regrette Daniel Soucaze des Soucaze, le directeur. Du coup, on se retrouve dans une situation complexe. on a du personnel qui travaille là-haut, en continu, et personne qui ne nous le rémunère. On assure une mission de service public, pour la science, pour la couverture TNT, radio et numérique via les installations TDF, mais qui n’est aujourd’hui financé par personne. Et ça fait peser des incertitudes sur les investissements à porter, comme la maison de la Nuit au sommet du Tourmalet."


Jean-Marc reçoit la dernière cabine au poste de pilotage avant de redescendre.  / DDM

Une mise à disposition du site qui mobilise continuellement sept agents (lire ci-dessous), soit au total près de 20 équivalents temps plein. "Il faut les rémunérer. or, en face, on n’a plus aucune rentrée d’argent." Des dépenses estimées à 239 000 € par mois et que ne compenseront pas les indemnisations de l’Etat, au titre des domaines skiables, soit 20 % du chiffre d’affaires global, 400 000 € sur tout l’hiver.

Prêts à rouvrir demain jusqu’en octobre
Dans le même temps, des mesures d’activités partielles ont été prises et partagées entre les salariés. "Les équipes sont toujours motivées, assure Daniel Soucaze des Soucaze qui rappelle que le site a été l’un des premiers à recevoir le label Afnor Covid-19. Nous n’avons pas recensé le moindre problème sanitaire sur la période d’exploitation estivale. Là, nous avons avancé les opérations de maintenance que nous menons habituellement au printemps, dans le but d’être prêts à rouvrir dès qu’on aura le feu vert." 

Car le temps presse pour le Pic du Midi dont 2020 a été la première année en retrait après des crus sans cesse en croissance. "Par exemple pour les nuits au sommet, ça bouchonne. On reporte celles que nous n’avons pas pu honorer. Ça décale les nouvelles réservations." Au Pic, on sait que l’aube finira par poindre. Vite !


Hassan et Alexis se croisent au niveau des chambres. L’occasion d’échanger sur les choses à régler dans les bâtiments.  / Photo DDM

À 2 877 m, ils peuplent ce Vaisseau "abandonné"
9 heures ce jeudi. Tous sont en l’heure. Personne n’aurait manqué l’embarquement pour ce trajet qu’ils parcourent habituellement matin et soir. Sauf que pour ces agents du Pic du Midi, le retour n’est prévu que quatre jours plus tard. Ils sont sept agents de la régie à bord, contre une quarantaine habituellement au cœur des vacances d’hiver. "Quand on voit ce temps depuis des jours, ça fait râler" souffle l’un d’eux. La télécabine s’envole. Avec elle, les hommes du Pic, mais aussi de l’observatoire Midi-Pyrénées, des météorologues et des scientifiques. 

Une communauté et son assurance-vie : de la viande pour un mois, des fruits et légumes pour deux semaines mais aussi 1 500 litres d’eau, sous le plancher, pour pallier la panne d’une pompe qui achemine habituellement l’eau depuis le lac d’Oncet. Mathieu est le cabinier du jour, pour l’un de ses seuls trajets du jour. En haut, il est aussi technicien de maintenance. Freddie, lui, succède à Jean-Marc devant les écrans du poste de pilotage. "On doit toujours être en mesure de pouvoir descendre quelqu’un en cas d’urgence, explique Jean-Marc, avant de regagner la vallée et les siens. On est content de retrouver la famille. D’habitude, on est chez nous tous les soirs. Après, on n’est pas isolés. on est connecté avec le bas. Et puis il y a une ambiance sympa ici."


Thierry prépare une entrée gourmande pour les équipes.  / Photo DDM

Une cohésion qui se renforce autour de la table. Cette fois, avec la tenue d’un séminaire Pyrenex, les effectifs ont été doublés avec Jérémie et Thierry. "On est là pour faire plaisir aux gars, pointe Jérémie. Sils déneigent toute la journée par – 15°, ce ne serait pas cool de leur servir des sardines en boîte. On les chouchoute un peu plus que d’habitude." Les menus sont établis à l’avance et les stocks gérés attentivement. Il y a huit ans, Jérémie avait ainsi vu le garde-manger s’amaigrir alors que 13 personnes s’étaient retrouvées coincées au sommet par les conditions météos, pendant près de trois semaines.

"C’est vrai que seuls à bord, c’est parfois un peu morbide. il manque le bruit, le monde. D’autant qu’on n’est pas tous au même endroit." Sauf pour les repas donc. "On forme une famille, glisse Thierry, cuistot ici depuis trois ans. Là, on se retrouve plus facilement. Si les gars ont faim, il n’est pas rare de faire une petite omelette à 10 heures. Et puis on se retrouve à 10 à table, comme un repas de famille." Où la distanciation est de mise, pour éviter tout risque sanitaire sur ce site confiné.


Au Pic du Midi, Météo France cible le "black carbone" / DDM archives

Bâti sur sept niveaux et 10 000 m2 de plancher, le Pic est un labyrinthe. "Ça fait 5 km de couloirs à entretenir, sourit Alexis, aussi à l’aise à la serpillière qu’avec son ojectif où ce passionné d’astrophoto traque l’immensité. Je dois être l’un de ceux qui passe le plus de temps en haut. 180 jours l’an dernier. Je dors peu. j’en profite. J’aime bien cette solitude." Aujourd’hui, il doit en plus prépare les chambres pour le séminaire Pyrenex. 

"Au niveau du nettoyage, on cible les endroits les plus fréquentés mais on passe partout une fois par semaine. Même ici, la poussière se met partout." Entre deux chambres, Alexis croise Hassan. Celui qui assure la maintenance de toute la partie bâtiment était déjà là lors de la rénovation du site pour son ouverture au public en 1997. "On profite de cette période de fermeture pour programmer davantage de chantiers qu’avec le public. "Mais avant ça, Hassan doit satisfaire à ses visites journalières, avec un agenda de missions prédéfini. 


Confiné mais opérationnel, le Pic du Midi continue à veiller sur la Bigorre du haut de ses 2.877 m d’altitude. / Photo DDM

"On vérifie que tout fonctionne. Que ce soit l’électrique, l’eau (avec une consommation en fermeture de 2 m3/jour contre 22 en ouverture au public), la station d’épuration. Le site est équipé comme une petite ville. On a, à disposition un petit magasin qui nous permet de procéder aux premières réparations." Sur son cahier, cette figure du Pic reporte chacune de ses observations, ne laissant rien au hasard.

Pas plus que Nicolas, le responsable sécurité. "On fait tous les jours des rondes pour vérifier les systèmes de sécurité incendie notamment." Son poste de secours, avec tout le nécessaire pour les premiers soins, est vide. "On fait jusqu’à 300 prises en charge par an et même 10 par jour, en lien avec le Samu. Même si on maintient l’activité, on a envie de revoir les visiteurs. Depuis octobre quand même…" Une nuit sombre et infinie sur le Vaisseau des étoiles.


Le personnel de la régie du pic du Midi s’est entraîné à secourir des visiteurs bloqués dans une télécabine suspendue au-dessus du vide / DDM archives
 

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