Il y a 60 ans, l'arrivée de la télé
Publié le 17/12/2017 à 08:10 | La Dépêche du Midi | Alain Feyt
Déjà 60 ans de télévision !
Un mur d'écrans de télévision au siège de Médiamétrie, à Paris le 30 octobre 2012 - / Photo DDM, THOMAS SAMSON - AFP Archives
Il y a 60 ans exactement la télévision entrait dans les foyers de la dernière région de France privée jusque là du sourire des speakerines, du très solennel journal télévisé et des aventures de Rintintin. Souvenirs.
Une date, une heure. 15 décembre 1957, 11h30. Gérard Jaquet, secrétaire d'Etat à l'Information donne officiellement le top départ pour la mise en route des programmes télévisés. Ils sont diffusés pour la première fois sur tout le Sud-Ouest relayés par l'émetteur du Pic du Midi. L'histoire retiendra qu' un simple coup de fil passé depuis le Salon de la radio et de la télévision – qui se tenait en même temps à Toulouse – aura suffi à mettre la télévision sur orbite dans la région.
Ce dimanche à l'heure H, la télé est donc entrée dans la petite poignée de foyers équipés d'un téléviseur, le nouvel ami des familles. En1956, une estimation porte à 500.000 le nombre de postes de télévision en France. On en comptera 1 million en France dès l'année 1958 . Désormais, chaque année, un million de téléviseurs sera vendu en France, jusqu'à ce que chaque famille possède un poste à la fin des années 60.
Les dirigeants de l'ORTF invités des 'Dossiers de l'Ecran' / Photo getty images
La messe et le journal télévisé
Mais ce jour-là, ils ne sont pas très nombreux à posséder un récepteur dans la région. Les rares privilégiés ont pu assister à la fin de la messe, avant de découvrir leur premier journal télévisé. Toute la journée ce sera l'effervescence dans les maisonnées, où la famille, les amis et les voisins se pressent pour assiter au miracle télévisuel en direct.
Des images saluées comme un évènement comme le relatait Charles Mouly, journaliste à La Dépêche du Midi dans le journal du 16 décembre 1957 : «Comme bien d'autres perfectionnements qui sont entrés dans nos foyers, la TV est capable de nous apporter le pire comme le meilleur. Plus encore que la radio, elle resserre la vie des hommes.(...) Grâce à elle, il n'y a plus de trous perdus de ces villages ou de ces hameaux où l'on se sent coupé du monde. L'homme isolé comme le malade peuvent à volonté se relier avec la grande animation des cités, garderle contact avec l'actualité immédiate. (...) C'est pourquoi dans toutes les maisons sur lesquelles s'érigent les antennes sinueuses, les nouveaux téléspectateurs étaient hier aux aguets devant leur écran attendant avec émotion le moment où cet écran allait se mettre à vivre.»
Intérieur français dans les années 60 / DR
Même enthousiasme lors de ces premières émissions pour ces nouveaux téléspectateurs. Ainsi, Pierre qui comparaît le téléviseur à un objet sacré, «on sonnait pour venir voir le meuble et si de surcroit il y avait une bonne émission, les visiteurs trouvaient toujours ça fabuleux» se rappelle-t-il.
Annie elle se souvient de la première télé : «elle était blanche aux coins arrondis. Je devais 9 ou 10 ans quand mes parents ont acheté un téléviseur. Pour nous les enfants, c'était une révélation. On avait chez nous un cinéma miniaturisé sur lequel on découvrait les joies du feuilleton télé, dont on ne voulait rater aucun épisode, le soir avant de passer à table.»
Patrick se souvient bien de l'arrivée de la télévision et en reste nostalgique , «elle ranimait l'esprit des veillées». Il regrette la place prise par la télévision dorénavant prépondérante : «Aujourd'hui c'est le contraire, chacun reste chez soi et ne partage plus de bons moments de télévision avec les voisins.» Il faut dire qu'aujourd'hui chaque foyer possède au moins 5 écrans ( smartphone, ordinateurs, le téléviseur est en passe d'être dépassé ) capable de recevoir des centaines de chaînes TV.
Publié le 17/12/2017 à 06:43 | La Dépêche du Midi | Dominique Delpiroux
Que regardait-on en 1957 ?
Noir et blanc de rigueur / Photo DDM
Prenons la machine à remonter le temps. Et voyons un peu ce que les habitants d'ici ont pu regarder, à la télévision, à partir du 15 décembre 1957. On tourne le gros bouton, le «poste» grésille, les lampes chauffent, l'écran pétille de points gris... Magie !
Les horaires…
Inutile d'allumer sa télé le matin ou l'après-midi, il n'y a pas de programme. Un petit journal télévisé entre midi et deux et les émissions reprennent vers 18 heures. Entre-temps, il y a «la mire», qui permet aux réparateurs et installateurs de télé de régler les appareils. Le soir, il y a un feuilleton, des dessins animés, et des «interludes», interminables tunnels où il ne se passe rien, comblés plus tard par le «Petit Train Rébus». Les publicitaires d'aujourd'hui collapseraient devant ce temps perdu ! Mais, évidemment, aucune publicité à l'époque. A 20 heures, c'est le journal, et à 20 h 30, la grande émission du soir, qui se termine vers 23 heures.
Jacqueline Caurat, Catherine Langeais, Jacqueline Huet : speakerines
Les speakerines
Ce sont elles qui annoncent les programmes. De belles femmes élégantes, dont on ne voit que rarement les jambes. Les plus célèbres sont Catherine Langeais (épouse de Pierre Sabbagh, et ex-petite amie de. François Mitterrand Jacqueline Joubert ( la maman d'Antoine de Caunes), Jacqueline Caurat, Jacqueline Huet.
Évelyne Dhéliat, Madame Météo de TF1 avait commencé sa carrière comme speakerine : elle est la plus ancienne employée de TF1 !
Les présentateurs télé
Les tout premiers journaux télévisés sont présentés par Pierre Tchernia, Pierre Sabbagh, Georges de Caunes ( cette fois, c'est le papa d'Antoine !) et Jacques Sallebert. Les présentateurs ne sont pas forcément journalistes et réciproquement, comme cela se faisait à la radio, où il y avait les «speakers». «Cinq Colonnes à la une» sera la première grande émission d'information.
Guy Lux, Simone Garnier et Raymond MARCILLAC / Photo getty images
Les variétés
Petit bonhomme moustachu et jovial, Jean Nohain, qui vient du music-hall, présente «36 chandelles», émission de variétés télévisées en direct depuis des scènes parisiennes. Le public découvre ses idoles à la télévision : Fernand Raynaud, Fernandel, Luis Mariano, Yves Montand et même Georges Brassens ! Et à l'époque, on y voyait déjà… Charles Aznavour ou Annie Cordy !
À vos fourneaux !
Bien des années avant les Top Chefs et autres meilleurs gâte-sauce, le chef Raymond Oliver, avec sa barbe, son fort accent et... Catherine Langeais a animé la première émission culinaire de la télévision.
Le général de Gaulle a bien tiré profit de la télévision / Photo getty images
Au cirque !
Émission inoubliable pour les enfants de l'époque, la «Piste aux Étoiles», animée par Roger Lanzac. Une émission culte qui vivra sa vie jusqu'en 1976 ! On y voyait les clowns Fratellini et Achille Zavata, qui est devenu une star grâce à cela.
Tu parles, Charles
Le général de Gaulle n'a jamais aimé la télé. Mais il a vite compris qu'il fallait s'en servir, et il s'en ait bien servi. Première allocution le 13 juin 1958, lors de son accession au pouvoir. À l'époque, la Radio Télévision Française est totalement aux mains du pouvoir. Aujourd'hui, c'est fini. En théorie.
Publié le 17/12/2017 à 06:43 | La Dépêche du Midi | D. D.
Pic du midi : un exploit technique
L'antenne est solidement arrimée au Pic à près de 3000 m./ Ph. DDM, DD
Il fallait réaliser l'opération par temps clair ! Grimper sur le toit et orienter l'antenne vers... le Pic du Midi ! C'est depuis cette montagne que sont arrivées, comme par magie, les premières images en 819 lignes, ce 15 décembre 1957. Un chemin céleste qui précédait de quelques jours celui des rennes du Père Noël.
Aujourd'hui, l'émetteur du Pic du Midi, qui s'élève à plus de 100 mètres au-dessus des roches, fait partie du paysage : par temps clair, tout un chacun peut apercevoir ce thermomètre géant qui prend la température des Pyrénées.
Mais, à l'époque, sa réalisation fut un véritable défi technologique. Au tout début, en 1957, il n'y avait au bout du bout du pic, qu'un émetteur de 500 watts, alimenté par un faisceau venu de Bordeaux, à 216 kilomètres de distance.
C'est en 1959 que la réalisation de l'émetteur tel que nous le connaissons a réellement débuté. Il s'agissait de bien arrimer cette antenne de 100 mètres de haut à 2 877 mètres, sur un sommet où les vents peuvent atteindre 270 Km/heure ! On a donc commencé par araser le Pic, sur une hauteur de 13 mètres, en faisant exploser en tout quatre tonnes de dynamite ! L'antenne est plantée dans un bloc de béton énorme, un cube de 8 mètres sur 8, qui pèse 800 tonnes. C'est le sommet «géodésique» qui a été choisi, pour minimiser les oscillations du pylône.
Monte-charges
Pas facile de réaliser ces travaux, à l'époque ! Le téléphérique actuel n'existait pas, et on a donc acheminé les tonnes de béton par l'ancienne route à péage qui arrivait jusqu'à l'Hôtellerie des Laquettes, à 2 650 mètres d'altitude. Pour atteindre le pic lui-même, il y avait encore plus de 200 mètres. On a fabriqué deux monte-charges, et utilisé le funiculaire. Un exploit technique et humain, à une altitude où le manque d'oxygène coupe la respiration aux travailleurs.
Retransmission du Tour de France par la RTF / DR
Soixante ans après, l'émetteur du Pic du Midi est toujours le plus haut de France, et arrose toujours une zone de diffusion qui touche près de deux millions de téléspectateurs et un septième du territoire français.
Le Pic du Midi a diffusé pendant de longues années les signaux VHF en 819 lignes de la première chaîne de télé, puis les signaux UHF en 625 lignes des chaînes suivantes… On a coupé la diffusion de ces chaînes «analogiques» le 8 novembre 2011 au Pic du Midi. Celui-ci diffuse désormais les chaînes numériques de la TNT, mais aussi la radio FM (France inter France Musique, France Culture, Sud radio…). L'émetteur est également utilisé par les opérateurs de téléphonie mobile : Orange, Bigues, SFR et Free.
Le Pic du Midi est devenu une destination touristique majeure, et les astronomes ont largement ouvert leurs télescopes et leurs coupoles au grand public.
En revanche, le secteur de l'émetteur, lui, n'est pas ouvert à la visite. La tour hertzienne reste réservée aux seuls initiés !
Publié le 17/12/2017 à 06:43 | La Dépêche du Midi | Philippe Emery
Michel : «Je collectionne tout ce qui touche à la télé !»
Michel Lacoste collectionne ce qui touche au petit écran / Photo DDM
«J'ai découvert la télévision en 1958, j'avais sept ans, dans une vitrine il y avait une drôle de boîte avec une image fixe grise. Maman m'a dit : «C'est des images, c'est la télévision», se souvient Michel Lacoste. Cet ancien employé de la société HLM des Chalets, vit paisiblement sa retraite dans l'agglomération toulousaine, partagé entre deux passions, la télévision et la pétanque.
Il collectionne à peu près tout ce qui touche au petit écran. Il y a d'abord la pendule à spirale «créée par un élève de l'école Boulle et mise en service sur la RTF, l'ancêtre de l'ORTF, en 1959 : les premiers téléspectateurs appelaient parfois le réparateur parce que la pendule du poste retardait», s'amuse-t-il. Il récupère aussi les premières revues donnant les programmes télévisés, «la Semaine radiophonique, Radio 57, puis des magazines consacrés au petit écran : Télé 59, Télé7jours».
La Piste aux Étoiles présentée par Roger Lanzac / DR
Et puis les catalogues des premiers téléviseurs ou un vinyle 45 tours «avec la première chanson de télévision, par Jacques Dréjac, intitulée Tv Song». Comme les gens de sa génération, Michel Lacoste est un Enfant de la Télé, biberonné aux Coulisses de l'Exploit, aux Cinq Colonnes à la Une, aux Cinq dernières minutes, «où Raymond Souplex alias le commissaire Bourrel trouvait la solution juste à la fin», à la Caméra explore le temps de Decaux et Castelot, à Intervilles, aux feuilletons à succès : Rintintin, Thierry la Fronde, Janique Aimée, le petit canard Saturnin et les clowns Barrios.
«On regardait la Piste aux Etoiles le mercredi soir car on n'avait pas école le jeudi. Mais à l'époque, la télévision était réservée aux familles aisées, un poste était cher, petit (le plus grand écran faisait 54 cm!), au tube cathodique protégé par un verre car il risquait d'imploser. L'antenne bricolée sur le toit était un signe extérieur de richesse. Quand un poste arrivait dans un foyer, famille, amis, voisins venaient admirer la mire. Je regardais la télé chez ma grand-mère qui l'avait achetée pour le catch, dont elle raffolait, présenté par Claude Darget. Ou au café pour le rugby.
Simone Garnier, Guy Lux et Léon Zitrone présentateurs vedettes d'Intervilles / Photo Sud Ouest, AFP Georges Bendrihem
Il n'y avait pas bien sûr de télécommande, de ralenti, de replay, de magnétoscope, la couleur n'est arrivée qu'à partir de 1967. L'image était souvent parasitée par le moulin à café du voisin ou un vélomoteur dans la rue. On pouvait avoir une heure de panne, voire la soirée quand la foudre tombait sur l'émetteur du Pic du Midi. À force de la regarder, je m'y suis retrouvé dedans, rigole Michel, j'ai participé au jeu Y a un truc, de Gérard Majax». Aujourd'hui, quand il se souvient de ces temps pionniers, Michel Lacoste, n'est pas loin de penser que «la meilleure télé, c'est celle qui est éteinte». Celle des souvenirs.
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