Les 150 ans de La Dépêche

8/6/2020

  Les 150 ans de La Dépêche 



Publié le 02/02/2020 à 05:18  | La Dépêche du Midi |  Jean-Claude Souléry

L'édito : Presque comme au premier jour


La Dépêche du Midi en 1870. / Photo DDM

Un journal, c’est toujours une aventure. Une œuvre collective pour laquelle s’associent ouvriers, cadres, techniciens, et bien sûr journalistes, sans oublier l’essentiel : ses lecteurs d’un jour ou de toujours. Sans ces femmes et ces hommes, qu’en serait-il d’une aventure qui court depuis un siècle et demi ? À La Dépêche, nous savons le prix de cette fidélité quotidiennement conquise, aujourd’hui comme hier, le poids aussi d’une histoire politique, économique, sociale, culturelle, toute une histoire façonnée par l’Histoire.

 
Trois guerres et trois Républiques, ça forge les caractères, et pas seulement les caractères d’imprimerie. Depuis ce tout premier numéro – daté du 2 octobre 1870 –, imaginé, rédigé, fabriqué par une poignée d’ouvriers typographes afin de donner aux Toulousains "des nouvelles du front" alors que la guerre franco-prussienne nourrissait une vive angoisse parmi la population, depuis ce numéro 1 qui coûtait modestement 1 sou à son lecteur, il en a coulé de l’encre, elles ont roulé chaque nuit les rotatives, sans jamais entamer nos passions, nos convictions et ces valeurs auxquelles nous croyons toujours.


Georges Clemenceau, Père la Victoire / Photo DDM

 
Dans une étude très documentée, Henri Lerner, agrégé d’Histoire, décrivait ainsi les premières années de notre journal : "La Dépêche se réclamait d’une foi républicaine, au nom d’un idéal laïque et humanitaire dont Victor Hugo semblait l’incarnation". C’était un temps où la République, troisième du nom, était encore fragile, où le combat paraissait sans relâche contre ceux qui voulaient l’abattre, un temps où Jean Jaurès, Clemenceau et tant d’autres éclairaient de leurs plumes une opinion occitane indocile, rurale et fière de ses origines.
 
La Dépêche, très tôt, allait devenir le premier journal de cette région par sa diffusion et par son enracinement, par sa volonté jamais démentie de défendre farouchement les intérêts et les combats des hommes et des femmes d’ici.
 

1923 : Jaurès en Une de La Dépêche / DDM
 
Aujourd’hui, que de temps parcouru ! En un siècle et demi, ce qu’il fallût d’épreuves, de joies, de blessures et de victoires pour préserver cette indépendance – indépendance capitalistique et indépendance d’esprit – à laquelle nous sommes irrévocablement attachés !

Mais, bien sûr notre longue histoire serait vaine si elle se résumait à une forme de nostalgie, si elle ne nous avait pas appris que, chaque jour, le monde et les hommes changent, que la révolution fantastique des technologies et notamment du numérique prolonge l’aventure, et nous oblige tout naturellement à une transformation inédite du métier. Par une information encore plus proche, plus rapide, mieux adaptée, mais toujours au service de l’essentiel : nos lecteurs et internautes… "Presque" comme au premier jour !
      

 
 Publié le 02/02/2020 à 05:50  | La Dépêche du Midi |

L’année des 150 ans pour La Dépêche du Midi


Demandez « La Dépêche » ! la sortie de l’imprimerie au milieu du XXe siècle./ Photo DDM

      
Le 2 octobre prochain, "La Dépêche" fêtera le 150e anniversaire de son lancement. Le journal présent aujourd’hui en seize éditions papier et en contenus numériques est né dans une petite imprimerie toulousaine pendant la guerre de 1870.

Le journal que vous avez entre les mains, cet article que vous lisez peut-être sur votre smartphone comme ces pages que vous faites glisser de l’index sur une tablette sont porteurs de 150 ans d’Histoire et de millions d’histoires.

 
Parmi les plus anciens titres de France, avec "Le Figaro" et "Le Progrès", "La Dépêche" est née le 2 octobre 1870. Ce dimanche-là, en échange d’un sou (5 centimes), quelques centaines de Toulousains découvrent quatre pages sorties de l’imprimerie Sirven. Le nom du journal correspond à la mission qu’il s’est fixée : donner à connaître les dépêches provenant de la guerre qui fait alors rage contre la Prusse. Le conflit se terminera trois mois plus tard, mais les presses du quotidien toulousain, supporter de la toute jeune IIIe République, ne s’arrêtent pas pour autant.
 

À la découverte des rotatives de la Dépêche. / Photo DDM
 
Sur le papier et sur la toile
Un siècle et demi plus tard, toutes les nuits à l’exception de la veille du 1er mai (seul jour de non-parution), les deux rotatives du journal installé depuis 40 ans dans le quartier des Pradettes impriment près de 150 000 exemplaires de seize éditions différentes de "Dépêche". Une noria de petits camions les acheminera avant le jour au plus près des lecteurs de la zone de diffusion qui s’étend sur neuf départements d’Occitanie et une partie du Lot-et-Garonne en Nouvelle-Aquitaine.

Et avec plus de 33 millions de visites mensuelles, fin 2019, sur ladepeche.fr, ce qui en fait le deuxième site de la presse régionale française, Internet a étendu l’audience du titre au-delà de ses limites géographiques.


Ouvriers de l'Aérospatiale lisant La Dépêche du Midi le matin du 11 mai 1981. / Photo DDM

Sous-titré "Journal de la démocratie" dès ses premières années de parution, "La Dépêche" ses "grandes plumes", journalistes et correspondants, ont suivi au jour le jour un siècle et demi de progrès et de fureur, de guerres et de conquêtes de la paix. Républicain de naissance, le journal est resté fort de trois valeurs : humanisme, laïcité (le nom des saints disparut un temps de son éphéméride) et indépendance. Par sa vocation sociale et éducative, la Fondation du groupe Dépêche, créée en 2008, y ajoute une valeur capitale : la jeunesse.

 
La Grande Guerre, les années folles, les présidents (Mitterrand préféré à de Gaulle), les conquêtes de l’air (de l’Aéropostale à l’A350 après Concorde), la chanson toulousaine, les champions olympiques et les boucliers de Brennus, les révolutions autour du monde et les drames, Mai-68 et les Gilets jaunes… "La Dépêche" écrit et illustre la vie des jours, du grand titre de "Une" aux petites aventures de Ferdinand, un sourire quotidien tapi sous la météo.

 
Publié le 02/02/2020 à 08:59   | La Dépêche du Midi |  Propos recueillis par Lionel Laparade

"Un siècle et demi au service de la République"


Jean-Michel Baylet, Président-Directeur Général, Jean-Nicolas Baylet, Directeur Général (à droite) et Jean-Benoît Baylet, Directeur Général Adjoint (à gauche). / AFP, Lionel Bonaventure.

 
"La Dépêche du Midi" fêtera son 150e anniversaire le 2 octobre 2020. Peu de journaux ont connu une si longue et si riche histoire…
Jean-Michel Baylet, Président-Directeur Général du Groupe "La Dépêche" :
C’est, en effet, le troisième titre de presse le plus ancien en France. "La Dépêche" est une véritable épopée qui commence le 2 octobre 1870, quand deux anarchistes, ouvriers typographes de profession, obtiennent de leur patron qu’il imprime un journal. Nous sommes alors en plein désastre de la bataille de Sedan, le Second Empire vacille, et la Troisième République est en train de naître.

 

La Tour Eiffel a été saluée dans La Dépêche par Jean Jaurès / DDM
 
Jaurès, Clémenceau, Poincaré, Heinrich Mann ou encore Einstein ont écrit dans "La Dépêche". Diriez-vous que le journal de Toulouse, devenu celui de toute une région, est un élément du patrimoine de la République ?
Oui, sans hésitation. Dès sa parution, "La Dépêche" reçoit régulièrement des lettres d’encouragement de Victor Hugo. Bien avant "L’Humanité", "La Dépêche" est aussi le journal de Jaurès. Lorsqu’il ne signe pas sous son propre nom, comme en 1888 quand il publie sa Lettre aux instituteurs, il est critique littéraire sous le sobriquet du "Liseur". Apparaît déjà ce qui constitue, aujourd’hui encore, l’identité de "La Dépêche", c’est-à-dire, un journal de proximité, solidement ancré dans son territoire, mais qui regarde et raconte aussi la France et le monde.


Il y a 150 ans dans La Dépêche : le prix Nobel de Marie et Pierre Curie / DDM

C’est ainsi que l’histoire toulousaine et régionale n’a jamais cessé de croiser les grandes heures de l’histoire de France. Il suffit de se plonger dans nos archives pour voir comment, de l’Affaire Dreyfus (1894) aux grandes lois sur l’Ecole et la Presse (1881), la liberté d’association (1901) ou encore la séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905), "La Dépêche" a épousé et défendu les valeurs républicaines.

Beaucoup d’eau, depuis, a coulé sous les ponts du progrès et de la modernité, deux autres marques de fabrique de ce journal qui a été, par exemple, le premier à créer des éditions départementales.
Mais 150 ans plus tard, la République reste notre boussole. L’Humanisme est une autre valeur gravée dans le marbre de notre histoire. Dans le testament qu’il nous a laissé, mon père, Jean Baylet, a souligné le respect dû aux femmes et aux hommes de "La Dépêche" dont ils sont la richesse. Cette recommandation, je l’ai transmise à mes enfants.


En 1918, face à la propagation de la grippe espagnole, l’appel au confinement de La Dépêche du Midi / DDM

En 2015, le groupe "La Dépêche" a écrit une page importante de son histoire en rachetant le groupe des journaux du Midi. Quels ont été les enjeux de cette opération de croissance ?
Un journal, même si c’est une entreprise spécifique, est régi par les grandes règles de l’économie. Si nous avons engagé cette opération de développement, c’est parce que nous avons considéré qu’elle était indispensable pour préserver nos équilibres et assurer notre avenir.

Donc avec détermination et un certain courage car ce n’était pas une mince affaire, nous avons décidé de reprendre un groupe voisin, de la taille du nôtre, et ainsi de doubler notre périmètre, en chiffre d’affaires, en personnels et en diffusion. La poursuite de la marche en avant du groupe "Dépêche" en dépendait. Vous noterez au passage que tous les titres que nous avons repris continuent d’exister, dans le respect de leur indépendance éditoriale. Ce n’est pas vrai partout…


La fée électricité arrive dans nos campagnes en 1924 / DDM

Les GAFA qui menacent l’économie des médias traditionnels sont-ils aussi, pour "La Dépêche du Midi", un sujet d’inquiétude ?
La presse est en danger, 1800 journaux, par exemple, ont disparu aux Etats-Unis. Avec les autres médias qui résistent, nous menons un véritable combat pour notre survie. Nous combattons parce que nous sommes attachés à cette entreprise familiale, mais aussi parce qu’à travers les médias, c’est la démocratie qui est menacée. Ce que révèlent les récentes études menées dans les "déserts médiatiques" anglo-saxons devrait tous nous interpeller.

 
Les conséquences de la disparition des journaux sont désastreuses : les taux de participation aux élections locales sont en chute libre, le nombre de candidats à ces scrutins diminue, et on voit même le taux d’endettement des municipalités s’envoler, dès lors que les journalistes ne sont plus là pour observer et rendre compte des décisions des pouvoirs locaux ! Les GAFA pillent les contenus produits par nos journalistes sans aucune contrepartie, captent l’essentiel des revenus publicitaires et, agissant ainsi, mettent à mal nos modèles économiques. Et ne parlons pas du fléau des fake news ou de la théorie du "tous journalistes" que véhiculent les réseaux sociaux.


 Il y a 90 ans, la crue du siècle dans la région / DDM

Oui, Les GAFA sont un danger mortel pour les médias et la démocratie ! C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons créé l’Alliance de la presse d’information générale que je préside. Après bien des combats, avec l’aide des gouvernements, nous sommes parvenus à faire voter un texte sur les droits voisins pour essayer de contester la toute-puissance des GAFA.

Après Jean et Evelyne-Jean Baylet, puis vous-même, une nouvelle génération se hisse à la tête du groupe de presse familial. "La Dépêche" est-elle aujourd’hui entre de bonnes mains ?
J’ai eu le privilège, c’est vrai, d’hériter de ce groupe de presse dirigé par mon père, puis après sa disparition, par ma mère. Tout petit, j’ai été préparé à cela. J’ai fait de même avec mes deux fils, Jean-Nicolas et Jean-Benoît, qui sont aujourd’hui aux commandes. Recevoir, transmettre, c’est ma grande fierté.

Je n’ai aucun doute sur leur capacité à prolonger la longue histoire de "La Dépêche" qui s’écrira naturellement autrement qu’à l’époque où j’en ai pris moi-même la direction. Ils sont nés avec les nouvelles technologies, ce qui n’est pas mon cas, je suis un peu "ancien monde"… Ils appartiennent à cette société du numérique et avec eux, la vénérable institution qu’est "La Dépêche du Midi" a su prendre ce virage. Fin 2019, notre site internet est entré dans le cercle très fermé des 20 sites d’informations générales les plus consultés en France.


En 1930, Costes et Bellonte les conquérants du ciel / DDM

Vous êtes donc confiant pour l’avenir de votre groupe de presse ?
La relève est assurée, je n’ai aucun doute là-dessus. Si l’on additionne la diffusion papier et la fréquentation de notre site, "La Dépêche du Midi" n’a jamais été aussi lue depuis 150 ans. Le problème est la monétisation de cette audience considérable, et cette question nous renvoie au combat engagé par les éditeurs traditionnels contre les GAFA.

J’observe cependant, comme d’autres patrons de presse, les prémices d’un mouvement de balancier qui semble nous être favorable. Après nous avoir affaiblis, les réseaux sociaux, "l’infobésité", cette surabondance d’informations diffusées sur internet sans hiérarchisation ni vérification, et la peste des fake news, jouent en notre faveur. Je veux croire à un retour du citoyen-lecteur vers la presse professionnelle et de qualité.


En janvier 1932, un éditorialiste nommé Albert Einstein / DDM

 

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